-
5 février 2012 -
LA SOUFFRANCE DU CRUCIFIÉ RESTERA TOUJOURS UN SCANDALE
La déchéance du Christ crucifié est incontournable pour chaque chrétien. "Il a tout connu de l'homme, sauf le péché" et c'est ainsi qu'il nous ouvre à la Résurrection. C'est ce regard que propose le P. Alain Arnould sur la pièce de Romeo Castellucci.
Pour le religieux dominicain, la pièce ‘Sur le concept du Visage du fils de Dieu’ du metteur en scène italien Romeo Castellucci propose une formidable réflexion sur la souffrance en y donnant une place centrale au Christ.
Le P. Alain Arnould avance cette analyse au moment où le centre culturel anversois ‘De Singel’ accueillait la pièce ‘Sur le concept du Visage du fils de Dieu’.
"
La souffrance est un des lieux où la question de Dieu retentit au plus fort. Comment un Dieu qui aime son peuple, peut-il rester apparemment indifférent face aux souffrances de l’homme ? Cette question est incontournable pour chaque chrétien. Tôt ou tard, sa foi s’y trouve confrontée.
"
La Bible y consacre d’ailleurs de nombreux passages. Tout le Livre de Job y est consacré. Rien de surprenant donc que des artistes aujourd’hui encore abordent la question de la Théodicée.
Quand l'homme est
face à ce processus qui le vide de toute vie, il rejoint l'expérience de tant de ses frères. C'est ce qui est vécu dans cette longue scène hyperréaliste est d’autant plus poignante qu’elle se déroule sous le regard hiératique, immuable et apparemment imperturbable d’un Christ peint au 15e siècle par Antonello da Messina. Un Christ qui est à la fois Ecce Homo et Salvator Mundi.
Finalement, le portrait est lacéré dans une attaque venant des acteurs vus de dos. Alors surgit une phrase ‘You are my shepherd’ complétée du mot ‘not’ qui apparaît en alternance. L’image rejoint le cri qui retentit dans ce spectacle : Où es-tu, Berger, face à la souffrance des hommes ? Seigneur, es-tu bien mon berger ?
Les détails de la mise en scène sont soignés dans les plus petits détails et chargés de significations métaphoriques et métaphysiques. Les strates de lectures se superposent sans jamais s’imposer aux spectateurs.
Le fils prodigue de Rembrandt n’est pas loin, fait remarquer le P. Alain Arnoud. Il y a aussi la référence biblique (dont le spectacle est pétri) de Moïse qui ne pouvait contempler le regard de Dieu sans perdre la vie. L’image finale, avec la richesse de son ambiguïté rappelle le psaume 22.
Le cri de révolte est celui que tant de chrétiens ont un jour envie de crier sous le regard du Christ : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? Cette question n’a rien d’une provocation gratuite. La symbolique du regard du Christ, si présente dans les évangiles, s’adresse directement aux spectateurs assis en gradins en face de l’image, outrepassant les développements de la performance. Il est présent et pourtant paraît absent, peut-être parce que le Christ n'est pas assez présent dans leur vie.
Pour le P. Alain Arnould, la façon dont l’aborde Castellucci n’a rien de blasphématoire. Il y met toute la puissance de son art et de son talent. Si nous ne sommes pas à même de partager ce cri, il y a fort à parier que nous passons à côté d’une dimension essentielle de l’Evangile. (source : Cathobel)
Retour aux dépêches
retour à la page d'accueil
|