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Du 11 au 14 novembre 2010 (semaine 45)
 

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2010-11-14 -
L
ES RELIGIONS ET LA DÉMOCRATIE AU KOSOVO

Les années qui ont conduit, en 2008, à l’indépendance du Kosovo ont suscité quelque temps un vif intérêt pour cette région en pleine reconstruction à la recherche de l’identité spécifique de sa population qui s’inspire du passé.

Ce pays veut rejoindre l'Union européenne et veut montrer à l’Europe qu’il est toujours attachée aux valeurs chrétiennes. Les relations des catholiques avec les quelques Serbes, plutôt orthodoxes ou protestants, qui n’ont pas quitté le pays sont en souvent tendues et distantes et leurs communautés vivent dans un contexte majoritairement musulman.

Le Kosovo apparaît comme une très vaste campagne, la terre est fertile et le travail de la terre constitue très souvent la seule source de revenu des Kosovars. Le chômage, selon les estimations de la Banque Mondiale, frappe au Kosovo environ 70% des jeunes, et presque un habitant sur deux n’a pas de travail.

Le catholicisme constitue surtout, du moins à première vue, la source sur laquelle le Kosovo semble avoir parié pour construire son identité. Le catholicisme est une référence culturelle présente aussi bien au sein des gens aisés, de l’élite, que de l’ensemble de la population.

D’ailleurs, l’immense cathédrale en phase de construction, dans la capitale, Pristina, s‘insère parfaitement dans cette logique. Mais les 3.000 catholiques habitant la capitale ne parviendront jamais à remplir l’espace prévu pour les offices religieux.

C’est le premier président du Kosovo, Ibrahim Rugova, qui a tenu à réaliser ce projet gigantesque et Mgr Dodë Gjergji, évêque de Pristina voit dans la cathédrale le signe de l’espoir, la marque de l’avenir. Pour les musulmans eux-mêmes, elle représente l’ouverture d'un islam autochtone qui reconnaît les racines historiques catholiques et veut ainsi se distinguer de toute forme de fondamentalisme.

L’héritage historique, anthropologique et les mentalités des gens sont profondément liés au christianisme. L’islam, d’après le président Rugova, nourrit la vie intérieure du musulman, mais il ne l’extériorise pas.

Au Kosovo, catholiques et musulmans vivent séparés, dans leurs propres villages. Les grandes villes et la capitale sont presque exclusivement habitées par des musulmans. Ce sont donc eux qui accèdent facilement aux postes clés de l’Etat et de la politique. Les musulmans protègent jalousement leurs privilèges familiaux et claniques, ce qui fait que les réseaux ouvrant aux postes du pouvoir sont quasiment fermés aux catholiques.

Selon le Père Matteo, missionnaire italien qui a une longue expérience du pays, l’islam est une pratique sociale s’exprimant dans le ramadan, fait référence à Allah dans la prière et dans des phrases prononcées en arabe. Mais les gens ne fréquentent pas les mosquées.

La catholicisme, au contraire se caractérise par un réel vécu religieux, une expérience intime de la foi., et c'est pourquoi les catholiques fréquentent les églises et les sacrements.

Dans un passé récent, l’Eglise catholique a vécu la persécution, ce qui lui a permis de faire une expérience religieuse forte et tonifiante. Les fidèles, condamnés à vivre ensemble dans leurs villages, ont vécu une expérience communautaire unique. Il est évident que la persécution par les ottomans ou celle de la période communiste sont encore bien présentes dans la mémoire des gens.

Le catholicisme kosovar s’inscrit ainsi aisément dans un discours nationaliste et patriotique. Ce discours semble faire l’unanimité dans le pays. Mais le grand défi pour l’Eglise locale est de transformer cette vision culturelle de la religion en une démarche spirituelle.

Elle devra savoir adopter une pastorale répondant aux exigences de la nouvelle évangélisation à l’égard de ceux qui veulent quitter le pays. Elle devra aussi adopter une pastorale à l’égard des mariages mixtes ; enfin, elle devra renouveler sa vision des choses envers les convertis.

Il y a, en effet, de nombreux musulmans qui éprouvent de l’admiration ou au moins une attirance pour le catholicisme. On compte plusieurs centaines de conversions de l’islam au christianisme. Un exemple de cette attirance est le village musulman de Kravasari, où la population a rebâti à ses frais une église qui existait avant l’invasion ottomane. Avec cette église, les gens se sentent pleinement kosovars et pleinement européens. A l’intérieur de l’église, nous avons pu rencontrer un groupe de convertis : des hommes, des jeunes filles, mais pas de femmes.

Une proposition intéressante pour les jeunes est représentée par l’Ecole Don Bosco, gérée par deux prêtres salésiens italiens. Elle vise à donner aux jeunes une solide formation dans différents métiers pour qu’ils puissent, une fois leur diplôme en poche, travailler ou lancer leur propre entreprise au Kosovo. En même temps que la formation, les Pères offrent une catéchèse à ceux qui le désirent.

Sur un total de 700 personnes – professeurs et élèves – deux professeurs et cinq élèves musulmans se sont inscrits à la catéchèse. Ils en ont pris eux-mêmes l’initiative, conscients que ce qui attend un chrétien à l’avenir sera aussi exigeant que ce qu’ont enduré les générations chrétiennes du passé.

Mais s'il est vrai que la construction de l’identité se nourrit des éléments du passé, il faut admettre que le changement des générations et l’actuelle tendance généralisée à la migration pourraient un jour faire disparaître de la mémoire historique individuelle et collective la contribution de la foi catholique au pays et lui substituer d’autres références. Quelle seraient alors la valeur et la signification de la grandiose cathédrale de Pristina ? (source : Oasis)


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