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du 27 au 29 avril 2011 (semaine 17)
 

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29 avrll 2011 -
DES RAISONS D'ESPÉRER OU DE S'INQUIÉTER


Au début d’une nouvelle et imprévisible ère arabe, la Fondation "Oasis" pose cette question : " En ce qui concerne le monde arabe dans son ensemble, vous voyez dans les mouvements de révolte raisons d’espérer ou de s’inquiéter ?

Dans un entretien initié par Chiara Pellegrino, Farouk Mardam Bey donnent des éléments de réponse dans une situation difficile à analyser à partir des aspects peu connus de son pays, la Syrie. " En Syrie la situation est bloquée. Le régime craint que s’il ouvre une brèche cela provoquera le déluge. On dit depuis longtemps que le gouvernement aurait fait une réforme économique mais la réforme n’a jamais été terminée.

" Et ce qui s’est déjà produit en l’an 2000 quand il y a eu ce que l’on a surnommé le "Printemps de Damas" avec l’arrivée de Bashar al-Asad, éclaire l'attitude du président . Le jour de la prestation de serment, le Président avait promis des ouvertures et permis la formation de “club de discussion”.

Il en attendait quatre ou cinq et, d’un seul coup, il y en a eu 200, un peu partout dans le pays. Les personnes qui participaient à ces clubs critiquaient le régime, cela a suscité des inquiétudes et le gouvernement a immédiatement décrété leur fermeture et a arrêté les responsables. À partir de ce moment, toutes les contestations ont été systématiquement réprimées."

" En ce qui concerne le monde arabe, je vois dans les mouvements de révolte plutôt des raisons d’espérer. Mais la démocratie est une chose difficile, même dans les pays démocratiques, elle doit être réaffirmée quotidiennement.

" Nous sommes entrés dans une nouvelle ère de l’histoire du monde arabe. On ne sait pas comment la situation va évoluer en Libye, tout comme au Bahreïn, au Yémen, en Syrie, et même en Égypte et en Tunisie. Nous ne savons pas quels seront les résultats des élections. Mais le seul fait déjà de commencer un processus est déjà quelque chose d’enthousiasmant."

" En Syrie, traditionnellement, les relations interreligieuses et en particulier les relations islamo-chrétiennes ont été bonnes. Des changements éventuels dans la structure politique et institutionnelle du pays peuvent modifier cet élément.

"Durant les événements en Égypte et en Tunisie il n’y a pas eu de conflits interreligieux ; bien au contraire, les coptes et les musulmans ont fraternisé au Caire. En Tunisie, le problème ne se posait pas car il n’y a pas de communautés chrétiennes importantes et le pays est plus homogène.

" Mais en Syrie, il faut être très attentif. En tous les cas, personne ne veut qu’il y ait des conflits à caractère confessionnel. Malheureusement, il est très facile de glisser vers le communautarisme, il suffit que soient lancés des slogans ou qu’il y ait des violences pour qu’on passe du politique au confessionnel.

En ce qui concerne l’Égypte il faut remarquer que dans le pays, il y a une véritable discrimination, sans aucun doute, les coptes sont discriminés. En Syrie, en revanche, s’il y a une discrimination à l’égard des chrétiens, il s’agit certainement d’une discrimination positive. Ce n’est pas un mérite du régime mais de la tradition locale. Depuis l’indépendance, il y a une réelle convivialité islamo-chrétienne. Depuis longtemps, des chrétiens occupent des fonctions importantes, administratives, militaires, dans le privé comme dans le public et dans la vie culturelle.

" En Égypte, la Constitution actuelle a modifié le deuxième article qui affirme aujourd’hui que l’Islam est la religion d’État et la sharî‘a, le droit musulman, est la source principale de la législation. Ce qui évidemment ennuie les coptes. Toutefois, je ne crois pas qu’il y aura des problèmes en ce qui concerne la communauté chrétienne.

" Le gouvernement la protège même si, à mon avis, c’est une attitude dangereuse si on la confronte à ce qui s’est passé en Irak. Là, les chrétiens jouissaient de la protection de Saddam Hussein, mais en réalité, de quelle protection s’agissait-il ? La question s’est conclue par la liquidation de la communauté chrétienne irakienne, une de plus vieilles du monde.

" Le danger est plutôt le conflit entre les sunnites et les alaouites. J’espère que ces deux parties seront assez sages pour poser le problème sur le plan politique et ne pas glisser sur le terrain confessionnel, parce que ce serait dramatique pour l’avenir du pays. Cela fut le cas au début des années quatre-vingt et le résultat fut monstrueux, des deux côtés. Pour les groupes islamistes terroristes qui assassinaient des officiers, des personnalités politiques et culturelles alaouites d’une part, et de l’autre pour la répression exercée par les services parallèles avec la destruction de Hama et la prison de Palmyre qui ont laissé des traumatismes très profonds dans toute la population.

... "Pour ce qui est de l’élaboration d’une nouvelle pensée arabo-islamique, il y a eu, pendant de nombreuses années, des réflexions très profondes surtout au sein de l’Islam. L’évolution de l’Islam jihadiste a fait en telle sorte que beaucoup de penseurs musulmans qui ne partageaient pas ces principes ont tenté d’avancer par rapport aux générations précédentes.

" Dans le monde arabe, on est resté assez prisonniers de la manière dont les grands réformistes du XIXe siècle avaient posé la question. Mais, aujourd’hui, depuis vingt ou trente ans, certains sont allés au-delà, en essayant de reconsidérer toute l’histoire de l’Islam. On a tâché d’établir que dès le début, il y a eu une distinction entre le sacré et le profane, et que le statut de Muhammad, qui était en même temps prophète et chef religieux, doit être considéré comme absolument spécifique et n’est pas reproductible.

" La sharî‘a est une œuvre humaine, ce sont des êtres humains qui ont lu le Coran et le had?th, la parole du Prophète, et les ont interprétés d’une certaine manière. Aujourd’hui, nous sommes capable de les interpréter d’une autre manière, selon les conditions historiques et géographiques qui se sont naturellement modifiées par rapport à l’Islam initial.

" Dans le travail réalisé par exemple par Abd al-Magid al-Sharfi en Tunisie, par Nasr Abu Zaid en Égypte, par Mohammad Shahrur en Syrie, il y a des aspects intéressants qui marquent un progrès dans la réflexion réformiste. Maintenant, il s’agit d’amener la réflexion sur le plan politique, étant donné que nous sommes en train de sortir de l’alternative qui fut pendant longtemps imposée aux arabes : le choix entre le système politique iranien et la dictature.

" Il y a une troisième voie. La sécularisation est absolument nécessaire dans le monde arabe, mais il faut comprendre quelle direction prendre ? En effet, il n’existe pas seulement une seule version : il y a la formule française, la formule italienne, l’américaine... On ne pourra certainement pas adopter la formule française radicale dans le monde arabe. Cependant, dans d’autres pays européens, des formes de séparation entre l’Église et l’État existent qui peuvent représenter une source d’inspiration.

" La religion ne peut être reléguée totalement dans la sphère privée tout comme elle ne peut être complètement superposée à la sphère publique. Mais, en même temps, est-il possible que dans un pays comme l’Égypte, l’Islam soit complètement absent de la sphère publique ? Le Catholicisme est-il donc complètement absent de la sphère publique en Italie ? Non ! Il faut être très attentif pour mettre en œuvre une réforme qui atteigne l’objectif recherché de manière intelligente et durable, sans en arriver à des affrontements."

" Déjà, en Égypte, il y a eu des pétitions d’intellectuels demandant l’abolition de l’article 2 de la Constitution. D’autres, comme le sheikh de al-Azhar, mais aussi les Frères Musulmans, soutiennent que ce problème ne se pose pas. Enfin, d’autres encore disent qu’il est nécessaire d’attendre un peu parce que si on pose la question maintenant, cela finirait par diviser les différentes composantes de la société. On compte sur l’intelligence et la maturité des personnes. C’est un processus où tout est à gagner, rien n’est perdu. "

La Fondation internationale Oasis a été créée en 2004 comme centre d'études à partir d'une intuition du cardinal Angelo Scola. Elle est vouée à la promotion de la connaissance réciproque et la rencontre entre chrétiens et musulmans, avec une attention particulière à la réalité des minorités chrétiennes dans les pays à majorité musulmane.

Oasis s’appuie sur un vaste réseau de rapports internationaux. Dans le comité Promoteur figurent, aux côtés du Cardinal Scola, les cardinaux Philippe Barbarin (Lyon), Josip Bozanic (Zagreb), Péter Erd? (Budapest), Christoph Schönborn (Vienne), le Patriarche Fouad Twal (Jérusalem) et les évêques Camillo Ballin (Koweït), Mounged El-Hachem (Nonce au Koweït), Paul Hinder (Émirats), Jean-Clément Jeanbart (Alep), Maroun Lahham (Tunis), Anthony Lobo (Islamabad), Francisco Javier Martínez (Grenade) et Joseph Powathil (Changanacherry).

Le comité scientifique comprend des islamologues, philosophes, sociologues, historiens et juristes. (source : Oasis)


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