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du 5 au 8 octobre 2013 (semaine 40)
 

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8 octobre 2013 - France
LE CARDINAL ET LE MINISTRE

Le vendredi 4 octobre, l’archevêque de Paris et le ministre de l’Intérieur étaient invités au collège des Bernardins par "La Croix," à l'occasion des 130 ans du quotidien, pour débattre de la laïcité, et de la place des chrétiens dans ce débat.

Les échanges entre le cardinal maniant son humour incisif et le minstre de l'Intérieur, chargé des cultes, expert en dissertation n’ont pas donné lieu à un affrontement frontal. Au contraire même, refusant un débat politique partisan, les deux interlocuteurs ont abordé le sujet « laïcité,quelle place pour les chrétiens dans le débat public ? » avec le souci du dialogue constructif.

Ce qui ne gomme pas les différences d’approche. L’archevêque de Paris voit la laïcité d’abord comme un moyen d’assurer l’ordre public, puis comme le système institutionnel pour réguler en France les relations entre les religions et l’Etat. Le ministre de l’Intérieur, lui, préfère insister sur « la liberté de conscience, c’est à dire la liberté de croire ou de ne pas croire », qu’autorise, selon lui, la laïcité.

Mais l’un comme l’autre s’accordent à affirmer que l’application de la laïcité, telle que définie par la loi de 1905 en France, ne signifie pas la disparition des religions de l’espace public. Ce qui risque d'être souhaité dans les décisions prises par certains ministres.

Plus incisif, le cardinal Vingt-Trois a cependant voulu rappeler quelques convictions, qui pouvaient sonner comme autant de mises en garde. Ainsi, mentionnant l’ouvrage écrit par un autre ministre du même gouvernement, Vincent Peillon, sur Ferdinand Buisson (« Une religion pour la République : La foi laïque de Ferdinand Buisson »), il a noté qu’il existe un courant philosophique voulant ériger la laïcité en « une sorte de religion laïque ».

Avec cette perspective, a-t-il dit, l’Etat sort de la neutralité en prétendant soustraire l’individu de toute influence: il s’agit là d’une « conception idéalisée de la liberté », car « est-on jamais protégé de toute influence ? ».

Dans cette « volonté d’éradiquer les références judéo-chrétiennes pour une vision plus neutre de l’universel », notamment dans l’Education nationale, l’archevêque de Paris voit au fond deux risques: d’une part, celui d’attiser les particularismes en fanatisme. Et d’autre part, de rejeter les chrétiens vers une position de minorité culturelle condamnée au sectarisme.

A l'inverse, se voulant apaisant, le ministre de l’intérieur s’est refusé, quant à lui, à parler de crispations sur la laïcité. Manuel Valls en veut pour preuve ses nombreux déplacements dans les lieux de culte, ses rencontres régulières avec les responsables religieux, toutes religions confondues.

« Si l’Etat ne reconnaît aucun culte, pour autant, il les connaît très bien » s’est-il exclamé, sans convaincre les 350 participants à cette soirée.

« Il est sans fondement d’affirmer qu’il y aurait une négation du fait religieux aujourd’hui », a-t-il même ajouté. Il a pourtant ensuite admis que les religions n’avaient pas toujours été suffisamment écoutées lors de précédents débats, allusion sans doute au vote de la loi sur le mariage pour tous, et que certaines idées, comme de supprimer des fêtes religieuses, étaient le fait de « voix peu éclairées ».

Il a aussi reconnu que, dans les programmes scolaires, l’on n’était sans doute pas allé jusqu’au bout dans l’enseignement du fait religieux dans les écoles. Certes, « dans notre pays, certains groupes ont une sensibilité exacerbée sur les questions de laïcité mais c'est une minorité » a-t-il expliqué, comme pour s'excuser pour ensuite souligner toute l’importance du christianisme, y compris dans ses oppositions: «en se saisissant des questions de société, l'Eglise rend service à la société ».

Quoi qu’il en soit, comme l’a dit le cardinal Vingt-Trois avec un sourire conciliant ,ces difficultés etces frottements entre l’Etat et les religions sont normales : « il y a une différence structurelle et objective entre l'Eglise et la politique », car les objectifs ne sont pas les mêmes.

« Je n'ai pas la responsabilité de la gestion politique de la société mais celle d'affirmer mes convictions et réaliste, il ajouta : « ceux qui veulent que la religion soit coextensive à la politique se trompent ». Il est donc vain de « rêver à une sorte d’harmonie institutionnelle » entre les deux sphères, qui n’existera jamais.

Cette illusion existe encore chez quelques catholiques, a-t-il reconnu, ceux qui souhaitent une société politiquement chrétienne. Mais elle est surtout le fait de certains courants de l’islam, qui « n’ont pas une vision différenciée de la gestion du politique et du religieux ».

Sur l’islam justement, et sa capacité d’intégration dans la laïcité, objet de plusieurs questions de la salle, le ministre de l’Intérieur a reconnu que le problème n’était pas toujours simple. Mais justement « l'un des grands défis de la France et de l'Europe, c'est d'assimiler et d’intégrer l'islam ». Pour cela, il faut du temps, et de la patience, a-t-il plaidé:« On demande à l'islam d'accomplir en quelques années ce que d'autres religions ont mis beaucoup plus longtemps à réaliser ». (source : AP)

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