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du 22 au 24 septembre 2011 (semaine 38)
 

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24 septembre 2011- Allemagne
LE DISCOURS DE BENOÎT XVI AU BUNDESTAG

Au Bundestag, Benoît XVI a prononcé un discours qui restera dans les annales de son pontificat, comme ceux de Ratisbonne, en 2006, des Bernardins, à Paris en 2008, et de Westminster Hall, à Londres il y a un an.

Après le discours d'accueil du Président du Bundestag, Benoît XVI s’est livré à une magistrale leçon de philosophie politique, analysant « les fondements de l’État de droit libéral ».

"La politique doit être un engagement pour la justice et créer ainsi les conditions de fond pour la paix... Mais le succès de tout homme politique est subordonné au critère de la justice, à la volonté de mettre en œuvre le droit et à l'intelligence du droit. Le succès peut aussi être une séduction, et ainsi il peut ouvrir la route à la contrefaçon du droit, à la destruction de la justice.

... " Nous, allemands, savons par expérience que ces paroles ne sont pas une formule vide. Nous avons fait l'expérience de séparer le pouvoir du droit, de mettre le pouvoir contre le droit, de fouler aux pieds le droit, de sorte que l'état était devenu une bande de brigands très organisée, qui pouvait menacer le monde en le poussant au précipice.

" Servir le droit et combattre la domination de l'injustice est et demeure la tâche fondamentale des responsables politiques", aujourd'hui comme hier.

"Il est évident que dans les questions fondamentales du droit, où est en jeu la dignité de l'homme et de l'humanité, le principe majoritaire ne suffit pas... Sur la base de cette conviction, des résistants ont combattu le régime nazi et d'autres régimes totalitaires, rendant ainsi un service au droit et à l'humanité tout entière. Pour eux, ...le droit en vigueur était injuste".

"Pour le développement du droit et pour le développement de l'humanité, la prise de position des théologiens chrétiens contre les obligations de droit envers les divinités, a été cruciale. En se rangeant du côté de la philosophie, ils ont reconnu que la corrélation raison nature était une source juridique valable pour tous.

... " Si jusqu'à l'époque des Lumières puis de la Déclaration des Droits de l'Homme...la question des fondements de la loi semblait claire, un dramatique changement de la situation est arrivé au cours du dernier demi-siècle.

" L'idée du droit naturel est aujourd'hui considérée comme une doctrine catholique plutôt singulière, sur laquelle il ne vaudrait pas la peine de discuter en dehors du milieu catholique, de sorte qu'on a presque honte d'en mentionner même seulement le terme. Je voudrais brièvement indiquer comment cette situation s'est créée... Une conception positiviste de la nature, qui entend la nature de façon purement fonctionnelle...ne peut créer aucun pont entre l'Ethos et le droit..

" La même chose vaut aussi pour la raison dans une vision positiviste qui, chez beaucoup, est considérée comme l'unique vision scientifique. Dans cette vision, ce qui n'est pas vérifiable ou falsifiable ne rentre pas dans le domaine de la raison stricte.

... " C'est là une situation dramatique, qui nous intéresse tous et sur laquelle une discussion publique est nécessaire. Le but essentiel de ce discours est d'inviter à ce débat".  

..." Nous devons écouter le langage de la nature et y répondre avec cohérence... L'homme aussi possède une nature, qu'il doit respecter et qu'il ne peut manipuler à volonté... L'homme ne se crée pas lui-même, car il est esprit et volonté, mais aussi nature. Sa volonté est juste lorsqu'il écoute la nature et la respecte, quand il s'accepte lui-même pour ce qu'il est, et qu'il accepte qu'il ne s'est pas auto-créé. C'est alors seulement que se réalise la véritable liberté humaine".  

" C'est là que le patrimoine culturel de l'Europe peut "nous venir en aide. Sur la base de la conviction de l'existence d'un Dieu créateur se sont développées l'idée des droits de l'homme, l'idée d'égalité de tous les hommes devant la loi, la connaissance de l'inviolabilité de la dignité humaine en chaque personne et la conscience de la responsabilité des hommes pour leur agir. Ces connaissances...constituent notre mémoire culturelle. Ignorer ou considérer celle-ci comme simple passé serait une amputation.

" La culture de l'Europe est née de la rencontre entre Jérusalem, Athènes et Rome, de la rencontre entre la foi dans le Dieu d'Israël, la raison philosophique de la Grèce et la pensée juridique de Rome. Cette triple rencontre forme l'identité profonde de l'Europe. Dans la conscience de la responsabilité de l'homme devant Dieu et dans la reconnaissance de la dignité inviolable de l'homme, de tout homme, cette rencontre a fixé des critères du droit, et les défendre est notre tâche."

Pour le pape, qui s’adresse à un public qualifié, familier parce qu’allemand, de la philosophie et de la théologie, « le christianisme, lui, contrairement aux autres grandes religions, n’a jamais imposé à l’État et à la société un droit révélé, un règlement juridique découlant d’une révélation. Il a au contraire renvoyé à la nature et à la raison comme vraies sources de droit, il a renvoyé à l’harmonie entre raison objective et subjective ».

Devant plusieurs centaines de députés allemands, et en l'absence de dizaines de députés de gauche, le pape a ainsi proposé un long discours sur "les fondements de l'Etat de droit libéral". A son arrivée dans la grande salle du Parlement,il avait été chaleureusement accueilli par une majorité de députés, mais sur le côté gauche de l'hémicycle, les députés de gauche présents n'applaudissaient pas et se tenaient les bras croisés. A la fin de son discours, l'ovation fut unanime pendant plusieurs minutes. (source : Apic)


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