Pour vivre au rythme de l'Eglise universelle.
FlashPress - Infocatho
du 12 au 15 octobre 2008 (semaine 42)
 

-
2008-10-15 -
A TRAVERS LA MULTIPLICITÉ DES CROYANCES


Le 9 octobre s'est conclu à Tunis un colloque international sur le thème : "La convivialité entre les religions et les défis culturels internationaux contemporains" à l'initiative de l'Institut supérieur de théologie de Tunis et de la Fondation Konrad Adenauer.

Cette rencontre regroupait plus d'une vingtaine d'intellectuels, aussi bien tunisiens qu'étrangers, universitaires que représentants de différentes traditions religieuses. Le professeur Iqbal Gharb et le professeur Eric Geoffroy de l'université de Strasbourg ont ainsi ouvert une recherche qui n'est pas sans intérêt à la veille de la conférence islamo-chrétienne qui se tiendra à Rome en novembre, en suite de la lettre des 138 intellectuels musulmans aux Églises chrétiennes.

Le thème de la convivialité entre les religions a été abordé sous les deux angles suivants : d'abord les «Réalités et les finalités» et, ensuite, «Les approches et les faits historiques».

Franck Fregosi, politologue et sociologue de l'université de Strasbourg, donne ainsi l'exemple et les conséquences de la situation des musulmans en Europe. Le nombre de musulmans dans l'espace européen se situe entre 9 et 11 millions et la présence d'une telle communauté pose le problème de la régulation de la diversité religieuse, "un phénomène auquel nous ne sommes pas toujours suffisamment attentifs, mais qui est d'un enjeu déterminant : le débat intra-islamique dans un contexte extra-islamique".

Le débat intra-islamique s'impose d'autant plus que le musulman se décline désormais selon différentes figures. Il y a le musulman de la dévotion piétiste, le salafiste, qui exclut les autres, le néo-orthodoxe pragmatique, le mystique, le musulman engagé sur le terrain social. Il y a enfin le musulman libéral, qui s'autorise lui-même de s'interroger sur le sens de sa religion.

Eric Geoffroy, islamologue à la même université de Strasbourg, évoqua El-Hallaj ou Ibn Arabi, un des maître de la spiritualité islamique. Pour ces penseurs, l'Islam n'est que le rappel de la religion primordiale, celle d'Abraham. Une religion à laquelle se rattache la notion de «hanîf», et qui existe même en dehors de l'histoire des religions révélées. Il y a, à partir de là, une forme de diversité religieuse au sein même du soufisme. En ce sens que, selon la conception soufie, les saints héritent des prophètes, à travers l'expérience totalisante du prophète de l'Islam.

Il y a ainsi des saints «christiques», d'autres «mosaïques». En outre, le soufisme est l'expérience d'une ouverture aux autres croyances religieuses : "Pour Ibn Arabi, Dieu accepte tous les credos, sauf ceux qui reposent sur le "chirk", le fait d'associer d'autres divinités à Dieu."

La frontière entre l'acceptable et l'inacceptable au plan religieux se trouve bouleversée: elle n'est plus celle qui sépare des credo différents, elle est celle qui distingue des attitudes religieuses différentes à l'intérieur des credo.

Pour Ibn Arabi, se découvrir soi-même c'est découvrir Dieu en soi et découvrir Dieu c'est se découvrir soi-même. La réalisation de cette réunion au Divin par la connaissance de l'Amour est donc pour lui le but de toute vie spirituelle. Étant le fruit de l'Amour Divin, l'homme est intégralement concerné par cet Amour qui est à la fois son origine et sa destination. L'homme est donc fait pour aimer et être aimé.

Les recherches actuelles qui marquent les nouveaux penseurs de l'Islam comme Rachid Benzin ou Nasr Hamid Abû Zayd, le père d'une nouvelle herméneutique du Coran, et le retour actuel du soufisme, tout cela ne sera pas sans marquer le dialogue islamo-chrétien de novembre.

On retrouve, dans la "lettre des 138", le thème de l'amour, proche de la pensée chrétienne, et qui sera sans aucun doute, l'un des éléments de ce dialogue. Pour Ibn Arabi, l'homme, composé d'un corps, d'une âme et d'un esprit, ne peut déconsidérer une forme d'Amour au profit d'une autre, devant ainsi réaliser la symbiose des différents modes d'expression de l'Amour : physique, spirituel et divin, pour reformer en lui l'unité primordiale. Au-delà de nos certitudes et de nos croyances, nous ressentons le souffle d'une autre dimension... Estimant que la variété des croyances et doctrines religieuses constituent des limites destinées à canaliser notre soif du Divin, Ibn'Arabî dépasse largement les cadres de l'Islam comme de tout autre dogme.

Le colloque de Tunis n'était pas sans intérêt dans le contexte actuel du dialogue islamo-chrétien de Rome. (Information : fondation konrad adenauer)

Retour aux dépèches