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du 15 au 17 avril 2008 (semaine 16)
 

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2008-04-17 - Pérou
MALAISE DANS L'ÉGLISE DU "SUD-ANDIN"

Des évêques péruviens, membres de l'Opus Dei, de Sodalitium Christianae Vitae et du Chemin néo-catéchuménal mettent garde les œuvres d'entraide catholiques internationales à l'égard de missionnaires suisses impliqués dans l'Eglise du Sud-andin.

Il s'agit de huit prêtres suisses "Fidei donum" et 15 missionnaires laïques des organisations E-Changer, Interteam et Mission de Bethléem Immensee qui oeuvrent depuis les années 1970 à Puno et dans la prélature d'Ayaviri, région fortement touchée dans les années 80 et 90 par le terrorisme de Sentier lumineux et par la répression d’Etat.

Aujourd'hui, ces évêques remettent en cause les orientations d’une pastorale qui a cherché jusqu’à présent à dialoguer avec les cultures locales (quechua et aymara) car ils estiment que la pastorale sociale de ces secteurs de l'Eglise est trop axée sur l'aspect "sociopolitique" et sur le respect des cultures andines aymara et quechua.

"Ils veulent revenir à une pastorale plus traditionnelle, axée davantage sur la liturgie et les sacrements, et moins sur la justice sociale et la prise en compte des cultures indiennes… Ils comprennent autre chose que nous sous la notion d'option préférentielle pour les pauvres", note l'agence d'information sur l'Amérique latine Dial, la revue française en ligne qui diffuse de l'information sur l'Amérique latine.

Les évêques antérieurs étaient diocésains, carmes, dominicains, salésiens, Maryknoll et autres. Ils avaient tous soutenu une perspective d’évangélisation en dialogue avec les cultures locales (quechua et aymara), une politique de défense des droits humains et un effort de développement dans la lignée de la doctrine sociale de l’Eglise, prenant très au sérieux l’option préférentielle pour les pauvres.

Une toute autre vision théologique à l'oeuvre
"depuis quelques années, car ils ont été remplacés par des évêques d’une toute autre vision théologique et appartenant à des mouvements ecclésiaux comme Opus Dei, Sodalitium Christianae Vitae, et Chemin néo-catéchuménal", note le théologien laïc Bruno Van der Maat. "Le seul évêque de la région qui n’appartient pas à un mouvement ou à une congrégation ne participe plus aux Assemblées de la Conférence épiscopale depuis plusieurs années. Il est clair que, dans un tel contexte, il est difficile de parler de communion ecclésiale".

Le groupe le plus nombreux parmi les évêques du Sud du Pérou est sans aucun doute l’Opus Dei, relève-t-il. Il gère actuellement la plupart des diocèses depuis Lima jusqu’à la frontière chilienne, soit au total 11 évêques actifs sur 50. Ajoutons à cela que 31 d'entre eux sont nés à l’étranger et 3 seulement sont diocésains dans eux qui forment la Conférence épiscopale du Pérou.

"Selon les dires des nouveaux évêques (et des moyens d’information et de diffusion dont ils disposent, comme par exemple l’Agence catholique d’information aux mains du Sodalitium), ils viennent pour 'enfin' instaurer l’Eglise et sauver les âmes perdues. Ils constituent le début de la présence ecclésiale, car avant eux rien (de bien) n’a été fait!". Bruno Van der Maat déplore que le clergé local passe en second lieu, après les membres du mouvement et que le population locale soit considérée majoritairement comme inculte et non évangélisée, "au point qu’on lui refuse la communion".

La culture locale est dédaignée comme païenne et infestée de superstitions. "Il n’y pas pratiquement pas d’espaces de dialogue, car les nouveaux venus sont propriétaires de 'la' vérité. La communion ecclésiale est entendue comme l’obéissance stricte à l’évêque. Il n’y a pas d’intérêt pour la promotion de projets en commun, par exemple avec les diocèses voisins".

Depuis l’arrivée de ces nouveaux évêques dans le Sud andin péruvien, l’Institut de pastorale andine, qui avait été formé originellement par tous les évêques de la région pour étudier les cultures locales et adapter l’action de l’Église à ces cultures, ainsi que pour coordonner des actions pastorales au-delà des frontières de chaque prélature, a pratiquement été démantelé.

La parution des revues "Pastoral andina" et "Allpanchis", qui avaient acquis un grand prestige national et international de par la qualité de leurs études pastorales, anthropologiques et sociologiques, a été suspendue. "Elles seront remplacées par des revues de contenu strictement 'catéchétique et liturgique'". Le séminaire interdiocésain qui formait les candidats à la prêtrise des prélatures de Sicuani, Ayaviri et Juli, a subi le même sort. La pastorale inculturée et avec une orientation sociale a été remplacée par une pastorale centrée sur les sacrements et la liturgie.

Dans leur lettre envoyée aux principales œuvres d'entraide catholiques internationales, les évêques de Cuzco, Arequipa, Tacna, Puno, Abancay, Chuquibamba, Juli, Sicuani et Ayaviri s'en prennent à "Isaias", affirment qu'ils ont clarifié la situation et que l’association en question "est née de l’initiative de quelques prêtres, religieux, religieuses et laïcs venant de plusieurs autorités ecclésiastiques du sud et du centre du Pérou.

Ils affirment que "Isaias" se meut "en marge de l’Eglise locale, en cherchant en outre à perpétuer une ligne de formation théologique et pastorale qui porte en soi une perspective de désaccord avec le magistère de l’Eglise".

Interrogé mercredi par l'Apic, CAFOD n'a pas voulu commenter le contenu de cette lettre - publiée par divers groupes sur internet - la considérant comme une missive "privée". Un responsable du dossier auprès de l'ONG catholique a relevé que CAFOD était une agence dépendant des évêques catholiques d'Angleterre et du Pays de Galles, et que par conséquent il ne pouvait en dire plus. Même son de cloche à l'Action de Carême à Lucerne, qui a reçu une lettre semblable. Le président de son Conseil de fondation, Mgr Ivo Fürer, est en train d'étudier la question et l'Action de Carême ne fera pas d'autres commentaires pour le moment.
(source : Apic et DIAL)

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