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- 2 mars 2016
- Europe
DEUX POINTS DE VUE DIVERGENTS DANS L'ÉPISCOPAT

Le retrait de deux articles du site Web d’une revue à laquelle participe la Commission des épiscopats de la Communauté européenne a révélé les tensions entre eux. Ils ont été retirés, mais les divergences n’ont pas été aplanies

En l’espace d’une semaine, en effet "EuropeInfos", revue coéditée par la Commission des épiscopats de la Communauté européenne (Comece) et le Centre social européen jésuite (Jesc), a dû retirer deux articles de son site Web : « Que se passe-t-il en Pologne ? » du directeur des Éditions Znak, Henryk Wojniakowski, le 10 février  ;Puis « À propos de l’idéologie de la Nouvelle Droite en Hongrie », d’un professeur de théologie autrichien, une semaine plus tard.

Ces articles, mettant en cause la politique des gouvernements polonais et hongrois, ont été vertement contestés par les épiscopats des deux pays.

« Depuis un moment, nous sentions un certain malentendu, notamment dans l’est de l’Europe, autour de la culture européenne, explique-t-on du côté la Comece. D’où cette série d’articles pour essayer de comprendre ce qui s'y passe. »

Mais le débat aura tourné court : dénonçant une « ingérence dans les affaires intérieures de la Pologne », l’épiscopat polonais a menacé de se retirer de la Comece, tandis que le cardinal Peter Erdö, archevêque de Budapest, mais aussi président du Conseil des conférences épiscopales d’Europe, a évoqué un boycott d’une réunion commune avec la Comece sur la question des migrants.

Pour le jésuite Martin Maier, secrétaire pour les affaires européennes du Jesc et corédacteur en chef d’EuropeInfos, « Nous sommes ici au cœur de la crise de l’Europe, liée à la question des réfugiés et des migrants ». Et à l’identité européenne. « Ce qui est arrivé à la Comece a servi de prétexte à une crise qui couvait depuis longtemps, confirme un observateur.

D’abord parce qu’on n’a jamais voulu réfléchir à ce que cela veut dire "être européen". Avouons-le : la réconciliation des esprits entre Est et Ouest prend plus de temps que nous l’avions imaginé », reconnaît Jérôme Vignon, ancien haut fonctionnaire européen, qui se rend compte aujourd’hui combien les « visions très différentes à l’Ouest et à l’Est n’ont pas du tout été abolies par les échanges commerciaux ou entre élites ».«

On a cru bien faire en procédant à l’élargissement. On l’a préparé tambours battants entre 2000 et 2004, puis chacun est retourné à ses affaires, se souvient-il. On n’a pas eu cette rencontre véritable des peuples, ni d’ailleurs entre Églises. »

La place de la religion dans chaque État de l’Union européenne ajoute aux incompréhensions. « Les évêques dénoncent une Europe libérale, qui serait une menace, relève Henryk Wojniakowski. Il y a aussi des craintes concernant l’identité culturelle de la Pologne. »

« La Pologne est un pays où le catholicisme fait partie de l’identité »,met-on en garde au CCEE où on rappelle que, à l’Est, la question se pose moins en termes de relations Églises-État que du rapport de la foi à la culture, dont la première irrigue profondément la seconde : « Il faut comprendre les contextes locaux.

" La crise migratoire intervient quand ces pays de l’Est sont en train de comprendre ce qu’est leur identité par rapport aux autres mais aussi au moment où les évêques craignent de perdre le contrôle sur les évolutions de la société. » D’où une certaine compréhension vis-à-vis des partis qui s’affichent en défenseurs de l’identité chrétienne, PiS en Pologne, Fidesz en Hongrie.

Ces deux visions sur l’Europe se traduisent à travers ces deux structures épiscopales, le CCEE et la Comece, qui, même si elles ne se recoupent pas, se retrouvent parfois en concurrence. « Entre le CCEE et la Comece, ça a toujours été chien et chat, reconnaît Jérôme Vignon. Avec des postures pastorales plus identitaires du côté du CCEE, plutôt conciliaire, d’une Église qui est dans la pâte de la société, pour la Comece. »

La composition des deux joue aussi : délégués des conférences épiscopales pour la Comece – « beaucoup d’évêques auxiliaires, avec un désintérêt gentil à l’Ouest, plus d’hostilité à l’Est », commente un connaisseur –, présidents des conférences pour le CCEE. « Se pose aussi la question du statut de la parole des deux organismes », relève un observateur qui souligne que le CCEE prend, par exemple, garde de ne jamais parler au nom des évêques européens.

À l’inverse, en prenant la présidence de la Comece, en 2012, le cardinal Reinhard Marx, archevêque de Munich, avait voulu en faire un véritable lieu d’expression de l’épiscopat européen, à l’instar du Conseil épiscopal latino-américain (Celam).

Il s’est senti renforcé dans cette volonté après avoir été « l’Européen » choisi par le pape François au sein du « C9 ». « Mais les évêques d’Europe ne veulent pas forcément de l’approche allemande de l’Europe », confie-t-on au CCEE.
Volontairement, le cardinal Marx est resté très discret depuis quinze jours. La prochaine assemblée plénière de la Comece sera sans doute l’occasion de clarifier les positions. (source
: .CCEE et COMECE)

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