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FlashPress - Infocatho
du 3 au 6 mai 2008 (semaine 19)
 

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2008-05-06 - Ile Maurice
LA RECONNAISSANCE DE LA CULTURE CRÉOLE


Le 1er mai, le P. Jocelyn Grégoire, président des Créoles Mauriciens (FCM) a affirmé une fois de plus : "Je suis prêtre, je mourrai prêtre." au terme de la manifestation qui
a réuni les partisans de la FCM, soit environ 12.000 personnes à Rose-Hill.

" Je n'ai aucune intention de rendre ma robe pour entrer en politique active. Mo enn mon per, mo pu mor mon per. Le P.Grégoire a profité de ce rassemblement pour faire taire tous ceux qui lui prêtent des intentions de faire de la politique active. Mais également dissiper une certaine «confusion» qui, dit-il, règne dans la tête des gens, toutes classes sociales et toutes communautés confondues, quant au fait qu'il soit prêtre mais aussi président de la Fédération des Créoles mauriciens (FCM).

Loin d'assombrir ce qui se voulait une fête, cette déclaration du père Grégoire a réjoui les quelque 12 000 personnes qui étaient venues écouter celui qu'elles considèrent comme un «sauveur». Il a demandé la collaboration de toutes les communautés pour trouver la solution pour aider les créoles, qui représentent 27 % de la population, de plus en plus "débordés" par les 68% d'Indo-Mauriciens, majoritairement hindous. La communauté créole ne peut plus être un roseau qui bouge au gré des «vents politiques». «Nous sommes un baobab bien enraciné.»

S'il n'a pas l'intention de délaisser sa soutane pour faire de la politique, le P. Grégoire a tenu à préciser que sa vocation de prêtre lui demande «de ne pas faire de différence entre la foi et la vie des gens». C'est pourquoi il a l'«audace» de ne pas «proclamer l'Evangile de Jésus uniquement par la bouche» mais de «vivre l'Evangile». Une situation qui lui permet de connaître les misères, les demandes et les besoins de la population. L'île Maurice connaît Hindu 48% d'hindous, 23,6 de catholiques et 16,6% de musulmans.

C'est pourquoi, il s'engage à faire changer les choses. Car «kreol ena bocou retar pu konble». Tellement que «mo leker fer mal, mo latet fatige». Un «retard» accumulé depuis 1967. «Depuis que les Créoles avaient voté pour l'intégration à l'Angleterre.» Contre l'indépendance. «Inn met nu de kote. Servi nu kom enn depo fix

Que ce soit dans le domaine politique, le système économique, le domaine académique ou le système juridique, «ena enn problem dan nu sosiete. Bann kreol pe tro soufer», dit-il. En tant que prêtre, il trahirait son sacerdoce s'il ne faisait que «se poser la question du pourquoi de la souffrance des Créoles», s'il ne dénonçait pas ce «système politique qui a marginalisé les Créoles». «Il faut trouver une solution pour les aider.»

C'est la raison pour laquelle il a accepté de devenir le premier président de la FCM. "Pour aider à trouver des solutions". Sa vocation de prêtre, il l'exerce ainsi auprès des plus pauvres de la société, car à Maurice, qui dit plus pauvres de la société, dit plus particulièrement la communauté créole.

Mais loin de prôner un discours de division, il a demandé la collaboration de toutes les communautés pour trouver des solutions parce que «nous avons tous un beau-frère ou une cousine qui s'est marié avec quelqu'un d'une autre communauté».

Le P. Jocelyn Grégoire a confirmé que la FCM a la «bénédiction de l'Eglise» dans ce qu'elle entreprend. L’Eglise catholique de Maurice reconnaît le bien-fondé les revendications du mouvement que représente le P. Grégoire, même s'il existe une aile conservatrice au sein de l’Eglise qui voudrait résister à cela, refusant la liturgie en créole, et voulant, par exemple, maintenir le français comme langue de liturgie, ou même introduire le latin.

Récemment le P. Jean-Maurice Labour, vicaire général de Mgr Maurice Piat, avait fait une analyse dans laquelle il avait dit que le catholicisme à Maurice relève d’une pratique « Made in France » alors qu’il y a nécessité de développer une pratique religieuse qui soit mauricienne et qui puise son énergie à partir du terroir mauricien. " Cela relève d’une question de survie, et ils ne peuvent plus se permettre de se retrancher derrière une idée qui est en train de s’effriter – le berger ne peut pas ignorer le troupeau. Si l’Eglise n’arrive plus à communiquer et à avoir une affinité avec le troupeau, il va perdre le troupeau en fin de compte." commente le P. Labour.

Jusqu'à maintenant, le P. Grégoire, religieux des Pères du Saint-Esprit, docteur en psychologie, vicaire à la paroisse de Sainte-Croix, veut que la FCM soit une force porteuse d’espérance. C'est d'ailleurs pourquoi il refuse d'entrer en politique. Mais pourra-t-il longtemps rester
loin de la politique active d'autant que sa Fédération regroupe en son sein des politiciens de tous bords.

" Nous venons de vivre un événement historique en Amérique latine, au Paraguay plus précisément, où un évêque, qui prônait la théologie de libération, avait senti qu’il devait prendre des distances avec l’Église conservatrice, et il est entré de plain-pied dans la politique. Il se retrouve aujourd’hui comme le président de Paraguay. Peut-être que Grégoire se verra obligé de prendre certaines décisions, et je peux comprendre qu’il y a certains qui ont peur qu’il le fasse. Car, si jamais il prend cette décision, il va chambarder les données politiques complètement", disait un de ses adjoints au lendemain de la manifestation du 1er mai.

Le P. Grégoire est soutenu par le vicaire général Jean-Maurice Labour qui, lui-même au nom de l'Église catholique et après la visite de leur évêque, a créé un comité de soutien aux habitants créoles d’Agaléga, une petite île qui est sans présence permanente de prêtres, organisée seulement pendant les deux grands temps liturgiques : Carême-Pâques - Avent-Noël. Seules deux religieuses l'assurent durant l'année. (source : Allafrica)

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