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du 27 au 30 octobre 2010 (semaine 43)
 

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2010-10-30 - Chine

LA CULTURE CHINOISE ET LA FOI CHRÉTIENNE


Le christianisme paraît étranger à la manière de penser et de sentir des Chinois et pourtant le christianisme progresse dans la Chine d'aujourd'hui. C'est ce qu'a étudié le 2ème Forum de Fribourg " Eglise dans le Monde".

Il s'est tenu du 21 au 23 octobre à l´Université de Fribourg. Une centaine de personnes, étudiants, enseignants, chercheurs, ont participé à ce 3ème cycle de théologie pratique des Facultés de théologie de Suisse romande dont les points forts étaient notamment «100 ans après la Conférence mondiale de la mission d´Edimbourg», ainsi que les réalités religieuses de la Chine et de la Corée.

A l´heure actuelle, en Chine, le rôle du christianisme avec sa figure centrale, Jésus-Christ, est réévalué. C´est ce qu´a constaté Roman Malek, sinologue et professeur ordinaire de science des religions à la Faculté de théologie de la Haute Ecole de philosophie et théologie de Sankt-Augustin (Bonn) et privat-docent de sinologie à l´Université de Bonn.

Les intellectuels en nombre croissant se sentent attirés par le christianisme. " Espérons que la rencontre entre le christianisme et la société chinoise soit toujours intense à l´avenir, et que - comme dans d´autres pays asiatiques - elle permette de créer de nouveaux visages de Jésus, qui nous enrichissent tous", disait-il dans sa cnférence : " Les visages chinois de Jésus."

La question de Jésus-Christ, le Rédempteur, est sans doute la plus cruciale pour l´identité chrétienne et l´annonce chrétienne, a-t-il souligné. Elle s´est également posée en Chine et a reçu des réponses différentes.

" Pourvous qui suis-je",dit le Christ à ses apôtres. Qui est Jésus de Nazareth ou Jésus-Christ pour les Chinois ? Y a-t-il incompatibilité de la pensée chrétienne avec la pensée chinoise telle qu'on l'a présenté différent au cours des siècles ?

Le sinologue Jacques Gernet a montré que la lutte des Chinois avec le christianisme n´est pas seulement une question «religieuse», à savoir est-ce que la religion chrétienne peut être compatible avec un système spirituel et socio-politique qui est radicalement différent du monde occidental chrétien. Pour Jacques Gernet, la question fondamentale est plutôt celle de la capacité des hommes à s´adapter à des «systèmes» étrangers. Et de savoir dans quelle mesure les réactions du peuple chinois face à Jésus-Christ et au christianisme mettent en lumière les différences fondamentales qui existent entre l´Occident et la Chine en ce qui concerne leur conception de l´homme et leur vision du monde.

Les missionnaires nestoriens ont apporté le christianisme sur les routes de la soie et du commerce, sous la dynastie Tang, autour de l´an 635. "Les Chinois ont connu le christianisme avant les Polonais ! Le christianisme n´a pas été apporté en Chine en tant que romain, mais en tant que christianisme oriental, par l´Eglise syriaque orientale. Ce sont les chrétiens dits nestoriens qui ont amené la ‘religion de la lumière´ à Xi´an au VIIe siècle, dans un contexte bouddhiste-taoïste... Depuis ce moment-là se pose en Chine la question de Jésus-Christ."

L´approche syriaque orientale témoigne bien de la force et de la capacité d´inculturation du message chrétien dans le contexte chinois, mais elle tombe dans l´oubli après l´interdiction impériale du «nestorianisme» et n´est redécouverte que lorsque les Jésuites viennent en Chine à la fin du XVIème siècle.

Evoquant les questions fondamentales qui se posent à la théologie chrétienne dans le contexte chinois, le Père Paul H. Welte, qui fut pendant près de 50 ans membre de la mission des dominicains allemands à Taiwan, arrive à la conclusion que l´unité des hommes de différentes cultures est beaucoup plus importante que les différences certainement indéniables. Plaidant pour «l´unité de la nature humaine», il est conscient que c´est un torchon rouge agité devant certains combattants contre tout impérialisme culturel occidental et pour les partisans d´une «inculturation radicale.».

Ayant vécu longtemps dans le monde chinois, le dominicain admet le fait que la pensée traditionnelle chinoise mette fortement l´accent sur l´éthique. Depuis des siècles, le confucianisme est la philosophie chinoise de la vie familiale et publique. Mais cette réalité représente un certain danger pour l´originalité et l´autonomie du religieux. Et de se demander combien de Chinois pourraient être intéressés à la foi chrétienne si son contenu n´était qu´une doctrine éthique, au surplus avec un «guide non chinois importé».

Par ailleurs le lien avec l´ancien Israël ressenti par beaucoup de Chinois comme un scandale. Le P. Paul H. Welte n'hésite pas à dire : " Lorsque j´ai demandé à un Chinois, étudiant en théologie, quelle impression faisaient certains écrits de l´Ancien Testament à des Chinois cultivés, il a répondu sans hésiter: ‘Puérils, grossiers, barbares´."

Actuellement, la Province jésuite de Chine compte - de Macao à Taïwan, en passant par Hong Kong - 181 membres, «sans compter ceux qui ne sont pas dans le catalogue !» Ils travaillent sur plusieurs axes, dont l´apostolat intellectuel avec notamment le Beijing Center for Chinese Studies TBC, dirigé par le Père brésilien Fr. Roberto M. Ribeiro (10 étudiants en 2007, 120 actuellement). Le Père Stephan Rothlin, un religieux suisse qui enseigne à l´Université de Pékin, a fondé un institut reconnu, le Centre international pour l´éthique des affaires.

16 jésuites travaillent dans les Universités officielles chinoises et leur présence semble efficace, relève Pierre Emonet. Outre le travail intellectuel, les jésuites sont également engagés dans le travail social, à l´exemple du Père autrichien Aloisius Gutheinz, qui dirige le «China Leprosy Service» (CLS) qui traite les lépreux dans 19 centres.

En fait, souligne le P. Pierre Emonet, les jésuites en tant que tels sont toujours interdits en Chine, mais il y a des possibilités de travailler dans des institutions de formation et des institutions sociales. «La première chose est de tisser des relations d´amitié et de respect avec le milieu dans lequel on s´insère. Pour nous, aujourd´hui, c´est la même chose que du temps de Matteo Ricci».

Les travaux de ce 2ème Forum, organisé par l´Institut pour l´étude des religions et le dialogue interreligieux (IRD) de la Faculté de théologie de l´Université de Fribourg, et l´Association francophone oecuménique de missiologie (AFOM), méritent plus qu'un simple résumé-compte-rendu. La parution prochaine de toutes les interventions apportera bien des lumières dans cette recherche sino-chrétienne.(source : Apic)


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