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FlashPress - Infocatho
du 19 au 22 février 2008 (semaine 08)
 

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2008-02-22 - Irak
LA SIGNIFICATION D'UNE GRANDE PREMIÈRE

En solidarité avec leurs frères d’Orient, tous les titres d’actualités de la presse chrétienne française (FFPC) ont publié, pour la première fois, le même reportage sur le séjour la délégation conduite par Mgr Marc Stenger, président de Pax Christi France.

Laurent Larcher, envoyé spécial de la FPCC, qui accompagnait la délégation en Irak du 11 au 19 février, l'a rédigé sous le titre :"Nous ne céderons pas à ceux qui nous terrorisent." Le voici donc, in-extenso.

" Les chrétiens du village de Batnaia, plaine de Ninive, sont venus dans leur église écouter Mgr Stenger. Ce village de 300 familles est en majorité chaldéen, il compte aussi une minorité nestorienne et 60 familles de refugiés.

" Les tensions communautaires à Kirkouk s’intensifient de jour en jour. Dans cette ville pétrolière du nord de l’Irak, où Kurdes, Arabes sunnites et chiites, Turkmènes se divisent sous la pression des extrémistes, les 12 000 chrétiens semblent perdus et oubliés. L’entrée de la cathédrale chaldéenne est protégée par d’immenses blocs de béton afin d’empêcher tout attentat à la voiture piégée. Dans le ciel, passent deux hélicoptères américains.

" Votre visite courageuse nous réconforte et nous aide à nous relever. Nous voulons rester en Irak, votre geste renforce notre détermination. » En disant ces mots, Mgr Louis Sako se tourne vers le président de Pax Christi France, Mgr Marc Stenger, venu en Irak à la tête d’une délégation catholique française. Une grande foule a envahi la cathédrale.

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Je ne suis pas venu vous dire ce que vous devez faire mais pour me mettre à votre service, répond l’évêque de Troyes. Nous souhaitons simplement, en vous écoutant, vous aider à trouver les solutions pour que chacun puisse trouver la paix, le bonheur pour lui, sa famille et l’Irak. » À l’extérieur de la cathédrale, la voie des muezzins s’élève à son tour. La nuit vient de tomber.

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La plaine de Ninive est traversée par des tensions intercommunautaires graves. "Faites pression sur les États-Unis pour que ce pays ne se vide plus de ses chrétiens. Nous nous en allons tous. Les menaces, les vols, les attentats, les kidnappings se multiplient. » La voix d’Adil Mika, membre du comité de défense du village de Tell Escopa s’élève dans la salle calfeutrée du presbytère.

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À l’extérieur, une dizaine de jeunes, kalachnikov à la main, monte la garde. Les villages chrétiens de la région sont protégés par cette milice, financée et armée par le ministre kurde des finances, Sarkis Aghajan, de confession chrétienne.

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Le maire, un vieil homme au profil de Bédouin, chèche bleu ciel sur la tête, prend à son tour la parole « Nos ancêtres habitaient cette terre avant l’islam. Aujourd’hui, nos filles et nos femmes sont obligées de se voiler dans les villes où les musulmans sont majoritaires. À Mossoul, nous vivons sous le régime de la charia. Pourquoi ? Notre religion est confondue avec celle des troupes américaines : pour les extrémistes, nous sommes des cafards dont il faut débarrasser l’Irak. » « Il faut que la plaine de Ninive soit réservée aux chrétiens », s’élève Sandirska. « Non, non », entend-on aussitôt. « Arrête de dire cela », lance un autre.

"J’aimerais attirer votre attention sur nos frères bloqués à l’étranger : en Syrie, en Jordanie, mais aussi dans la plaine de Ninive, dans la région de Karakosh, de Kirkouk. Ils n’obtiennent pas de visas. Que pouvez-vous faire ? », demande un quatrième. « Nous ne pouvons pas tout, répond Mgr Stenger. Mais je m’engage devant vous à alerter notre gouvernement et mes compatriotes sur votre situation, vos demandes, vos épreuves, vos souffrances. Les chrétiens de France vont vivre la semaine sainte en communion avec vous. Ils pensent à vous, ils prient pour vous. Ils sont vos frères, vous êtes les leurs. »

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L’assemblée l’applaudit chaleureusement lorsque soudain, la nouvelle tombe : Pahadi vient d’être libéré. Enlevé la semaine dernière, ses ravisseurs réclamaient 60 000 dollars (40 000 €). Tout le monde se précipite chez lui. Dans la cour de la ferme, parents, enfants, amis, voisins. Pour rassembler la rançon, sa famille s’est endettée pour vingt ans. « “Que ton pape paye !”, disaient mes ravisseurs. Si la France me donne un visa, je quitte la terre de mes ancêtres ! »

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Au même moment, l’armée américaine lance une vaste opération à Mossoul, pour chasser les groupes affiliés à Al-Qaida. Impossible donc d’entrer dans la ville. Les deux derniers accès sont sous la surveillance des mafias islamistes. Même le P. Nageeb, dominicain de Mossoul (cinq lettres et huit SMS de menaces de mort), évite de s’y rendre. « Tous les habitants sont victimes d’attentats et d’enlèvements. Cependant, comme les groupes terroristes sont islamistes, les chrétiens sont la cible de tous. Plus de 50 % ont déjà quitté la ville. »

" À quelques kilomètres de là, les habitants de Kemreles s’apprêtent pourtant à recevoir dans la joie la délégation conduite par Mgr Stenger. Chants, prières, youyous, discours de bienvenue se succèdent. Mgr Shlemon Warduni, auxiliaire du patriarche chaldéen à Bagdad, est venu saluer la délégation : « C’est la première fois depuis le début de la guerre qu’une délégation chrétienne officielle ose nous rendre visite. Merci. »

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À Karakoch, grande ville chrétienne de la région, tout le clergé assyro-chaldéen mais aussi syriaque est uni pour recevoir la délégation. L’archevêque syrien-catholique de Mossoul, Mgr Georges Casmoussa, a franchi les barrages pour l’occasion. « Nous avons confiance en Dieu, affirme-t-il, nous nous efforçons de faire entendre sur cette terre la parole du Christ, depuis le Ier siècle. Attaqués à Mossoul, nous nous replions à Karakosh : nous construisons un séminaire, une église, une faculté… Nous ne céderons pas à ceux qui nous terrorisent et qui nous chassent. »

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Le président – musulman – du Kurdistan, Massoud Barzani, l’a affirmé devant la délégation : « Les chrétiens sont les bienvenus chez nous. » La cohabitation entre chrétiens et Kurdes musulmans ne pose, semble-t-il, aucun problème majeur. De sorte que le Kurdistan apparaît comme le refuge naturel pour ces réfugiés. Mais s’ils ont trouvé un asile, ils n’y ont pas trouvé de travail. C’est pourquoi, là aussi, presque tous caressent le même espoir : quitter le pays.

" Le clergé s’y oppose. Il a choisi de se battre pour garder vivante la tradition des chrétiens orientaux. Mais lorsqu’à Bagdad, Mossoul ou même dans les zones plus pacifiques du Kurdistan, un père de famille leur demande : « Pouvez-vous garantir un futur à nos enfants ? », la plupart des prêtres préfèrent se taire au lieu de répondre trop rapidement à une question pour l’heure insoluble". Laurent Larcher. (information : FFPC)

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