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du 9 au 12 novembre 2014 (semaine 46)
 

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12 novembre 2014 -
LA FOI ET LA LOI : L'ÉGLISE PARDONNE

" L'Eglise orthodoxe n'autorise pas le divorce, elle le pardonne", rappelle et précise le P Jean Gueit, l'un des théologiens de l'Eglise orthodoxe russe en France.

" Pendant dix siècles, il n'y eut qu'une seule Eglise chrétienne", rappelle-t-il. " Les divergences entre Occident et Orient étaient pourtant déjà profondes. Ces différences seraient à l'origine d'une tout autre conception du droit et du partage du pouvoir entre le "prince" et l'Eglise encore marquante aujourd'hui. De même qu'elles sont aussi sensibles à travers les pratiques pastorales.

" L'idée de droit que contient l'étymologie du mot orthodoxie est celle d'une conformité et non celle du droit dans l'acception juridique à laquelle on fait souvent allusion. L'orthodoxie, c'est la conformité du dogme à l'enseignement du Christ. Rien d'autre.

" Je dirais même que le dogme du christianisme orthodoxe, du moins à sa source, est loin de véhiculer une quelconque idée de droit. Et cela pour une bonne raison fondamentale : la notion de droit naturel, et même celle d'un droit divin qui lui serait supérieur, si importantes dans le christianisme romain, n'existent pas dans le monde orthodoxe. A contrario, cela ne veut pas dire que l'orthodoxie se tient loin de la loi de Dieu. Mais loi et droit sont pour nous de deux essences différentes. La loi est donnée par Dieu, le droit est construit par les humains.

..." La verticalité ou ses avatars qui, en Occident, ont fondé la légitimité du pouvoir en même temps que le droit, l'Orient oppose une autre histoire. Un binôme non plus vertical, mais horizontal où le ciel et la terre se tiennent côte à côte. Et cela, grâce à cet événement inouï qu'est l'Incarnation : Dieu s'est fait homme.

... " Dans l'Incarnation, les deux espaces se rejoignent ; les deux royaumes dont parle le Christ sont contigus et ont vocation à se confondre. Avant que cette confusion ne produise vraiment, la perspective ouverte par la venue du Christ est celle d'une rencontre et d'une coopération, ou tout du moins celle d'une réconciliation, entre Dieu et les hommes.

" Cette vision horizontale du rapport entre les deux pôles constitue ce qu'on a appelé la symphonie byzantine et que résume le mot de Saint Athanase d'Alexandrie, un contemporain de Saint Augustin : « Dieu s'est fait homme pour que l'homme devienne Dieu ». La formule est aussi lapidaire que grandiose ; elle est aussi programmatique et exprime parfaitement l'horizon de la foi orthodoxe.

" Devant la diversité des situations, l'Eglise orthodoxe assure la cohérence de ses décisions au gré des lieux et du temps, car elle dispose d'un texte et d'une jurisprudence de référence. :

" Les textes de référence, nous les avons. C'est, en premier lieu, le Nouveau testament, puis ce sont les canons des premiers conciles qui ont énoncé les interprétations théoriques et pratiques que réclamaient les évangiles. Quant à la jurisprudence, elle est largement du ressort de chaque prêtre agissant au nom et avec la bénédiction de son évêque.

" Dans le cadre des règles canoniques, notamment pastorales et disciplinaires, l'appréciation du comportement des fidèles prend largement en compte, ce point est capital, le facteur humain dans toutes ses dimensions, ce que l'Église orthodoxe appelle l' « économie ».

... Les prêtres orthodoxes sont explicitement appelés à faire preuve de discernement. Le prêtre catholique, lui, appartient à une hiérarchie et se doit d'appliquer le Code canonique. En Orthodoxie, le prêtre dispose d'une plus grande marge d'appréciation. Il se souvient que le Christ est venu pour les malades et non pour les bien-portants comme le rappelle l'Evangile. A l'instar de certaines Eglises orthodoxes locales on peut dire de lui qu'il est autonome, certes par délégation de l'évêque.

..." L'adultère, le divorce et l'avortement sont interdits, mais lorsque des questions concrètes se posent, elles sont traitées non pas avec un regard de juge mais pastoralement, c'est-à-dire économiquement dans le sens que j'ai défini et avec irénisme. Au demeurant, là comme ailleurs l'Eglise orthodoxe ne revendique pas une primauté d'autorité. Le patriarche de Constantinople Athénagoras a eu un mot qui résume bien l'idée qu'elle se fait, à cet égard, de son rôle : « L'Eglise n'a pas le droit d'entrer dans la chambre conjugale ».

" On entend souvent dire que l'Eglise orthodoxe permet le divorce... Non, cette interprétation qui relève d'une culture juridique occidentale, est fausse : l'Eglise orthodoxe pardonne le divorce.

... " Etant donné que le but de l'Eglise est la sanctification, le salut ; et que le salut suppose une vie dans des conditions les plus sereines possibles : affective, psychologique et spirituelle, si la vie conjugale devient un enfer, sans rémission possible, l'Église orthodoxe constate, avec tristesse certes, mais pardonne et accepte d'enregistrer la séparation.

Elle accepte même éventuellement jusqu'à deux remariages... Ce qui n'enlève rien à l'indissolubilité du premier sacrement de mariage. Cela peut paraître paradoxal ; un premier sacrement indissoluble et remariage ! Eh bien oui, nous sommes là au-delà de la raison... La miséricorde n'est pas comptable devant la raison." (source
: FR-expert)

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