Pour vivre au rythme de l'Eglise universelle.
FlashPress - Infocatho
du 25 au 28 février 2011 (semaine 08)
 

-
2011-02-28 -
DEUX SCÉNARIOS POUR LES RÉVOLTES EN PAYS ARABES

Deux scénarios de la révolte dans les pays arabes. Celui de l'Égypte, avec une alliance inédite entre les chrétiens et les musulmans. Et celui de la Libye, où l'effondrement de l'État ouvre la voie à l'islamisme radical.

Deux analyses en éclairent les possibles développements et les enjeux. Celle de Khaled Fouad Allam , algérien de nationalité italienne, professeur de sociologie du monde musulman aux universités de Trieste et d’Urbino, celle du Père jésuite égyptien Samir Khalil Samir, islamologue très estimé par le Pape, analyse qui a été commentée sur le site web de l’agence de presse "Asia News" de l’Institut Pontifical des Missions Étrangères.

Sur le site "Chiesa", Sandro Magister a publié l'essentiel de ces textes, sous le titre " Un Afghanistan en Méditerranée".

L'analyse de Khaled Fouad Allam Khaled Fouad Allam, a été publiée dans le quotidien de la conférence des évêques d’Italie : "Avvenire" où il parle des protagonistes de la révolte actuelle qui sont les jeunes générations :

"Les jeunes gens de 18 à 30 ans ont une pratique religieuse de type piétiste. L’islam n’est plus perçu comme la solution, ce qui aurait probablement été le cas il y a dix ou quinze ans. Les jeunes ne croient plus que le Coran leur donnera du travail, comme leurs pères pouvaient le penser. Ils sont croyants et pratiquants mais ils n’ont pas une charge idéologique. Du Yémen à l’Algérie, on n’entend pas de slogans religieux".

Et d’ajouter : " Il y a également l’aspect de la globalisation : une conscience mondiale de la démocratie est en train de se développer. Un jeune d’Alger qui correspond par internet avec un de ses amis vivant à Rome se demande comment il est possible qu’il y ait la liberté sur l’autre rive de la Méditerranée mais pas dans son pays. Cela crée un sentiment très fort. La technologie informatique ne compte pas en elle-même, mais par son effet, c’est-à-dire une accélération de la maturation de la prise de conscience".

La révolte ne paraît pas avoir de direction précise. Elle n’a pas de leader. Elle n’a pas de grandes organisations. "Elle va durer longtemps", prévient Allam. Sans que l’on puisse en prévoir les résultats.

Le portrait qui s’en dégage est celui d’un monde musulman beaucoup plus fragile et beaucoup plus désordonné que ce que l’on imagine habituellement. Beaucoup plus bigarré. Beaucoup plus exposé à la sécularisation et aux langages de la communication globale, qui sont universels mais également de signification incertaine.

L’opinion du Père Samir est que l'unité entre musulmans et chrétiens que l’on a pu voir à l’œuvre pendant les journées de la rébellion est le signe que ce n’est pas l'islamisme fondamentaliste qui dirige le virage en cours, ni en Égypte ni dans les autres pays d’Afrique du Nord et du Golfe.

La révolution qui bouleverse actuellement les pays arabes n’est certainement pas partie des mosquées. La plus célèbre et la plus influente des mosquées sunnites, la mosquée Al-Azhar du Caire, est tout de suite apparue hors jeu. Ses dirigeants, qui ont tous été nommés par le président Moubarak, paient eux aussi le prix de la chute de celui-ci.

En Égypte, l'unique chance sérieuse qu’aient les islamistes de conquérir le pouvoir est liée au sort des Frères Musulmans. Ceux-ci ont une capacité notable d’organisation. Ils contrôlent les principaux ordres professionnels : ingénieurs, médecins, dentistes, pharmaciens, commerçants, avocats. Ils ont pénétré dans les campagnes.

L’un de leurs leaders, Sobhi Saleh, est membre du comité qui a été constitué par les militaires pour la réforme de la constitution égyptienne. Et le président de ce même comité, Tariq Al-Bishri, fils d’un grand imam d’Al-Azhar, est leur allié.

Mais plus qu’un effet de leur force, cette cooptation des Frères Musulmans au sein du comité pour la nouvelle constitution apparaît comme un geste calculé de la part des militaires qui sont au pouvoir, afin de les contrôler.

Même l'exploit du cheikh Youssef Al-Qaradawi, ce leader charismatique des Frères Musulmans du monde entier qui est rentré au Caire après plusieurs décennies d’exil afin de diriger la prière du vendredi 18 février sur la place Tahrir et de haranguer la foule, ne semble pas avoir orienté la révolte dans la direction de l'extrémisme religieux.

Al-Qaradawi s’est grandement réjoui de la chute du "Pharaon", mais ce ne sont certainement pas les Frères Musulmans qui ont renversé Moubarak. Il a raconté son rêve de Jérusalem libéré des infidèles, mais il n’y a eu de drapeaux israéliens brûlés ni avant ni après son sermon.

Les églises chrétiennes sont elles aussi restées intactes pendant les journées de la révolte, alors qu’elles avaient fait l’objet, il y a seulement quelques semaines, de cruelles agressions à un moment où le régime de Moubarak contrôlait encore totalement le pays. Le patriarche des coptes, Chenouda III, a parié jusqu’au dernier moment sur le maintien de Moubarak au pouvoir, qui lui paraissait plus rassurant qu’un changement de régime. Mais les coptes sont descendus dans la rue dès les premiers jours, pour réclamer davantage de liberté.

Le P. Samir dit que le soulèvement actuel lui rappelle la révolution égyptienne de 1919 contre la Grande-Bretagne qui occupait alors l'Égypte et le Soudan : une révolution qui n’avait pas un caractère religieux mais qui avait pour objectif l'indépendance.

Mais la révolte qui enflamme aujourd’hui les pays arabes, de l'Égypte au Yémen, ne se dresse pas contre des puissances étrangères : Israël, les États-Unis, l'Occident. Et encore moins contre les chrétiens.

Ses ennemis sont des ennemis intérieurs, ce sont les régimes tyranniques. Et les demandes sont élémentaires. (source : Chiesa)

Retour aux dépêches
retour à la page d'accueil