06.09 - Texte intégral de la synthèse
du document "Domine Jesus."
I. La révélation de Jésus-Christ, complète et définitive
II. Le Logos incarné et le Saint-Esprit dans l'oeuvre du salut
III. Unicité et universalité du mystère salvifique de Jésus-Christ
IV. Unicité et unité de l'Église
V. Église, Royaume de Dieu et Royaume du Christ
VI. L'Église et les religions face au salut
***
Dans le vif débat contemporain sur le rapport entre le Christianisme et
les autres religions, certains théologiens catholiques affirment que toutes
les religions sont également valides comme moyens de salut. Il s'agit
de théories relativistes qui refusent ou retiennent comme dépassées des
vérités fondamentales pour la foi catholique sur le caractère définitif
et complet de la révélation de Jésus, l'inspiration des livres de la Sainte
Écriture, l'indivisible unité personnelle entre le Verbe éternel et Jésus
de Nazareth, l'unité de l'économie du Verbe incarné et du Saint-Esprit,
l'unicité et l'universalité salvifique du mystère de l'incarnation, de
la passion et de la mort de Notre Seigneur Jésus-Christ, la médiation
salvifique universelle de l'Église, la non-séparation
(quoique dans la distinction) entre le Royaume de Dieu, le Royaume du
Christ et l'Église, la subsistance de l'unique Église du Christ dans l'Église
catholique.
Ces théories s'appuient sur certains présupposés de nature philosophique
ou théologique. La Déclaration en signale quelques-uns comme par exemple
la conviction que la vérité sur Dieu est insaisissable et ineffable, même
par la révélation chrétienne; l'attitude relativiste vis-à-vis de la vérité,
entraînant que ce qui est vrai pour certains ne le serait pas pour d'autres;
l'opposition radicale qu'on établit entre la mentalité logique occidentale
et la mentalité symbolique orientale; le subjectivisme exaspéré qui tient
la raison comme seule source de connaissance; la privation du mystère
de l'incarnation de sa dimension métaphysique; l'éclectisme qui, dans
la recherche théologique, prend des idées dans différents contextes philosophiques
et religieux, sans se soucier ni de leur cohérence systématique ni de
leur compatibilité avec la vérité chrétienne; la tendance finalement à
lire et à interpréter la Sainte Écriture en dehors de la Tradition et
du Magistère de l'Église.
Tenant compte de ce débat, la Commission Théologique Internationale avait
déjà publié en 1997 un document Le Christianisme et les religions. En
s'appuyant sur de nombreuses références bibliques et réflexions théologiques,
on y montrait que la théologie pluraliste des religions n'a pas de fondement,
et on y réitérait l'annonce de l'unicité et de l'universalité salvifique
de Jésus-Christ et de l'Église, toujours source du salut, à l'intérieur
comme hors du Christianisme. Cependant, à cause de la diffusion rapide
et massive d'une mentalité relativiste empreinte d'un pluralisme mal compris,
la Congrégation pour la Doctrine de la Foi intervient maintenant avec
la présente Déclaration pour proclamer à nouveau et éclairer certaines
vérités de foi, en suivant ici l'exemple de l'apôtre Paul face aux Corinthiens:
"Je vous ai donc transmis en premier lieu ce que j'avais moi-même reçu"
(1 Co 15,3).
Concrètement, la Déclaration compte six points, qui résument les données
essentielles de la doctrine de la foi catholique sur la signification
et la valeur salvifique des autres religions.
I. La révélation de Jésus-Christ,
complète et définitive
Contre la thèse qui soutient le caractère limité, incomplet et imparfait
de la révélation de Jésus-Christ, qui compléterait la révélation présente
dans les autres religions, la Déclaration rappelle la foi catholique sur
la révélation complète et définitive en Jésus-Christ du mystère salvifique
de Dieu. Jésus étant vraiment Dieu et vraiment homme, ses mots et ses
oeuvres portent en eux le caractère total et définitif de la révélation
du mystère de Dieu, qui demeure cependant en lui-même transcendant et
inépuisable. Par conséquent, tout en admettant que les autres religions
apportent souvent un rayon de la vérité qui illumine tous les hommes(cf.
Décl. Nostra aetate, n. 2), on réaffirme que la qualification de textes
inspirés ne doit être réservée qu'aux livres canoniques de l'Ancien et
du Nouveau Testament, qui, en tant qu'inspirés par le Saint-Esprit, ont
Dieu pour auteur et enseignent fermement, fidèlement et sans erreur la
vérité sur Dieu et sur le salut de l'humanité.
La Déclaration enseigne par ailleurs qu'on doit tenir fermement la distinction
entre la foi théologale, qui est l'accueil de la vérité révélée par le
Dieu Un et Trine, et la croyance dans les autres religions, qui est une
expérience religieuse encore à la recherche de la vérité absolue, et encore
privée de l'assentiment à Dieu qui se révèle.
II. Le Logos incarné et
le Saint-Esprit dans l'oeuvre du salut
Contre la thèse d'une double économie salvifique, une économie du Verbe
éternel, universelle et donc également valide en dehors de l'Église, et
une économie du Verbe incarné, limitée aux seuls chrétiens, la Déclaration
réaffirme l'unicité de l'économie salvifique du seul Verbe incarné qui
est Jésus-Christ, Fils unique du Père. Le mystère de son incarnation,
de sa mort et de sa résurrection est la source unique et universelle de
salut pour l'humanité entière. Le mystère du Christ en effet a une unité
intrinsèque, de l'élection éternelle en Dieu jusqu'à la parousie: "[Le
Père] nous a élus en lui [le Christ], dès avant la fondation du monde"
(Ep 1,4).
Jésus-Christ est le médiateur et rédempteur universel. Est donc aussi
erronée l'hypothèse d'une économie salvifique de l'Esprit Saint au caractère
plus universel que celle du Verbe incarné, crucifié et ressuscité. Le
Saint-Esprit est en effet l'Esprit du Christ ressuscité et n'agit pas
à côté ou en dehors du Christ. Il n'y a qu'une seule économie trinitaire,
voulue par le Père, et réalisée dans le mystère du Christ avec la coopération
du Saint-Esprit.
III. Unicité et universalité
du mystère salvifique de Jésus-Christ
La Déclaration réaffirme par conséquent l'unicité et l'universalité salvifique
du mystère de Jésus-Christ, qui par son incarnation, sa mort et sa résurrection
a accompli l'histoire du salut, dont il est la plénitude, le centre et
la source. Certes, l'unique médiation du Christ n'exclut pas des médiations
participées, de types et d'ordres divers, mais elles tirent leur sens
et leur valeur uniquement de celle du Christ, et elles ne peuvent être
considérées comme parallèles ou complémentaires. Les solutions qui envisageraient
une action salvifique de Dieu hors de l'unique médiation du Christ seraient
contraires à la foi catholique.
IV. Unicité et unité de
l'Église
La présence et l'oeuvre de salut du Seigneur Jésus continuent en effet
dans l'Église et à travers l'Église qui est son Corps. Et comme la tête
et les membres d'un corps vivant sont inséparables mais distincts, le
Christ et l'Église ne peuvent être ni confondus ni séparés.
Par conséquent, compte tenu de l'unicité et de l'universalité de la médiation
salvifique de Jésus-Christ, on doit croire fermement comme vérité de foi
catholique en l'unicité de l'Église fondée par le Christ. Les fidèles
sont tenus de professer qu'il existe une continuité historique entre l'Église
instituée par le Christ et l'Église catholique. En effet, cette unique
Église du Christ "c'est dans l'Église catholique qu'elle se trouve, gouvernée
par le successeur de Pierre et les Évêques qui sont en communion avec
lui" (Const. dogm. Lumen gentium, n. 8). En ce qui concerne les "éléments
nombreux de sanctification et de vérité [qui] subsistent hors de ses structures"
(ibidem), c'est-à-dire dans les Églises et Communautés ecclésiales qui
ne sont pas encore en pleine communion avec l'Église catholique, il faut
affirmer que leur "force dérive de la plénitude de grâce et de vérité
qui a été confiée à l'Église catholique" (Décr. Unitatis redintegratio,
n. 3).
Les Églises qui n'acceptent pas la doctrine catholique du Primat de l'Évêque
de Rome, restent unies à l'Église catholique par des liens très étroits
comme la succession apostolique et l'Eucharistie valide. Par conséquent,
l'Église du Christ est présente et agissante dans ces Églises particulières,
malgré l'absence de la pleine communion avec l'Église catholique.
En revanche, les Communautés ecclésiales qui n'ont pas conservé l'épiscopat
valide et la substance authentique et intégrale du mystère eucharistique,
ne sont pas des Églises au sens propre; toutefois, les baptisés de ces
Communautés se trouvent dans une certaine communion bien qu'imparfaite
avec l'Église catholique. "En conséquence, ces Églises et Communautés
séparées, bien que nous les croyions souffrir de déficiences, ne sont
nullement dépourvues de signification et de valeur dans le mystère du
salut" (Décr. Unitatis redintegratio, n. 3).
V. Église, Royaume de
Dieu et Royaume du Christ
La mission de l'Église est "d'annoncer le Royaume du Christ et de Dieu
et de l'instaurer dans toutes les nations, formant de ce Royaume le germe
et le commencement sur la terre" (Const. dogm. Lumen gentium, n. 5). D'un
côté, l'Église est "le signe et le moyen de l'union intime avec Dieu et
de l'unité de tout le genre humain" (ibidem, n. 1). Elle est donc signe
et instrument du Royaume: appelée à l'annoncer et à l'instaurer.
De l'autre côté, l'Église est le "peuple qui tire son unité de l'unité
du Père et du Fils et de l'Esprit Saint" (ibidem, n. 4); elle est ainsi
"le règne du Christ déjà mystérieusement présent" (ibidem, n. 3), puisqu'elle
en constitue le germe et le principe. Diverses explications théologiques
peuvent exister sur ces problèmes. Cependant, aucune de ces explications
possibles ne doit refuser ou réduire à néant le lien étroit entre le Christ,
le Royaume et l'Église. En effet, le "Royaume de Dieu tel que nous le
connaissons par la Révélation" ne peut être séparé "ni du Christ ni de
l'Église" (Encycl. Redemptoris missio, n. 18).
Le Royaume de Dieu ne s'identifie cependant pas avec l'Église dans sa
réalité visible et sociale. Car on ne doit pas oublier "l'action du Christ
et de l'Esprit Saint hors des limites visibles de l'Église" (ibidem).
En considérant les rapports entre le Royaume de Dieu, le Royaume du Christ
et l'Église, il est de toute manière nécessaire d'éviter des formulations
unilatérales comme celles qui, pour parler du Royaume, gardent le silence
sur le Christ, privilégient le mystère de la création mais se taisent
sur le mystère de la rédemption parce que - dit-on - le Christ ne peut
être compris par ceux qui n'ont pas la foi chrétienne, alors que les peuples,
les cultures et les diverses religions peuvent se rencontrer autour de
l'unique réalité divine, quel que soit son nom.
Le Royaume tel qu'elles l'entendent, finit par marginaliser ou sous-estimer
l'Église. Ces thèses nient pratiquement l'unicité du rapport du Christ
et de l'Église avec le Royaume de Dieu.
VI. L'Église et les religions
face au salut
Ce qui a été jusqu'ici rappelé impose nécessairement des étapes au chemin
que la théologie doit parcourir pour élucider le rapport de l'Église et
des religions non chrétiennes avec le salut. On doit avant tout croire
fermement que l'"Église en marche sur la terre est nécessaire au salut.
Seul, en effet, le Christ est médiateur et voie de salut: or, il nous
devient présent en son Corps qui est l'Église" (Const. dogm. Lumen gentium,
n. 14).
Cette doctrine ne doit pas être opposée à la volonté salvifique universelle
de Dieu; aussi, "il est nécessaire de tenir ensemble ces deux vérités,
à savoir la possibilité réelle du salut dans le Christ pour tous les hommes
et la nécessité de l'Église pour le salut" (Encycl. Redemptoris missio,
n. 9). Pour ceux qui ne sont pas formellement membres de l'Église, "le
salut du Christ est accessible en vertu d'une grâce qui, tout en ayant
une relation mystérieuse avec l'Église, ne les y introduit pas formellement
mais les éclaire d'une manière adaptée à leur état d'esprit et à leur
cadre de vie.
Cette grâce vient du Christ, elle est le fruit de son sacrifice et elle
est communiquée par l'Esprit Saint" (ibidem, n. 10).Sur la modalité de
transmission aux non-chrétiens de la grâce salvifique de Dieu, le Concile
Vatican II s'est contenté d'affirmer que Dieu la donne "par des voies
connues de lui" (Décr. Ad gentes, n. 7). La théologie cherche à approfondir
cette idée. Cependant, il serait clairement contraire à la foi catholique
de considérer l'Église comme un chemin de salut parmi d'autres.
Certes, les différentes traditions religieuses contiennent et proposent
des éléments de religiosité qui font partie de "ce que l'Esprit fait dans
le coeur des hommes et dans l'histoire des peuples, dans les cultures
et les religions" (Encycl. Redemptoris missio, n. 29). On ne peut cependant
leur attribuer l'origine divine et l'efficacité salvifique ex opere operato
qui sont propres aux sacrements chrétiens. Par ailleurs, on ne peut ignorer
que d'autres rites naissent de superstitions ou d'erreurs semblables (cf.
1 Co 10,20-21) et constituent plutôt un obstacle au salut.
Avec l'avènement de Jésus-Christ sauveur, Dieu a voulu que l'Église par
lui fondée fût l'instrument du salut de toute l'humanité. Cette vérité
de foi n'enlève rien à la considération respectueuse et sincère de l'Église
pour les religions du monde, mais en même temps, elle exclut radicalement
la mentalité indifférentiste "imprégnée d'un relativisme religieux qui
porte à considérer que "toutes les religions se valent"" (Encycl. Redemptoris
missio, n. 36). Comme exigence d'amour pour tous les hommes, l'Église
"annonce, et est tenue d'annoncer sans cesse, le Christ qui est "la voie,
la vérité et la vie" (Jn14,6), dans lequel les hommes doivent trouver
la plénitude de la vie religieuse et dans lequel Dieu s'est réconcilié
toutes choses" (Décl. Nostra aetate, n. 2).
Conclusion
La présente Déclaration a voulu proclamer à nouveau et éclairer certaines
vérités de foi vis-à-vis de certaines propositions problématiques voire
même erronées.À propos de la vraie religion, les Pères du Concile Vatican
II ont affirmé: "Cette unique et vraie religion, nous croyons qu'elle
subsiste dans l'Église catholique et apostolique à qui le Seigneur Jésus
a confié le mandat de la faire connaître à tous les hommes, lorsqu'il
dit aux apôtres: "Allez, de toutes les nations faites des disciples, les
baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, et leur apprenant
à observer tout ce que je vous ai prescrit" (Mt 28,19-20). Tous les hommes,
d'autre part, sont tenus de chercher la vérité, surtout en ce qui concerne
Dieu et son Église; et quand ils l'ont connue, de l'embrasser et de lui
être fidèles" (Décl. Dignitatis humanae, n. 1).
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Le texte intégral du document peut se lire sur le site du Vatican
"Curie et Congrégations romaines".
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