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du 3 au 7 juin 2011 (semaine 22)
 

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7 juin 2011- Voyage en Croatie
Texte intégral de l´intervention du Pape dans l´avion vers Zagreb

Au cours d´une conférence de presse d´à peine 10 minutes, en plein ciel, le pape a évoqué la foi et la "piété populaire" du peuple croate, la figure parfois controversée du cardinal Alojzije Stepinac et l'Europe face aux eurosceptiques.

Rencontrant les journalistes à bord de l´avion qui le menait à Zagreb en Croatie, le 4 juin 2011, Benoît XVI a évoqué la mission de la Croatie et a confié qu´il comprenait la "peur" des eurosceptiques croates face à "un bureaucratisme centraliste trop fort" de l´Union Européenne, tout en jugeant "logique, juste et nécessaire" que ce pays très majoritairement catholique intègre l´UE, avec une "mission" culturelle et spirituelle spécifique.

Sainteté, vous vous êtes déjà rendu en Croatie et votre prédécesseur y a effectué pas moins de 3 voyages. Peut-on parler d´une relation particulière entre le Saint-Siège et la Croatie ? Quels sont les motifs et les aspects les plus significatifs de cette relation, et de ce voyage ?

Benoît XVI : Personnellement, je me suis rendu deux fois en Croatie. La première fois pour les obsèques du cardinal Franjo Seper , mon prédécesseur à la Doctrine de la foi, qui était mon grand ami, car il était aussi président de la Commission théologique, dont j´ai été membre. Ainsi, j´ai connu sa bonté, son intelligence, son discernement, sa joie. Tout cela m´a donné une idée de la Croatie, car c´était un grand Croate et un grand Européen.

Et puis j´y suis retourné une autre fois pour un symposium et une célébration dans un sanctuaire marial, à l´invitation de son secrétaire particulier, Capek, qui était lui aussi un homme de grande joie et de grande bonté. J´y ai constaté la piété populaire qui est très proche, je dois dire, de celle de ma région (la Bavière, ndlr). J´ai été très heureux de constater cette incarnation de la foi, une foi vécue avec le coeur où le surnaturel devient naturel, et où le naturel est illuminé par le surnaturel.

Ainsi, j´ai vu et ‘vécu´ cette Croatie, avec son histoire catholique millénaire, toujours très proche du Saint-Siège, et naturellement avec l´histoire passée de l´Eglise antique. J´ai vu qu´il existe une fraternité très profonde dans la foi, dans le souhait de servir Dieu pour l´homme, dans l´humanisme chrétien. En ce sens, il me semble qu´il y a un lien naturel avec cette véritable catholicité, qui est ouverte à tous et qui transforme le monde - ou veut transformer le monde - selon les projets du Créateur.

Saint-Père, la Croatie devrait s´unir d´ici peu aux 27 pays qui font partie de l´Union Européenne. Mais, ces derniers temps, le scepticisme a grandi au sein du peuple croate à l´égard de l´UE. Dans ce contexte, entendez-vous offrir un message d´encouragement aux Croates afin qu´ils regardent l´Europe avec une perspective non seulement économique mais aussi culturelle et avec les valeurs chrétiennes ?

Benoît XVI : Je pense qu´une grande majorité de Croates pense en substance avec grande joie à ce moment où (la Croatie) s´unira à l´Union Européenne, car c´est un peuple profondément européen. Les cardinaux, comme Seper, Kuharic (1919-2002, ancien archevêque de Zagreb, ndlr) et Bozanic (actuel archevêque de Zagreb, ndlr), m´ont toujours dit : Nous ne venons pas des Balkans, mais de la ‘Mitteleuropa´.

C´est donc un peuple qui est au centre de l´Europe, de son histoire, de sa culture. En ce sens, je pense qu´il est logique, juste et nécessaire qu´il entre (dans l´UE, ndlr). Je pense aussi que le sentiment qui prédomine est celui de la joie, d´être là où, historiquement et culturellement, la Croatie a toujours été.

Naturellement, on peut comprendre aussi un certain scepticisme lorsqu´un peuple numériquement peu élevé entre dans cette Europe déjà faite, déjà construite. On peut comprendre qu´existe presque la peur d´un bureaucratisme centraliste trop fort, d´une culture rationaliste qui ne tient pas suffisamment compte de l´histoire, de la richesse de l´histoire, et également de la richesse de la diversité historique. Il me semble que cela peut justement être aussi une mission pour ce peuple qui entre maintenant : renouveler dans l´unité et la diversité.

L´identité européenne est une identité particulière dans la richesse des différentes cultures, qui convergent dans la foi chrétienne, dans les grandes valeurs chrétiennes. Pour que cela soit de nouveau visible et efficace, il me semble justement qu´il y a une mission pour les Croates qui entrent désormais : renforcer, face à un rationalisme abstrait, l´historicité de nos cultures, et la diversité, qui est notre richesse.

En ce sens, j´encourage les Croates : le processus d´intégration à l´Europe est réciproque, un processus où l´on donne et où l´on reçoit. La Croatie aussi donne, avec son histoire, sa capacité humaine et économique, et reçoit naturellement, y compris en élargissant ainsi son horizon et en vivant ce grand commerce, non seulement économique, mais surtout culturel et spirituel.

De nombreux Croates espéraient que la canonisation du bienheureux cardinal Stepinac puisse avoir lieu à l´occasion de votre voyage. Pour vous, aujourd´hui, quelle importance possède cette figure ?

Benoît XVI : Le cardinal était un grand pasteur et un grand chrétien, ainsi qu´un homme à l´humanisme exemplaire. Je dirai qu´il était du destin du cardinal Stepinac de vivre sous deux dictatures opposées, mais qui étaient toutes deux anti-humanistes. D´abord le régime des Oustachis qui semblait accomplir son rêve d´autonomie et d´indépendance. Mais cette autonomie était en fait un mensonge car elle était instrumentalisée par Hitler, pour ses intérêts.

Le cardinal Stepinac l´a très bien compris et a défendu le véritable humanisme contre ce régime, en défendant les Serbes, les juifs, les tziganes. Disons qu´il a donné la force d´un véritable humanisme, y compris en souffrant. Puis il y a eu la dictature opposée du communisme, où il a de nouveau lutté pour la foi, pour la présence de Dieu dans le monde, pour un véritable humanisme qui dépend de la présence de Dieu : seul l´homme est à l´image de Dieu et l´humanisme peut fleurir.

Disons donc que c´était son destin : lutter dans deux combats différents et opposés, justement pour ce choix de la vérité contre l´esprit de l´époque, ce véritable humanisme qui provient de la foi chrétienne. C´est un grand exemple, non seulement pour les Croates mais aussi pour nous tous. (source : VIS)


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