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du 23 au 26 novembre 2014 (semaine 48)
 

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26 novembre 2014 - Europe-Strasbourg
LES DEUX DISCOURS DU PAPE ET LA DIGNITÉ HUMAINE

Les deux discours prononcés devant le Parlement européen puis au Conseil de l’Europe, ont permis au Pape d'adresser un vigoureux plaidoyer pour une meilleure reconnaissance de la dignité de la personne humaine dans le projet européen.

À travers ces deux longs discours prononcés l’un devant le Parlement européen, l’autre au Conseil de l’Europe, il s’est inquiété de l’état de « fatigue » d’un continent gagné par l’individualisme. Il a invité les Européens à renouer avec l’idéal d’unité de leurs fondateurs, en construisant une Europe axée non pas sur l’économie mais sur la « sacralité de la personne humaine ».

« Où est ta vigueur ? Où est ton idéalisme qui a inspiré et anobli ton histoire ? Où est ton esprit de curiosité et d’entreprise ? » Aussi brève qu’intense, cette visite, consacrée non pas à la France, mais à l'Europe au travers des seules institutions européennes et lourdement protocolaire, a permis au Pape d’étayer sa vision d’une « Europe grand-mère », « effrayée, repliée sur elle-même », qu’il a jugée de nouveau « fatiguée ».

Il l’a pressée de se ressaisir en retrouvant une considération chrétienne de la personne « dotée d’une dignité transcendante ». « L’heure est venue de construire ensemble l’Europe qui tourne non pas autour de l’économie, mais autour de la sacralité de la personne humaine », a dit le pape en conclusion de son discours lu en italien, sans improvisation, ce qui est rare pour lui.

L’hémicycle comble du Parlement européen a répondu 16 fois par des applaudissements, tantôt à gauche, tantôt à droite selon les sujets, qui dépassaient largement le cadre des compétences des députés européens et représentants au Conseil de l’Europe, voire dépassant la seule Europe. Applaudissant finalement debout.

Cette conception personnaliste ressort comme fil conducteur de deux allocutions indissociables, qui se recoupent dans leur analyse. Par leur style aussi, parfois professoral, ancré « dans la doctrine sociale de l’Église », comme l’a expliqué le Pape à la presse dans le vol retour de Strasbourg, confiant : « L’Europe me préoccupe. »

Par ces discours, les plus longs de son pontificat à ce jour, il a traité autant de l’Europe en tant que telle que plus largement de la condition de l’homme occidental contemporain. De cet homme, le Pape François a dépeint la solitude, le style de vie égoïste, la consommation insoutenable. Comme ses prédécesseurs, il s’est attardé sur l’avidité de nouveaux droits individuels sans égard pour leurs effets dans le reste de la société.

Devant des assemblées aux opinions hétérogènes, il a fait implicitement mais clairement allusion à des questions sensibles telles que le mariage homosexuel, l’avortement ou l’euthanasie.

« Lorsque la vie n’est pas utile au fonctionnement (...), elle est éliminée sans trop de scrupule », a-t-il dénoncé, réemployant son expression de « culture du déchet ».

Des propos sans détour, qui dépassaient largement le cadre des compétences des députés européens et représentants au Conseil de l’Europe, voire dépassant la seule Europe. Le pape a tancé de manière générale les sociétés où « chacun devient la mesure de soi-même et de son propre agir ».

Son image de l’état actuel du continent se résume dans celle, poétique, déployée devant le Conseil de l’Europe, d’un peuplier élevé vers le ciel et aux racines naguère profondes mais dont désormais « lentement le tronc se vide et meurt et les branches, autrefois vigoureuses et droites, se plient vers la terre et tombent ».

Redresser cet arbre résume toute l’entreprise du pape François impulsée à Strasbourg, qui précède d’autres visites en Europe, en particulier en France l’an prochain

. Pour ce relèvement, il a fait appel, outre à la conception de la personne humaine, à des considérations plus proprement européennes. Aux élus du Parlement, il a souligné la devise de l’Union (non inscrite au final dans les traités européens) d’« unité dans la diversité ». Alors que l’Europe est traversée par plusieurs revendications régionales d’autonomie, il a invité à « conjuguer l’idéal de l’unité » avec « la diversité propre de chacun, valorisant les traditions particulières, prenant conscience de son histoire et de ses racines » – mot revenu souvent dans les discours du Pape, sans jamais les qualifier de seulement chrétiennes.

« Les particularités de chacun constituent une richesse authentique dans la mesure où elles sont mises au service de tous », a-t-il mis en garde, poursuivant ensuite au Conseil de l’Europe cette idée à travers un symbole qui lui est cher et évoqué en d’autres circonstances sur la mondialisation, celui du polyèdre « où l’unité harmonique du tout conserve la particularité de chacune des parties ».

À l’image d’une Europe Est- Ouest « à deux poumons » popularisée par Jean-Paul II, le Pape François préfère celle d’une Europe s’assumant pleinement « multipolaire ». Une Europe assurée aussi de son « identité », mot employé à plusieurs reprises.

Autre référence pour aider cette Europe à « redécouvrir le meilleur d’elle-même », celle aux pères fondateurs de la construction européenne, dont la mémoire jalonne les deux discours. Sans les nommer, il a rappelé leur ambition initiale devant le Conseil de l’Europe, saluant leur façon de « reconstruire l’Europe dans un esprit de service mutuel » et leur « volonté de cheminer en mûrissant dans le temps ».

Si le ton est par ailleurs peu laudateur sur la construction communautaire, le pape a assuré du concours de l’Église dans l’œuvre de relèvement. Il a souhaité que s’instaure « une sorte de nouvelle agora dans laquelle chaque instance civile et religieuse puisse librement se confronter avec les autres ».

Dans ces termes généraux, parfois abstraits, il n’a pas mentionné d’actualité brûlante. La guerre en Ukraine n’a pas été citée. Le pape a en revanche repris son appel lancé à Lampedusa pour une politique migratoire accueillante envers les réfugiés traversant la Méditerranée à leur péril. Il a aussi interpellé ses auditoires sur la défense de l’environnement, dans l’attente de son encyclique à venir sur l’écologie humaine. Sébastien Maillard dans le quotidien "La Croix".(source
: La Croix)

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