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8, 9 et 10 avril 2005 (semaine 14)
 

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2005-04-10 -
LE SOIXANTIÈME ANNIVERSAIRE DE DIETRICH BONHOEFFER.


Il y a soixante ans, une grande figure de l'Église contemporaine, le pasteur Dietrich Bonhoeffer était condamné à mort et
pendu le 9 avril 1945 sur l'ordre personnel de Hitler. 

N
é à Breslau en 1906, fils de la haute bourgeoisie allemande, docteur en théologie à 23 ans après de brillantes études, tout semble destiner Dietrich Bonhoeffer à une haute position dans la société. Il voyage en Europe et aux Etats-Unis et est ordonné pasteur en 1931.

Le 30 janvier 1933, Hitler arrive au pouvoir. Dès le 1er février, Bonhoeffer dénonce, dans une allocution à la radio, la prétention de souveraineté totale du Führer. Son émission est immédiatement interrompue. Il publie ensuite un article contre l'antisémitisme et participe à l'organisation de l'Eglise confessante, avec Karl Barth et Niemöller. Chez ce "théologien de la réalité" (selon André Dumas), la vie, l'oeuvre, la foi, sont indissolublement liées.

En 1935, il est responsable du séminaire de Finkenwalde dont les activités sont rapidement interdites, et se poursuivent dans la clandestinité. "Nachfolge" (Le prix de la Grâce) - 1937 - "Gemeinsames Leben" (De la vie communautaire) - 1939 - Ethique - paru en 1949 - Résistance et soumission, lettres de prison publiées en 1951 : l'oeuvre de Bonhoeffer a marqué son époque. Comment être croyant dans un monde qui semble ne pas avoir besoin de Dieu, quelle peut être l'action de l'Eglise dans le monde ?

Dietrich Bonhoeffer chercha sa route en un cheminement douloureux qui le mena, de la lutte pour la liberté de l'Eglise, à l'engagement politique. En 1939, à la sécurité douillette de l'asile américain, il préféra retourner en Allemagne. " Je dois traverser cette période difficile de notre histoire nationale avec les chrétiens d'Allemagne " expliqua-t-il. Privé de sa chair à l'Université, puis interdit de parole à l'Eglise, à cause de ses prises de position contre le nazisme, arrêté en 1943, traîné de prison en camp de concentration, Bonhoeffer fut condamné à la pendaison pour conspiration contre le régime.

La sentence fut exécutée le 9 avril 1945. Il avait à peine 39 ans. Le matin de son exécution, il fit un culte, à la demande de se camarades. Ensuite, on vint le chercher pour l'emmener au gibet ; il eut juste le temps d'écrire au crayon son nom et son adresse dans son Plutarque, à la première et à la dernière page, et sur une page du milieu. C'était le dernier ouvrage qu'il avait demandé et reçu.

Du chrétien, Bonhoeffer réclame une vie de discipline, dans l'obéissance au Christ. Dans "Le Prix de la Grâce", il tonne contre l'apathie de ses contemporains, leur abandon à tout effort, leur refus de la contrainte, leur paresse à se réformer : " La grâce à bon marché, c'est la grâce considérée comme une marchandise à liquider, le pardon au rabais, le consolation au rabais, le sacrement au rabais ; la grâce servant de magasin intarissable à l'Eglise où des mains inconsidérées puisent pour distribuer sans hésitation ni limite ; la grâce non tarifée, la grâce qui ne coûte rien […]. La grâce à bon marché, c'est la grâce que n'accompagne pas l'obéissance, la grâce sans la croix, la grâce abstraction faite de Jésus-Christ vivant et incarné ". La grâce coûte cher, dit-il encore, " parce qu'elle contraint l'homme à se soumettre au joug de l'obéissance à Jésus-Christ ".

De même qu'il refusa cette " ennemie mortelle de notre Eglise " qu'est la grâce à bon marché, il rejeta l'image d'un Dieu " d'émotions sentimentales ", qu'il opposait à celle d'un Dieu de vérité. Dénonçant la fraternité chrétienne prise comme communauté rêvée pieuse, il écrit dans De la vie communautaire : " Dieu hait la rêverie pieuse, car elle fait de nous des êtres durs et prétentieux. Elle nous fait exiger l'impossible de Dieu, des autres et de nous-même. Au nom de notre rêve, nous posons à l'Eglise des conditions et nous nous érigeons en juges sur nos frères et sur Dieu lui-même ". De ce fait, quand les choses ne vont pas, quand le rêve se brise, nous accusons nos frères, puis Dieu, et puis, " en désespoir de cause, c'est contre nous-mêmes que se tourne notre amertume ".

Pour lui, cette autonomie du chrétien ne doit pas être comprise comme une liberté orgueilleuse de l'homme, mais comme la liberté humble qui est celle du disciple du Christ. Le fondement de la pensée du théologien allemand est christologique ; ce qu'il veut souligner, c'est le rapport indissoluble de Dieu et du réel et il démontre que c'est en Jésus-Christ que s'offre à l'homme la possibilité d'avoir part à la réalité de Dieu et du monde. Bonhoeffer proclame cette " majorité " de l'homme au nom du Christ crucifié et ressuscité : le crucifié est celui qui libère, dirige et renouvelle la " vraie mondanité ", c'est-à-dire ce qui est authentiquement d'ici-bas.

Du fond de sa prison, il allait développer dialectiquement sa théologie du monde adulte - d'où l'ambivalence de sa pensée. L'unité paradoxale de la théologie de la croix et celle de l'âge adulte y est en tout cas nettement exprimée : " l'age adulte, dit-il, n'est plus maintenant un motif de polémique et d'apologétique, mais on le comprend effectivement beaucoup mieux qu'il ne se comprend lui-même à partir de l'Evangile et du Christ ".

Et dans son célèbre texte du 16 juillet 1944, il explique : " En devenant majeurs, nous sommes amenés à reconnaître réellement notre situation devant Dieu. Dieu nous fait savoir qu'il nous faut vivre en tant qu'hommes qui parviennent à vivre sans Dieu. Le Dieu qui est avec nous est celui qui nous abandonne (Marc 15, 34) ! " Et encore : " On peut dire que l'évolution du monde vers l'âge adulte, faisant table rase d'une fausse image de Dieu, libère le regard de l'homme pour le diriger vers le Dieu de la Bible qui acquiert sa puissance et sa place dans le monde par son impuissance. " On l'aura compris, l'image d'un Dieu faible, et non tout puissant, est celle qu'il emporta avec lui au gibet.

Pour lui, comme d'ailleurs pour Kierkegaard, une christologie doit commencer dans le silence, le silence de l'Eglise devant la Parole. " Parler du Christ signifie se taire , dit-il ; se taire à propos du Christ signifie parler. Des paroles justes dites par l'Eglise à partir d'un silence juste - voilà la proclamation du Christ " (Cours donné à l'université de Berlin pendant le semestre d'été 1933).
(source et information : FPF - ENI)

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