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du 27 au 30 novembre 2011 (semaine 48)
 

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30 novembre 2011-
LA VIGILANCE, LE SILENCE ET LA HONTE


Le procès d’un ancien frère de la "communauté des Béatitudes" s'ouvre à Rodez. Si ce procès d’un ancien membre des Béatitudes interpelle l’Eglise, c'est avant tout le procès d'un homme, et non celui d'une communauté religieuse.

Solweig Ely qui fut l'une des victimes du frère Pierre Étienne témoignera au procès, même si elle appréhende de se retrouver face à celui qui pénétrait chaque soir dans sa chambre, au vu et au su de ses propres parents, pour lui faire subir des attouchements.

Ils avaient fait vœu de "pauvreté et d'obéissance", précise aujourd'hui leur fille. Une "obéissance" aveugle que Solweig Ely ne s'explique toujours pas et qui s'apparente pour elle, à "de l'emprise mentale, à des dérives sectaires".

Au bout d'un an, ses parents quitteront la "maison" de Mortain en Normandie, déstabilisés par l'influence exercée par ses responsables sur leur vie familiale et sans moyens de subsistance propres. Mais sans rompre tout à fait avec les Béatitudes.

Par la suite, la fillette ne recevra jamais le soutien de ses parents, qui refusent de dénoncer le religieux. "On ne parlait jamais de ces choses-là. Pour les gens de la communauté, le mal était à l'extérieur", explique aujourd'hui Solweig Ely, que l'on accuse alors d'être possédée. "Mes parents m'ont emmenée chez un exorciste car j'avais une douleur au genou qui m'empêchait de rester agenouillée pour prier. Pour eux, c'était un signe du démon. On s'est rendu compte plusieurs années plus tard, qu'il s'agissait d'une tumeur et je me suis fait opérer..."

Placée en famille d'accueil, la jeune fille débute une longue dérive qui la mènera aux quatre coins de France, en quête d'emploi et d'amour. "J'ai eu un parcours familial plus douloureux que les actes du frère eux-mêmes"

"Fragiles psychologiquement", ses parents ne se remettront jamais tout à fait de cette affaire et divorceront. Son père, à l'approche du procès et de la sortie du livre, que vient de publier sa fille, s'est donné la mort.

Le procès de Rodez sera celui d'un homme et de sa perversion, mais il devrait, en creux, souligner l'aveuglement de la communauté des Béatitudes, et, au delà, celui de l'institution catholique dans son ensemble face aux dérives de mouvements qui s'en réclamaient et qui ont vu le jour sans discernement ni accompagnement. Car il révèle notamment certaines failles sur le contrôle exercé par l’Église sur la communauté.

Pierre-Étienne Albert, 61 ans, ancien « frère consacré » de la communauté des Béatitudes, y est entré en 1975 alors qu’elle s’appelait encore « Lion de Juda et de l’Agneau Immolé ». Il y a prononcé des vœux en 1981 et a finalement été relevé de ceux-ci le 5 avril 2005. Il est poursuivi devant le tribunal correctionnel de Rodez pour des « attouchements de nature sexuelle » et des « atteintes sexuelles » sur mineurs de moins 15 ans, garçons et filles. Il ne nie pas les faits.

Comme la plupart se sont déroulés entre 1986 et 1990, une partie d’entre eux sont couverts par la prescription ». Trente-huit victimes ont été retenues par la justice.

Il faut distinguer les responsabilités. Ce qui est jugé dans ce procès, ce sont des actes de pédophilie, sur lesquels les autorités ecclésiales nient avoir été averties. Mgr Pierre-Marie Carré, ancien évêque d’Albi, affirme ainsi ne pas avoir été au courant. Aujourd’hui archevêque de Montpellier, il est cité comme témoin par une des parties civiles et non par Pierre-Etienne Albert, qui dit l’avoir rencontré en 2001 à Blagnac (Gironde), au siège de la modération générale.

Or, la communauté des Béatitudes n’était pas sans contrôle : en 1985, elle est reconnue par Mgr Robert Coffy, alors archevêque d’Albi, comme « association privée de fidèles de droit diocésain ». Le droit canonique est très précis sur la responsabilité qui incombe à l’évêque pour de telles associations : celui-ci a pour « devoir » dit le code, (article 305) d’exercer sa « vigilance », « d’avoir soin que l’intégrité de la foi et des mœurs y soit préservée et de veiller à ce que des abus ne se glissent pas dans la discipline ecclésiastique ».

" Sans doute a-t-on manqué de vigilance, car les évêques ont un peu hâtivement assimilé ces associations du droit de l’Église aux associations loi 1901 du droit français, où le système de contrôle est très léger" , commente un spécialiste de droit canonique.

L’Église n’a cependant pas été sans rien faire. Mais elle a beaucoup attendu : au final, c’est au moment où la communauté des Béatitudes demande à être reconnue comme de droit pontifical, donc de dépendre non pas du diocèse mais du Saint-Siège, en 2002, que les autorités commencent à s’en préoccuper : en 2007, la communauté entre dans une phase de restructuration interne, et est placée par les autorités romaines, d’ailleurs alertées par les évêques français, sous haute surveillance.

En octobre 2010, le Saint-Siège a nommé de façon très exceptionnelle à sa tête un « commissaire pontifical », le dominicain, Henry Donneaud. (source : AP)


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