09.06 - Rwanda : Condamnation des deux religieuses.
Après 12 heures de délibération,
les jurés belges du Tribunal Pénal International pour
le Rwanda (TPIR) de Bruxelles ont condamné vendredi soir quatre ressortissants
rwandais, dont deux religieuses bénédictines, à des peines de 12 et
15 ans de prison pour leur implication dans le génocide perpétré en
1994 dans leur pays.
Une loi belge datant de 1993 attribue aux tribunaux belges juridiction
sur la violation de la Convention de Genève vis-à-vis
des crimes de guerre, indépendamment des lieux où ils
ont été perpétrés. C'est ainsi que deux
citoyennes rwandaises ont été reconnues coupables d'avoir
de graves responsabilités dans le génocide qui bouleversa le Rwanda
en 1994. Julienne Mukabutera (Soeur Julienne Kisito), 36 ans, bénédictine,
a été condamné a 12 ans de prison et Consolata
Mukanango (Soeur Gertrude), 42 ans, également bénédictine, a été condamnée
à 15 ans de réclusion.
Le procureur avait requis la perpétuité contre les quatre accusés, qui
ont tous été reconnus coupables par un jury populaire de complicité
de génocide lors du massacre de centaines de milliers de Tutsis et de
Hutus modérés au Rwanda il y a sept ans. La décision a été
prise, en définitive, par un jury populaire belge.
Les deux autres accusés rwandais de Butare,Vincent Ntezimana,
39 ans, professeur universitaire, a été condamné à douze années de prison,
ainsi qu'Alphonse Higaniro, 51 ans, homme d'affaires et ancien ministre,
à 20 ans de prison. L'accusation soutenait que les deux religieuses
hutues avaient encouragé et collaboré avec les meurtriers, fournissant
même l'essence pour incendier un garage où 500 personnes étaient cachées.
Le procès, ouvert en vertu de la législation belge sur les crimes de
guerre, a duré quatre semaines. Les rythmes trop rapides de la conduite
des témoignages, aussi bien de la part des avocats défenseurs que de
la partie civile représentant les victimes des massacres, ont été vivement
critiqués.
Le procureur Alain Winants avait réclamé la peine maximale en vertu
du droit belge, la prison à perpétuité. "Vous entendrez des appels à
la clémence de la part de la défense. Je vous demande, les victimes
ont-elles eu droit à des gestes de clémence ou de pitié?" La défense
estimait que la prison à perpétuité serait "la négation de tout espoir
de réconciliation" au Rwanda.
"C'est un grand pas en avant pour la justice internationale. Cela montre
qu'un tel procès peut être organisé, qu'il est possible de juger en
toute équité des événéments qui ont eu lieu à l'autre bout du monde",
s'est réjoui Reed Brody, responsable de "Human Rights Watch".
L'arrêt rendu par un tribunal de Belgique n'a pas dissipé toutes les
perplexités parmi les missionnaires et les religieux des Congrégations
religieuses qui, en Belgique, suivent depuis toujours les événements
au Rwanda et au Burundi, étant donné leur lien avec le passé colonial.
Elles ont commenté négativement l'arrêt.
Dans une déclaration remise à l'agence VID, ils ont souligné deux limites
importantes du procès. La première a concerné le grand bruit fait au
niveau de l'opinion publique, rendant ainsi coupables les accusées avant
même qu'elles n'entrent dans la salle du tribunal. Le second aspect
concerne la capacité des jurés populaires qui vivent en Belgique de
pouvoir juger des faits et des situations survenus dans un contexte
si éloigné et même diamétralement opposé à la mentalité européenne courante.
"S'il y a des responsabilités individuelles, dit cette déclaration,
il est juste qu'elles soient mises au clair, et il faut reconnaître
les fautes et les erreurs, s'il y en a". De toute façon, dans la situation
conflictuelle du Rwanda, "même l'Église a ses responsabilités" pour
tout ce qui s'est passé, étant donné qu'elle vit elle aussi au sein
de la société et qu'elle peut avoir les mêmes contradictions ou problèmes
en son propre sein.
Le P. Dominique Karekezi, directeur du périodique religieux de
Kigali, "Informations", a déclaré à Radio-Vatican
:"C'est une peine non seulement pour toute l'Eglise rwandaise mais
aussi pour toute l'Eglise universelle. Les religieux sont, avant tout
témoins du Christ et défenseurs de la vie. Nous ne sommes
pas les juges. La justice humaine peut se tromper... Je pense qu'en
cette période nous étions tous terrorisés. Nous
ne pouvons pas connaître les circonstances ni préjuger
de l'attitude des religieuses au moment où fut utilisée
l'essence qui a mis le feu à la maison où se trouvaient
réfugiées 500 personnes qui en mourir."
Le P. Ephrem Tresoldi, missionnaire combonien, ancien directeur de la
revue "Nigrizia", ajoute : "Cette réalité
que nous devons reconnaître, ne peut obscurcir tous les gestes
d'héroïsme réalisés par les chrétiens
appartenant aux deux ethnies, hutus et tutsis qui sacrifièrent
leur vie pour sauver des personnes appartenant à l'autre ethnie."
Le P. Tresoldi pense également que le procès de Bruxelles
s'est déroulé trop longtemps après les événements
et à des milliers de kilomètres de Butare, ce qui a rendu
complexes l'acquisition et l'étude des preuves. En particulier
pour la défense qui n'a pas pu recueillir tous les éléments
nécessaires et éclairer des citoyens belges qui ignoraient
même ce qu'était alors la situation vécue au Rwanda.
De son côté, l'agence vaticane Fides rappelle que trois
évêques, 123 prêtres et plus de 300 religieuses,
ont été assassinés, un évêque est
toujours porté disparu depuis novembre 1996. Le 15 mai 1994,
Jean Paul II qualifiait les massacres du Rwanda de génocide.
Tous devront répondre de leurs crimes devant l'histoire et surtout
devant Dieu" avait-il alors déclaré.
Pour plus d'informations : Agence Fides
et Radio Vatican
Retour
|