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6 juin 2015 -Indonésie
L'INDONÉSIE EST-ELLE UNE "NATION MUSULMANE ?

L’Indonésie vient d’abroger l’obligation de la mention de la religion sur les cartes d’identité de ses près de 240 millions de citoyens. La mesure est loin d’être anodine et interroge le pays sur ce qui est constitutif de son identité.

Selon les chiffres officiels, 86 % des Indonésiens se reconnaissent musulmans. Une telle majorité fait-elle de l’Indonésie une « nation musulmane » ? Les pères fondateurs de l’Indonésie indépendante ont répondu par la négative, affirmant que les Indonésiens ne formaient pas un « darul Islam » (Cité de l’Islam), mais un « darussalam » (un pays pacifique), par souci notamment d’intégrer les minorités religieuses, chrétienne entre autres, dans la nation libérée du joug japonais et du colonisateur hollandais.

Le chercheur Anda Djoehana Wiradikarta rappelle les fondements de cette histoire et appelle le lecteur occidental à ne pas enfermer l’Indonésie dans une identité religieuse par trop réductrice. Cet article est paru en ligne le 5 juin 2015 sur le site Asialyst, média d’information de qualité qui vient de se lancer et qui a l’ambition de rassembler le meilleur de la production d’information en français sur l’Asie.

Pancasila est une expression formée de mots sanskrits. En pali, langue proche du sanskrit, Pancasila désigne les « cinq préceptes » du bouddhisme. Le 1er juin dernier, l’Indonésie a célébré la « Journée du Pancasila ». Cette date commémore le discours du 1er juin 1945 où Soekarno – qui allait devenir le premier président de l’Indonésie indépendante (de 1945 à 1967) – avait exposé, lors d’une réunion du comité préparatoire pour l’indépendance, les « cinq principes », ou Pancasila, sur lesquels, selon lui, le futur Etat indonésien (le pays était à l’époque sous occupation japonaise) devait être fondé.

Dans son discours du 1er juin 1945, Soekarno, s’adressant aux membres du comité formant le groupe des « musulmans » (c’est-à-dire ceux qui voulaient un Etat islamique), déclare : « Moi aussi je suis musulman. Mais je vous demande, Messieurs, de ne pas mal me comprendre si je dis que le premier fondement pour l’Indonésie est la nation. »

Sans le dire explicitement, Soekarno entendait par là que l’Etat indonésien ne saurait être fondé sur l’islam. Diverses personnalités indonésiennes n’ont d’ailleurs de cesse de rappeler que « l’Indonésie n’est pas un pays musulman ».

Qualifier l’Indonésie de « pays musulman », ce n’est donc pas seulement ignorer la vision des « pères fondateurs » de ce pays. C’est aussi faire peu de cas des millions d’Indonésiens enregistrés officiellement comme bouddhistes, catholiques, confucéens, hindous, protestants, qui ont droit à des jours fériés officiels, sans compter les taoïstes et les pratiquants des diverses religions traditionnelles.

C’est ignorer le syncrétisme dans lequel vivent de nombreux Indonésiens qui, tout en professant une des religions officielles, continuent d’adhérer à des croyances et pratiquer des rites ancestraux. C’est ne pas tenir compte des symboles à travers lesquels l’Indonésie se présente au monde, comme son emblème national l’oiseau Garuda, qui est la monture de Vishnou, ou la Croix-Rouge indonésienne alors que les pays musulmans ont un Croissant-Rouge. Associer systématiquement l’Indonésie à l’islam, c’est bien ignorer l’essentiel de ce qui la fait.

L'expérience indonésienne devrait permettre aux recherches actuellles de traduire l'évolution "démocratique" de l'islam dans sa place spéciale dans un monde occidentalisé, selon le théoricien littéraire palestino-américano-chrétien Edward Said dans son ouvrage L’Orientalisme (Londres, Penguin, 1997). (source : Mepasie )

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