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du 17 au 19 avril 2013 (semaine 16)
 

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19 avril 2013 - France
C'EST UNE LAÏCITÉ DE LA DÉFIANCE


Pour Philippe Portier, directeur d'études à l'École pratique des Hautes Études (Paris-Sorbonne), où il occupe la chaire "Histoire et sociologie" des religions, le renforcement français de la laïcité par la loi procède d’une logique de peur.

Si le président français François Hollande définit la laïcité comme « un principe et de liberté et de cohésion », pour Philippe Portier, le débat sur la nouvelle laïcité s’appuie davantage sur le principe de défiance, en raison même des nouvelles composantes des identités religieuses qui sont révélatrices d’un basculement en Europe qui conduit à une stratégie défensive.

La décennie 2000, affectée par les attentats islamistes et, en France, par la visibilisation des identités religieuses, lui a redonné une vigueur inédite. Publié en 2003, le rapport Baroin sur la « nouvelle laïcité » constitue un moment charnière dans l’histoire de ce retour : face aux effervescences incontrôlées du religieux, il proclame la nécessité de donner à notre système de régulation de la croyance un tour puissamment restrictif.

Maladroitement et sans réfléchir à la nature même des problèmes fondamentaux, les gouvernements se sont employés tout d’abord à restaurer les anciennes normes, parfois oubliées, de la Troisième République. La loi du 15 mars 2004, qui interdit aux élèves d’exhiber des signes religieux « ostensibles » à l’école publique, renoue ainsi avec l’agnosticisme scolaire de Jules Ferry.

Les laïcards de 2013 en sont restés à leur passé. Élaborée en 2007, la Charte de la laïcité dans les services publics va dans le même sens : elle rappelle aux agents de la fonction publique l’obligation de ne pas afficher dans l’exercice de leur métier leurs allégeances confessionnelles.

On retrouve là une idée traditionnelle de la République : afin de ne pas contrevenir au principe d’égalité des citoyens, il convient que l’État se tienne à distance de toutes les communautés de croyances, jusque dans la tenue vestimentaire de ses agents.

Mais on ne s’en est pas tenu à ce simple rappel au règlement. Les autorités ont entrepris aussi de modifier le corpus juris issu de la loi de séparation de 1905. Celle-ci, selon le vœu libéral de Briand, adossait le vivre-ensemble sur le partage de la sphère publique et de la sphère privée. C’est dans la première seulement, identifiée à la sphère de l’État, que le principe de laïcité, dans sa dimension d’abstention du religieux, avait vocation à s’appliquer. En dehors du cercle de l’État, la liberté ne pouvait être limitée que par les exigences de l’ordre public, d’ailleurs restrictivement défini.

La loi du 10 octobre 2010 est venue poser une interdiction générale du port du voile intégral dans tous les lieux recevant du public, y compris dans les commerces privés et sur la voie publique.

On en reste "à la surface" car les vigilances laïques françaises procèdent du schéma émotionnel. Les populations qu'elles soient catholiques ou musulmans, éprouvent la hantise d’une dissolution de leur univers d’existence, qu’elles pallient par le soutien à des politiques de repli autour de leur culture d’origine.

La laïcité originelle reposait sur le postulat (libéral) de la confiance, ce qui expliquait le contrôle a posteriori seulement de l’action des citoyens. Alors que la philosophie du progrès se trouve révoquée en doute, la nouvelle laïcité s’appuie davantage sur le principe (néolibéral) de défiance : au lieu de laisser place, même si cela déplaît, à l’expression de la différence, elle ne sait comment résoudre l'unité sociale dans la diversité religieuse, une question ne peut éluder. (source : AP)


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