Pour vivre au rythme de l'Eglise universelle.
FlashPress - Infocatho
du 10 au 12 mars 2012 (semaine 10)
 

-
12 mars 2012 -
POURQUOI PARLER D'UNE CRISE À LA CURIE ROMAINE

Depuis deux mois, ce qu'il est convenu d'appeler « vaticanleaks » ou « vatileaks », a permis de lire quelques notes internes du Saint-Siège dans la presse italienne. C'est inédit mais pas révolutionnaire, estime Jean-Marie Guénois.

Le Vatican est et demeure l'un des lieux les plus secrets et discrets du monde. Ces quelques documents, publiés par la presse italienne comme des documents authentiques, ne changeront rien. Il est à prévoir que ces fuites - pour le moment incontrôlées parce qu'elles viennent du cœur du système - vont renforcer cette culture du secret.

La seule nouveauté - réelle - de la crise interne de la curie romaine est qu'elle est... publique. Comme toutes les allées et contre-allées du pouvoir, le monde clos de la Curie a toujours bruissé de rumeurs, de rancœurs mais aussi de fidélités tenaces et d'un sens rare de l'abnégation pour la mission suprême. Tout cela n'apparaissait jamais à la lumière. Il fallait une sérieuse expérience pour le décrypter sans trop se tromper.

Pour le vaticaniste Jean-Marie Guénois, le sens de tout cela est sans doute ailleurs. Ces « révélations » sont pensées. Elles sont très ciblées. Elles n'ont rien d'une histoire de poubelle percée dont on aurait retrouvé, par hasard, les précieux feuillets froissés au petit matin. Elles participent objectivement d'une manipulation, au sens technique du terme : en rien désordonnées, elles sont cohérentes et sont savamment distillées.

Elles visent donc un objectif très précis dont le recul de plusieurs semaines permet de voir le contour. Ceux qui ont pris sur eux de faire publier ces notes internes - en violant le serment du secret pontifical passible d'excommunication - entendent affaiblir l'actuel secrétaire d'Etat, le cardinal Tarcisio Bertone, numéro deux du Pape, à qui ils reprochent, pour simplifier, «autoritarisme» et «incompétence».

Il est vrai que l'homme n'est pas issu de la prestigieuse école des nonces, l'ENA de l'Eglise catholique. Elle forme les ambassadeurs du Pape. " Le cardinal Bertone est un religieux salésien devenu évêque italien que le cardinal allemand Joseph Ratzinger a eu pendant sept ans comme numéro deux quand il était préfet de la congrégation pour la Doctrine de la Foi (où il est resté vingt quatre ans). Tarcisio Bertone, comme d'autres, fut l'indispensable secrétaire dont la culture italienne fut une clé pour faire « tourner » le premier des ministères du Vatican dont le Pape, bavarois, avait la charge." fait remarquet J.M. Guénois.

Certains attribuent au secrétaire d'Etat tous les dysfonctionnements du pontificat de Benoît XVI. Ce qui est absurde. Depuis bientôt sept ans, le pontificat n'a pas été qu'une suite de faux pas ! Comme le succès ou l'échec d'un gouvernement ne dépend pas seulement du premier ministre, la lourde machine du Vatican ne dépend pas seulement du secrétaire d'Etat.

De même, considérer que seul un ancien nonce, disons énarque, est capable de faire tourner le Vatican, est également trop court, même si prudent et soucieux de l'avenir, Benoît XVI a nommé, avec le cardinal Bertone, le Numéro deux de la Sécrétairerie d' État, Mgr Giovanni Angelo Becciu qui, comme le cardinal Bertone est un homme d'expérience, discret et fin politique, doté d'une vision large des affaires de l'Eglise et de celles du monde, la France, l'Angola au lendemain de la guerre civile et Cuba.

Réduire, en tout cas, cette crise à une querelle entre les « énarques » de l'Eglise et les « élus » que seraient les évêques, issus du terrain, ne tient pas. Même si, il est vrai, les nonces ont une expérience interne de l'administration de l'Eglise qui les prépare mieux à ces hautes fonctions.

Ce qui se joue donc est encore ailleurs. La question cruciale n'est pas tant « qui » est visé mais « qu'est ce qui est visé » ?

Il faudrait plus de démocratie dans l'Eglise catholique, plus de transparence au Vatican et une réforme de fond de l'administration centrale de l'Eglise catholique... On l'attend de Benoît XVI. (source : J.M.G.)


Retour aux dépêches
retour à la page d'accueil