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du 14 au 17 février 2011 (semaine 06)
 

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2011-02-17 -
L'AFRIQUE EST-ELLE L'AVENIR DU CATHOLICISME ?

L 'Afrique se révèle comme abritant l'une des populations catholiques dont la croissance est la plus rapide au monde, à l'inverse de l'Occident européen et de l'Amérique Latine. Le Synode pour l'Afrique sera promulgué en novembre prochain.

Déjà, il y a quelques années, en septembre 1995, dans le document « Ecclesiae in Africa », Jean-Paul II affirmait que l'heure de l'Afrique a sonné.

Mgr O'Reilly, qui fut pendant près de 10 ans supérieur général de la Société des missions africaines, le confirme dans un entretien qu'il vient de donner à l'AED, l'Aide à l'Église en Détresse, sur les ondes de la "Catholic Radio and Television Network" (CRTN).

Par ailleurs Benoît XVI se rendra en visite officielle en République du Bénin, du 18 au 20 novembre et remettra à cette occasion l'Exhortation apostolique du Synode pour l'Afrique qui s'est tenu au Vatican en octobre 2009.

" Assurément, déclare Mgr O'Reilly, l'heure est venue, à en juger par les statistiques et le fait qu'elles devraient croître dans les 10, 20, 30 prochaines années, l'heure de l'Église en Afrique est arrivée."

" Malheureusement de plus en plus marginalisée et exploitée dans une grande mesure uniquement pour ses ressources, comme on peut le voir avec ce que font les grandes puissances, on peut voir à l'inverse que, dans l'avenir, l'Afrique sera un continent de plus en plus central - peut-être pas dominant, mais central pour la vie et la mission de l'Eglise.

" L'Afrique, fait remarquer Mgr O'Reilly, a connu une explosion du catholicisme, passant de 1,2 million de fidèles en 1900 à plus de 140 millions aujourd'hui. C'est avant tout une bénédiction de Dieu et une grande grâce de voir le nombre de baptêmes, d'adultes comme de jeunes, de voir le nombre de personnes qui s'approchent des autres sacrements.

..." Mais je pense que la réalité principale de l'Afrique est que, depuis son indépendance il y a entre 40 et 50 ans, nous avons assisté à un énorme développement de l'urbanisation dans ce pays. Avec la croissance des villes, beaucoup ont quitté les zones rurales pour se retrouver dans des villes, qui leur sont en grande partie inconnues, jusqu'à pouvoir intégrer les communautés déjà présentes. Très souvent, ces communautés maintiennent des liens avec les Eglises, ce qui explique que les gens déplacés des zones rurales intègrent immédiatement les structures de la vie de l'Eglise dans les zones urbaines.

..." Le travail missionnaire a changé à cause de l'urbanisation. Il évolue constamment en fonction de la réalité du nombre de personnes à qui nous avons à faire aujourd'hui. Et si on parle de chiffres, ceux-ci correspondent à la croissance démographique, considérable surtout dans l'Afrique sub-saharienne au cours des 30 dernières années et qui continuera de l'être : bonne santé, eau potable, autant de facteurs qui ont contribué à cette croissance.

" La réalité de l'expansion de l'Eglise est étroitement liée à la croissance de l'Afrique. En effet, 90% de la population, dit-on, a moins de 24 ans. C'est donc un défi aussi pour l'Eglise, un défi énorme.

" Une des choses qui m'a frappé, dit encore Mgr O'Reilly, quand je me suis rendu dans les grandes villes comme Kinshasa, Lagos, Abidjan, Nairobi, ou autres villes d'Afrique, c'est le nombre incalculable de jeunes - surtout ceux des écoles secondaires - et ensuite le nombre de personnes diplômées de l'université, mais qui se trouvent sans travail.

" On assiste à un formidable mouvement chaque jour. Il suffit de se rendre à Lagos pour voir ces foules de gens et la difficulté même pour l'Etat de fournir les services de base pour une population dont la croissance est aussi rapide.

" Pour nous en tant qu'Eglise, quand nous avons démarré, une des principales choses que nous avons faites a été de créer des écoles. Nous avons construit l'église et, tout de suite après, une école à côté - ou, comme cela arrive souvent dans les premières missions - l'église était l'école.

" Mais aujourd'hui, vu le grand nombre d'enfants qui doivent aller à l'école, l'Eglise n'est plus en mesure de le faire toute seule, et souvent l'Etat ne dispose pas des ressources suffisantes. Aussi nous devons apporter cette contribution spéciale parce que l'éducation est toujours et encore l'espoir.

..." En 2050, trois pays africains se classeront parmi les dix plus grands pays catholiques du monde : l'Ouganda, le Congo et le Nigeria. Une grande partie, mais pas tout, du catholicisme futur se trouve en Afrique et, par conséquent, il devrait y avoir, selon moi, une prise de conscience plus grande de la réalité africaine au sein de notre Eglise.

" Elle n'est pas très loin de Rome. Il suffit de traverser la Méditerranée, mais parfois cela peut paraître très loin. Ainsi est et sera la réalité démographique. Je pense donc qu'à tous les niveaux dans l'Eglise, il doit y avoir une réelle prise de conscience de ce fait et une planification dynamique en ce qui concerne cette réalité.

" La force de la foi africaine vient des gens eux-mêmes, de la façon dont ils se sentent concernés par l'existence de Dieu, par la réalité de Jésus-Christ dans leur vie, et de la façon dont le christianisme est capable de puiser dans un riche contexte au sein de leurs cultures caractérisées par l'entraide, la générosité. Il y a un grand sens du partage - « ce qui est à nous appartient à tous » - alors que, peut-être, dans d'autres cultures nous sommes plus égocentriques.

..." Un des phénomènes qui constituera toujours un problème est celui de la corruption. La corruption dans la société est une maladie terrible, qui provoque de terribles dommages à l'ensemble du tissu social. Des gens bien, qualifiés, ne réussissent pas à trouver du travail parce qu'ils ne donnent pas de dessous de table. Toute la structure du pouvoir peut être ainsi centrée sur des pratiques de corruption et de pots de vin.

" L'Eglise tente d'y remédier, mais c'est très difficile, parce que cette pratique est aujourd'hui tellement enracinée dans de nombreuses cultures et très souvent due, il faut le dire, aux dirigeants et aux étrangers, qui sont venus pour tirer profit de tout, notamment de l'extraction des ressources naturelles. Pour obtenir les meilleures conditions, ils n'hésitent pas à payer, et s'il n'y a pas de contrôles et de comptes dans le pays, tout s'écroule.

..." On constate la croissance du catholicisme, mais l'islam aussi a connu une croissance. Un Africain sur trois se considère musulman. Le plus grand défi est alors celui de réussir à travailler avec nos frères et soeurs qui vivent à la porte d'à côté. Notre église s'élève près d'une mosquée. Ils travaillent dans le même champ, prennent les mêmes bus. Par conséquent, une des choses les plus importantes est le respect mutuel. Ce respect doit être développé et s'accompagner d'une compréhension de notre part, et de leur part, des valeurs qui sont les nôtres.

" Le risque est - et l'a toujours été en Afrique avec ces deux grandes religions que vous avez mentionnées - que les éléments extrémistes des deux côtés cherchent à les exploiter à des fins politiques, sociales ou économiques pour tenter de déstabiliser une région, un gouvernement ou un ministère.

" Mais, selon moi, poursuit Mgr O'Reilly, un des faits les plus importants survenus au cours des 30 dernières années est la grande avancée dans le processus de rapprochement et comment nous travaillons ensemble aux différents niveaux du gouvernement. Je sais qu'au Nigeria, lors des récentes émeutes dans l'Etat de Bauchi, le chef de l'Eglise catholique et l'imam se sont rencontrés immédiatement pour s'entretenir des évènements et trouver une solution.

..." L'Afrique, malheureusement, avec le monde économique tel qu'il est - est de plus en plus marginalisée et exploitée dans une grande mesure uniquement pour ses ressources, comme on peut le voir avec ce que font les grandes puissances. Mais en ce qui concerne l'Eglise, je dirais que son heure est arrivée, et je crois que le pape Jean-Paul II avait compris que, dans l'avenir, l'Afrique sera un continent de plus en plus central - peut-être pas dominant, mais central pour la vie et la mission de l'Eglise.

" C'est pourquoi, si nous pouvons inculturer intégralement l'Evangile en Afrique, l'Afrique redonnera à l'Eglise universelle une richesse que nous ne pouvons même pas imaginer. Et si nous pouvons voir le visage du Christ tel qu'il se manifeste dans leurs cultures, alors nous aurons une richesse que l'Esprit veut que nous ayons. (source : AED)


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