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du 1 au 5 janvier 2011 (semaine 01)
 

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2011-01-05 -Pakistan
ASSASSINÉ PARCE QU'IL DÉFENDAIT LA LIBERTÉ RELIGIEUSE

Des milliers de Pakistanais ont bravé mercredi à Lahore les menaces de violences pour assister aux funérailles du gouverneur du Pendjab, assassiné la veille, l'un des rares politiciens du pays à critiquer ouvertement l'islamisme.

Homme d'affaires à succès, Salman Taseer, gouverneur de la province du Pendjab, avait publiquement soutenu et rendu visite à Asia Bibi, une mère de famille chrétienne accusée d'avoir blasphémé contre le prophète Mahomet. Une affaire très sensible, libéraux et conservateurs s'opposant régulièrement au sujet de cette législation.

Fin décembre, une grève générale décrété par les conservateurs contre toute modification libérale de la loi sur le blasphème a fait fermer de nombreux commerces dans plusieurs grandes villes du pays. "Taseer était un des rares hommes politiques prêt à risquer sa vie en s'affichant sans ambiguïté contre les discriminations et abus", note Ali Dayan Hasan, chercheur pour l'ONG Human Rights Watch dans la région.

Cet assassinat est le crime politique le plus important dans le pays depuis l'assassinat de Benazir Bhutto fin 2007. Salman Taseer , 66 ans, l'un des rares politiciens du pays à critiquer ouvertement l'islamisme, a été abattu par un de ses gardes qui l'a criblé de 29 balles le mardi 4 janvier dans un quartier de la capitale Islamabad.

Ce meurtre a horrifié le parti du peuple pakistanais (PPP) au pouvoir, dont M. Taseer était une figure, mais a été salué dans les cercles religieux conservateurs, soulignant la fragilité d'un pays et d'un gouvernement dont la survie politique ne tient plus qu'à un fil.

" Cette nouvelle est un choc. Nous avons perdu un grand ami et un adversaire déterminé de la loi sur le blasphème." C’est en ces termes que Mgr Lawrence Saldanha, archevêque de Lahore et président de la Conférence des évêques catholiques du Pakistan.

De religion musulmane, Salman Taseer, 65 ans, a trouvé la mort sur le parking d’un restaurant d’Islamabad, capitale du Pakistan, abattu d’une rafale de Kalachnikov par l’un de ses gardes du corps.

S’étant rendu immédiatement à la police après avoir commis son crime, le garde du corps a déclaré : « J’ai tué le gouverneur car il avait qualifié les lois anti-blasphème de kala kanoon (‘loi noire’). » Malik Mumtaz Hussain Qadri appartenait à une section d’élite de la province du Pendjab chargée de la sécurité des hautes personnalités.

Les premiers éléments de l’enquête ne permettent pas de dire s’il a agi seul ou a bénéficié de complicités au sein de l’appareil policier pakistanais.

Le Code pénal pakistanais punit de la peine de mort toute offense faite à Mahomet et de la prison à perpétuité toute profanation du Coran. Ces lois sont souvent détournées pour régler des litiges personnels. Pour les minorités religieuses du pays, ces lois sont considérées comme un instrument de persécution particulièrement néfaste, dans la mesure où elles constituent « une épée de Damoclès » pour les minorités religieuses et peuvent être à tout moment utilisées par un musulman contre un non-musulman sans que celui-ci puisse avoir grande chance de se défendre.

Ces dernières semaines, Salman Taseer était devenu la cible des attaques verbales des islamistes car il s’était engagé dans l’affaire Asia Bibi, du nom de cette chrétienne, mère de cinq enfants, qui a été condamnée à mort par un tribunal du Pendjab le 7 novembre dernier au titre de la loi sur le blasphème.

Face à la dimension prise par cette affaire dans les médias nationaux et internationaux, Salman Taseer avait rendu visite à la chrétienne, maintenue en détention depuis son arrestation en juin 2009. Il avait souhaité que cette visite reste discrète mais, les médias locaux s’en sont fait l’écho.

Le 24 novembre, des mollahs ont déclaré que Salman Taseer était un apostat, le qualifiant d’« infidèle ». Face aux pressions des islamistes, le président Zardari avait renoncé à faire remettre en liberté Asia Bibi, mais les islamistes n’en ont pas pour autant relâché leurs pressions sur Salman Taseer. Des partis islamistes ont organisé des manifestations devant les bureaux du gouverneur à Lahore, promettant une réaction de forte ampleur au cas où la chrétienne était libérée ou si les lois anti-blasphème étaient amendées.

Mgr Saldanha connaissait Salman Taseer de longue date, depuis l’époque où le jeune Taseer était élève de la St. Anthony’s School de Lahore, un établissement des frères maristes qui a formé – et forme encore – une partie de l’élite pakistanaise.

Pour le ministre fédéral des Minorités, le catholique Shahbaz Bhatti, le motif religieux invoqué par l’assassin du gouverneur est plus qu’inquiétant.

Depuis que le président Zardari lui a demandé de former un comité d’experts et d’universitaires afin de réfléchir à la manière de prévenir l’utilisation de la loi sur le blasphème pour régler des litiges personnels ou rechercher un gain politique, des groupes extrémistes ont en effet annoncé qu’une fatwa avait été émise à l’encontre de Shahbaz Bhatti.

Les milieux modérés se trouvent pris entre les extrémistes religieux et la guerre contre le terrorisme. Toute tentative pour modifier les lois anti-blasphème est immédiatement vilipendée par les extrémistes musulmans comme étant une réforme téléguidée par les Etats-Unis, assimilés à un Etat chrétien.

Les funérailles de Salman Taseer ont eu lieu le 5 janvier 2011 à Lahore. Le gouvernement pakistanais leur a donné le rang de funérailles d’Etat et un deuil national de trois jours a été décrété.

Pour les chrétiens du Pakistan, la nouvelle année s’est ouverte par le rappel sans équivoque que l’épée de Damoclès suspendue au-dessus de leurs têtes – à savoir les draconiennes lois anti-blasphème – est une menace toujours bien réelle. Les manifestations que les partis islamiques ont organisées la veille du Nouvel An pour réclamer le maintien de ces lois valent toutes les démonstrations pour dire l’intensité de la résistance que rencontrera toute éventuelle tentative pour réformer ou abolir ces lois, au nom desquelles des chrétiens sont brûlés vifs, leurs maisons incendiées et leurs biens pillés.

Le 1er janvier, dans sa cathédrale du Sacré-Cœur, Mgr Lawrence Saldanha, archevêque de Lahore, s’est adressé en ces termes aux fidèles rassemblées pour la messe : « Parce que les circonstances sont difficiles, nous sommes inquiets. Nous prions pour être protégés de toute attaque et nous espérons que le danger s’éloignera de nous au cours de cette nouvelle année. » (source : EDA)


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