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du 21 au 23 novembre 2011 (semaine 47)
 

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23 novembre 2011- Libye
DES RÉPONSES IMPRÉCISES POUR DES QUESTIONS PRÉCISES


L'annonce de l''introduction de la loi islamique dans la Libye de l'après-Kadhafi a suscité une forte opposition des femmes, des non-religieux et de la minorité amazighe.

"La charia signifie vivre en harmonie totale avec la loi de Dieu, et c'est la chose la plus naturelle pour un musulman", réplique Ibrahim Mashdoub, l'imam de la mosquée al-Garamaldi dans la vieille ville de Tripoli.

Mais il hésite lorsque les questions deviennent plus précises: "Les femmes doivent-elles couvrir les cheveux? Pourront-elles conduire? Les voleurs auront-ils les mains coupées?..."

" Le principal problème lorsque l'on discute de la charia, c'est que tout le monde a une opinion, mais personne ne sait réellement ce dont il parle", se plaint Wail Mohammed, 23 ans, dans un café-restaurant branché à 50 mètres de la mosquée al-Garamaldi.

" Quel genre de charia allons-nous choisir ? Celle du Pakistan ? Celle de l'Indonésie ? Peut-être celle de l'Iran ?" demande Mohammed, un traducteur en anglais, aujourd'hui au chômage.

Les dirigeants tels que Cheikh Omar Mukhtar, l'autorité militaire supérieure dans l'ancien bastion kadhafiste de Bani Walid, ont fait leur choix. "Tous les Libyens veulent une charia comme celle au Qatar ou aux EAU (Emirats Arabes Unis). Cela nous donnera la cohésion dont le pays a besoin après la guerre", indique ce chef militaire et tribal, reprenant les discours des dirigeants du Conseil national de transition (CNT) ces dernières semaines.

Il est sans doute vrai que la charia du Qatar - où les femmes sont autorisées à conduire et où l'alcool est toléré jusqu'à une certaine limite - semble être la plus populaire parmi les Libyens. Mais, dans le même temps, beaucoup s'opposent à une Constitution libyenne future basée sur le Coran.

Ce ne sont pas seulement des athées ou agnostiques libyens comme Zlitani qui prônent une séparation entre l'Etat et la religion. Fathi Buzakhar est un musulman qui dirige le Congrès amazigh de la Libye, une organisation créée pour défendre les droits de cette plus grande minorité en Libye - environ 10 pour cent de la population de six millions d'habitants.

"La séparation entre politique et la religion est indispensable pour construire un Etat démocratique, mais le nouveau gouvernement libyen intérimaire semble avoir complètement oublié cela", déclare Buzakhar, depuis sa résidence à Tripoli. Le projet de Constitution rendu public en août ne reconnaît pas son peuple amazigh ou sa langue, souligne-t-il. Cette minorité était soumise aux politiques d'assimilation brutales de Kadhafi.

"Non seulement nous ne sommes pas arabes, mais nous avons aussi historiquement professé une branche très modérée de l'islam, l'ibadisme. Nos prêtres ont été presque tous exécutés par Kadhafi puisque l'ibadisme constituait déjà un autre symbole de notre identité", indique Buzakhar.

Les femmes libyennes semblent craindre plus la charia indéfinie mais presque inévitable. Beaucoup se demandent si elles auront à "partager" leurs maris suite aux déclarations controversées du président du CNT, Mustafa Abduljalil sur la légalisation de la polygamie.

"Dieu, Mouammar et la Libye" était un slogan officiel privilégié durant les plus de 40 ans de pouvoir de Kadhafi. La Libye était déjà un Etat islamique conservateur où l'islam a été pratiqué avec rigueur à travers les années de Kadhafi. Ce n'était pas une coïncidence que Kadhafi ait appelé son volume à lire nécessairement le Livre Vert.

L'élection du 23 octobre en Tunisie voisine peut être un thermomètre ainsi qu'un catalyseur pour l'élection libyenne prévue pour juin 2012. Avec 40 pour cent des voix, la coalition islamiste modérée 'Ennahda' a remporté une victoire écrasante dans la première élection organisée dans le pays après le 'printemps arabe'.

"Pour le moment, l'islam modéré est probablement la seule chance de la Libye pour faire face à ce chaos croissant dans le pays", souligne Santiago Alba Rico, un écrivain et analyste politique basé en Tunisie depuis les 12 dernières années. "Malgré ses défauts, une démocratie islamique en Libye serait encore beaucoup plus progressiste que la dictature de Kadhafi, ainsi que l'approche la plus réaliste face aux affrontements constants entre les milices". (source : Allafrica)

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