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2010-02-03 -
L'INFLUENCE DES NATIONALITÉS SUR LE VÉCU DE L'ÉGLISE
Alors que diverses situations mettent en cause les relations entre les Églises chrétiennes, un moine libanais nous propose une réflexion sur le rapport et l'influence, positive ou négative, des nationalismes dans le vécu et la réalité de l'Eglise.
Il ne s'agit point , déclare l’higoumène Thomas (Bitar), du monastère grec-orthodoxe Saint Jean Baptiste à Douma (Liban) d'approcher la question sous l'angle de l'étude de "l'histoire des nationalités et de leurs aspirations".
Dans ce domaine, il y a matière à beaucoup de déceptions car si "dans la Parole de Dieu il n'existe pas de distance entre la parole et la réalité", ce n'est pas le cas quand il s'agit du vécu des êtres humains. Il s’agit davantage d'analyser "l'influence des nationalités, et des groupements humains, … dans la réalité de l'orthodoxie, ici et là".
Pour ce faire, iil faut poser en premier lieu un postulat , à savoir, que l'appartenance à un seul et même patrimoine de civilisation dans ses différentes dimensions intellectuelles, historiques, géographiques, ethniques et linguistiques constitue un élan spontané dans la vie des groupements humains. Il n'y a pas de mal, que les gens se regroupent et se soutiennent mutuellement "dans une telle perspective".
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Dès que les gens se regroupent autour d'une idée ou d'une vision commune, il y a une 'tribu' ou un 'troupeau' qui se forme, même si ce groupement est exposé par la suite à désintégration, même s'il faut garder à l’esprit que dans "toute tribu il y a ce qui enrichi et il y a ce qui fait du tort".
L'expérience a montré que les groupements humains ainsi constitués "s'installaient toujours dans les égoïsmes collectifs et puis se détachaient, existentiellement parlant, des autres groupements, limitant les relations avec les autres groupements quand l’amour n’est pas le critère des comportements mais l’intérêt.
La tendresse du Christ à l'égard de la Samaritaine, de la Cananéenne, du centurion, tous des étrangers d'Israël, puis à l’égard du publicain et de la femme adultère, par opposition aux partisans de la piété propre, a été une attaque éclatante contre le nationalisme juif et le pharisianisme partisan…"
Avec le kérygme des Apôtres, l'Eglise est devenue la nouvelle famille, entièrement celle du Père céleste et à Lui uniquement. Dans l'Eglise, toutes les nationalités, tous les tribalismes, tous les égoïsmes individuels et collectifs ont été bannis. Par l'esprit d'amour, l'homme est devenu un citoyen du Ciel sur la terre dont la destination est le royaume des cieux.
L’Eglise n’est point l’Eglise d’une nationalité. L'archimandrite Thomas s'élève contre l'esprit de phylétisme qui, en dépit de sa condamnation par les Eglises orthodoxes, demeure présent au sein de l'Eglise et qui déteint sur elle et fait de chaque Eglise locale, l'Eglise d'une nationalité. "Il n'est pas vrai, dit-il, qu'il existe une Eglise grecque, russe, ukrainienne, arabe, roumaine, bulgare. Il existe une seule Eglise une, sainte, catholique et apostolique dans un seul lieu, indépendamment du fait que ce lieu soit en Grèce, en Russie, ou dans les pays arabes, en Roumanie ou ailleurs".
C'est sans doute ce qui pose problème à diverses communautés orthodoxes aussi bien aux États-Unis qu'en Europe et en France. Mais il étend cette affirmation aux problèmes que vivent entre elles toutes les Églises chrétiennes en Terre Sainte "C'est une honte dit-il, pour nous tous, que l'Eglise de Jérusalem soit aujourd'hui, un espace de lutte entre la nationalité grecque et la nationalité arabe…Est-ce bien l'Eglise pour laquelle le Christ s'est sacrifié ? Non, jamais, ce n'est pas l'Eglise du Christ, dans le sens le plus ferme, à Jérusalem !
C'est d'ailleurs l'un des thèmes proposés au prochain Synode romain pour les Églises du Moyen Orient et que Benoît XVI a rappelé récemment.
De même, le P. Thomas s'insurge contre les divisions nationales et ethniques des juridictions en Amérique du Nord considérant, là aussi, que "c'est une honte que l'Eglise se transforme en Amérique en une addition de succursales des Eglises nationales de l'ancien monde et … parfois même de simples ambassades des Eglises-mères et des pays où celles-ci sont implantées".
Il s'interroge sur les raisons qui font que des églises et des paroisses, qui ne sont qu'à quelques minutes l'une de l'autre, se trouvent classées ici et là, pour les Antiochiens (Libanais, Syriens), pour les Grecs, les Russes ou les Roumains.
"Pourquoi ne pouvons nous pas coopérer ensemble pour témoigner de l'Orthodoxie dans un milieu qui est affamé et qui n'attend qu'elle ?… Il s'agit là de facteurs de division, d'affaiblissement, de désespoir et un obstacle et une pierre d'achoppement pour l'Eglise du Christ et notamment pour les jeunes.
N'y a-t-il pas moyen de sortir de ce tunnel ? « Si, répond le P. Thomas, avec la grâce de Dieu, par le jeûne, la prière, la sagesse, l'éveil, et la conjonction des efforts de tous les fidèle." (source : Orthodoxie)
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