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du 30 janvier au 1 février 2012 (semaine 05)
 

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1 février 2012- France
LES MEDIAS CHRÉTIENS DEVANT LE DÉFERLEMENT DU NUMÉRIQUE


Le déferlement du numérique qui a bouleversé le monde des médias en moins de dix ans a été au coeur des réflexions des 16èmes Journées d´Etudes François de Sales, qui se sont tenues à Annecy les 26 et 27 janvier.

Pendant deux jours, plus de 200 professionnels de la presse catholique ont mené une réflexion sur cette révolution en marche qui bouleverse leur métier, modifie la consommation de l´information et suscite bien des interrogations sur l´avenir de la presse écrite.

Des journaux comme le quotidien "France Soir" ont cessé d´exister en version papier pour n´exister plus qu´en ligne. En l´an 2000 encore, il n´y avait pas de connexions internet à haut débit, ni de blogs, podcasts, flux RSS, Google News, Gmail, YouTube, Facebook, Twitter et autres iTunes. Sans parler du Wi-Fi, de la géolocalisation, de l´iPod, de l´internet mobile, des smartphones, de l´iPhone, du BlackBerry, ou de l´iPad....

Les faits bruts sont désormais disponibles quasiment en temps réel sur internet, les blogs, etc. Par conséquent, les publier le lendemain tels quels dans la presse écrite n´a plus aucun intérêt pour le lecteur. Il s´agit, pour la presse traditionnelle, de prendre conscience de ces changements radicaux si elle veut survivre les prochaines décennies.

Erwann Gaucher a analysé ces faits lors de ces Journées. Il ne croit pas à la fin de la presse écrite. "Je ne pense pas que ma génération verra la disparition de tous les journaux papiers, à condition toutefois qu´ils se transforment". Lui-même d´ailleurs vient de la presse écrite. Il fut pendant 2 ans rédacteur en chef du magazine missionnaire "Peuples du Monde".

Dans ce monde sans cesse en changement, dit-il, "les médias ont des difficultés à s´adapter étant donné la lourdeur de leurs structures de production. Ils ont longtemps refusé de prendre en compte cette réalité. Ce n´est pas une révolution technique, mais bien une révolution des usages, qui met en danger ceux qui ne veulent pas la comprendre ! "

La presse a oublié de regarder de près les usages de ses consommateurs, qui ont aujourd´hui un besoin permanent d´information, d´une accessibilité totale, quasiment en temps réel. Ils consomment toujours davantage d´infos, mais ils vont la chercher ailleurs que dans les journaux, notamment sur le web mobile. Si en 2012, on ne la trouve plus de la même façon qu´en 2000, 2005 ou 2008, peut-on continuer de la produire de la même manière, se demande-t-il.

Pour sa part, René Poujol, coordonnateur du programme de ces Journées d´Etudes et ancien "patron" de la rédaction de l´hebdomadaire "Pèlerin", releve que le développement des blogs et des réseaux sociaux a ôté aux journaux, radios et télévisions leur monopole en tant que "médiateurs".

"Aucun journaliste ne peut prétendre aujourd´hui faire honnêtement son travail en ignorant l´univers foisonnant du web", insiste-t-il. Alors si le numérique est un défi stratégique pour la presse, c´est également le cas pour l´Eglise. Elle aussi doit faire face à cette mutation qui est véritablement anthropologique et culturelle.

Nicolas Senèze, chef-adjoint du service religieux du quotidien français "La Croix" et responsable de la newsletter "Urbi - Orbi", dresse le même constat en faisant l´état des lieux du numérique dans l´Eglise.

Il rgrette que les catholiques ne s´impliquent pas assez dans l´espace numérique, dans la blogosphère ou sur Wikipedia, laissant la place libre pour certains groupe sectaires ou traditionnalistes, tout aitant pour des informateurs ignorant des réalités religieuses.

Nicolas Senèze relève, en citant Catherine Sesbouë, pionnière du web dans l´Eglise catholique de France, que dans les années 90, en cherchant le mot "Dieu" sur internet avec un moteur de recherche, l´internaute ne trouvait aucun site catho dans les premières réponses. Quand il cherchait ensuite "christianisme", c´est la secte Moon qui ressortait. 15 ans plus tard, ce n´est guère mieux: la première réponse "catho" n´apparaît qu´au bas de la 5e page de résultats! Les sites évangéliques se classent beaucoup mieux.

Certes les sites internet se sont multipliés dans l´Eglise de France: diocèses, mouvements, individuels et de nombreux blogs sont apparus. Ils restent souvent dans un monde clos, souvent dans les institutions", sans grande ouverture sur la société civile, sur la vie des autres cultures.

"L´exemple le plus frappant est celui du site du Vatican, <vatican.va,> qui n´a que peu de lien vers l´extérieur... Cela reflète une certaine ecclésiologie et une certaine vision du monde ! " Certes, admet-il, il y a la volonté de ne pas donner l´impression de valider des contenus que l´Eglise pourrait ne pas approuver ou qui ne sont pas de son domaine.

Et Nicolas Senèze de souhaiter que l´Eglise intègre davantage la culture numérique, et s´astreigne aussi dans ce domaine à une véritable "inculturation". Car la culture numérique est une culture des réseaux, de l´interactivité, de la participation et du consensus, "alors que l´Eglise reste dominée par une culture de l´obéissance et du consensus, par un fonctionnement sur un modèle hiérarchique".

Or la démocratie numérique est basée à l´inverse sur l´échange, c´est un outil de travail collaboratif, tandis que la culture de l´institution ecclésiale en reste trop souvent à la culture de l´émission. "Dans le monde numérique, elle doit absolument abandonner l´attitude professorale, le langage vertical".

Deux voies sont possibles : soit créer un réseau catho, qui fonctionne en vase clos, de manière confortable, s’épuisant en débats souvent un peu répétitifs sur les structures internes de l’Eglise, ou les mérites de telle ou telle liturgie.

Soit une manière d’entrer en conversation avec ce monde virtuel qu’est devenu le monde internet, pour mieux faire connaître la spécificité chrétienne. Force est de constater que pour la seconde voie, les évangéliques ont pris, sur les catholiques, une sacrée longueur d’avance….

Et là, les récentes créations ecclésiales et romaines pourraient bien entendre ce que des laïcs ont fait comprendre aux instances cléricales durant les Journées d'Annecy. Car il ne suffit pas d'utiliser
des smartphones, de l´iPhone, du BlackBerry, ou de l´iPad....

Saint Thomas d'Aquin, mais oui, lui, disait :"Quidquid recipitur ad modum recipientis recipitur." Ce qui ce traduit en traduisant en langage contemporain : ce qui est le plus essentiel, le plus important, ce sont les attentes et la personnalité de celui qui reçoit. (source : AP)

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