01.06 - France : Les Eglises devant la législation
des sectes.
Le cardinal Billé, président
de la conférence des évêques catholiques de France,
et le pasteur Jean Arnold de Clermont, président de la Fédération
protestante de France, ont adressé une lettre commune, datée du 15 mai,
au Premier ministre, Lionel Jospin, afin de lui faire part de leurs
"réserves" sur une loi, en cours d'élaboration, visant à lutter contre
les sectes.
Les responsables chrétiens tentent de faire évoluer le contenu de ce
projet de loi qui sera examiné par l'Assemblée Nationale
française à partir du 30 mai, loi qui pourrait, à leurs
yeux, menacer la liberté religieuse en France.
"En attirant votre attention, nous espérons encore qu'avant son adoption
définitive, ce texte pourra trouver les améliorations qui le rendraient
compatible avec l'évolution du paysage religieux dans notre pays et
le souci vigilant qui nous anime de protéger totalement la liberté de
conscience."
Lors d'un débat télévisé, le président
de la Fédération protestante a fait remarquer que les
termes utilisés dans ce projet, comme les définitions
des "sectes" pourraient devenir un instrument de répressions
contre la liberté religieuse dans des pays qui ne connaissent
pas l'Etat de droit et qui envisagent de la reprendre pour ne reconnaître
que les "religions" qui sont à leur convenance.
Il précise, lors d'un entretien avec l'agence oeciuménique
ENI : ."Le débat sur les sectes est très mal engagé dans l'Hexagone.
Il faut effectivement combattre les actes délictueux commis par des
mouvements sectaires. Mais d'autres considérations se mêlent à ce débat;
certains milieux politiques français assimilent, en effet, le religieux
à l'obscurantisme."
Présenté par deux parlementaires, Nicolas About et Catherine Picard,
le projet de loi a déjà été examiné et voté une première fois, en juin
2000, à l'Assemblée nationale. Le mois dernier, c'est le Sénat qui l'adoptait,
en modifiant quelques dispositions. Ces modifications impliquent un
nouvel examen à l'Assemblée nationale par les députés qui devront voter
une version définitive.
"Nous portons un regard très positif sur les améliorations dont ce texte
est porteur, notamment après l'abandon de la création d'un délit de
manipulation mentale", écrivent, dans leur lettre au Premier ministre,
Mgr Louis-Marie Billé et le pasteur Jean-Arnold de Clermont. Même
si le texte, voté le 5 mai par le Sénat, a fait disparaître le terme
de délit de manipulation mentale, certaines dispositions du projet de
loi, assimilables à ce délit de manipulation mentale, demeurent.
Le délit de manipulation mentale peut être la porte ouverte à de graves
dérives, portant atteinte aux "libertés fondamentales". La "direction
de conscience" au sens religieux peut être considéré
comme une manipulation mentale, par exemple.
L'épiscopat catholique n'a pas souhaité que la lettre adressée au Premier
ministre soit rendue publique. L'Eglise catholique, encore marquée par
les combats qui l'opposèrent violemment au XIXe siècle aux tenants de
la laïcité et de la séparation des Eglises et de l'Etat, craint
d'être suspectée de vouloir peser dans les décisions politiques.
Ceci d'autant plus que l'opinion publique reste très marquée par les
suicides collectifs de l'Ordre du Temple solaire et plusieurs procédures
judiciaires mettant en cause la Scientologie. Dans leur opposition au
nouveau texte législatif, les dirigeants religieux se trouvent assez
isolés en France.
Pour le pasteur Jean Arnold de Clermont, "les dispositions juridiques
existantes permettent déjà de lutter contre les délits que pourraient
commettre des groupes considérés comme sectaires" et elles rendent inutiles
une nouvelle législation. Très préoccupé par ce problème de "liberté
religieuse", il s'est rendu, récemment, aux Etats-Unis et en Espagne
où il a abordé cette question avec des représentants officiels
des Eglises et du gouvernement.
Pour plus d'informations : Agence ENI
et Conférence des évêques
de France
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