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du 16 au 18 octobre 2008 (semaine 42)
 

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2008-10-18 - Synode des évêques
RAPPORT APRÈS LE DÉBAT GÉNÉRAL (1)
DIEU PARLE ET ÉCOUTE

Cardinal Marc Ouellet
15 octobre après-midi

Texte intégral.

I. DIEU PARLE ET ÉCOUTE
1. Révélation, création, histoire du salut - 2. Le Christ, l'Esprit et l'Église - 3. Parole de Dieu, liturgie et écoute

1. Révélation, création, histoire du salut

1
-1. La Parole de Dieu comme fondement de la réalité

Le Saint Père, Benoît XVI, au début de cette assemblée synodale nous a rappelé, en commentant le Psaume 118, que la Parole de Dieu est solide, est la réalité, est le fondement stable et durable de toute chose; par conséquent, l’homme vraiment réaliste est celui qui construit sur le fondement de la Parole (cf. Gn 1; Mt 7, 24-27). Tout est créé dans la Parole; aussi le but de la création est qu’il y ait la rencontre entre Dieu et sa créature. C’est pourquoi, le Christ est le ‘prototokos’ (Col 1, 15), "le premier né de toute la création"; l’histoire du salut, l’alliance, précède la création (Benoît XVI, homélie de l’office de Tierce, lundi 6 octobre). Pour cela, seul celui qui entre dans la Parole de Dieu entre véritablement dans le monde, comprend la création et se comprend lui-même. À partir de cette invitation à un nouveau réalisme fondé sur la Parole de Dieu, notre assemblée synodale a engagé un précieux débat.

1-2. Révélation et dialogue intra trinitaire
Un premier thème fondamental a émergé à plusieurs reprises dans l’assemblée synodale; celui de la relation entre Parole et dialogue entre Dieu et tous les hommes. La thématique concernant le dialogue a émergé non pas en termes généraux, mais dans un cadre trinitaire. Quelques interventions en effet ont rappelé que la première réalité, que la Parole de Dieu nous présente est la suivante: le Dieu des chrétiens est le Dieu qui parle, le Dieu qui se communique Lui-même et révèle son mystère de Salut dans sa Parole (cf. DV 2). Ceci nous place immédiatement dans l’horizon trinitaire de la Révélation: "la patrie de la Parole de Dieu" est la Trinité. Nous pouvons dire que la Révélation est autocommunication de la Très Sainte Trinité à l’homme, ce dernier appelé ainsi à participer, comme "fils dans le Fils" (Ga 4, 6), à la même vie divine (cf. DV 2).

1-3. La Parole de Dieu appelle l’homme au dialogue

De cette manière, comme l’on souligné les interventions de quelques Pères synodaux, la Révélation chrétienne a, de par sa nature, un caractère dialogique, dont le fondement se trouve dans le mystère de la Trinité. La vie même de la Trinité est dialogue d’amour entre les personnes divines: l’amour du Père qui s’exprime et se donne lui-même dans sa Parole éternelle, dans le mystère de l’éternelle génération du Fils, lequel à son tour s’accueille lui-même éternellement du Père et répond à ce don, l’être éternellement engendré, dans leur commun Esprit Saint. Selon les grands docteurs médiévaux saint Thomas d’Aquin et saint Bonaventure, les réalités créées procèdent de la Parole du Dieu trinitaire dans le prolongement des processions du Verbe et de l’Esprit.

La Parole de Dieu qui se communique à nous dans la révélation porte en elle-même cette structure profondément dialogale et nous appelle au dialogue avec le Dieu qui parle et qui s’adresse à nous comme à des amis (cf. DV 2). Ainsi, créés au moyen de la Parole, nous sommes appelés à entrer en dialogue avec Dieu Trinité. Face au mystère de la communication que Dieu fait de lui-même dans sa Parole, Lui-même devient un "Tu" pour l’homme.

1-4. Parole de Dieu et histoire du salut

À partir de là, nous comprenons la "belle notion d’histoire du salut" (IL 10, 25, 34); ce concept, comme quelques interventions l’ont mis en évidence, exprime de manière efficace le changement d’une vision intellectualiste en une vision dynamique de la révélation. Cette dernière aide à comprendre de manière unitaire le plan de Dieu et sa révélation en son ensemble comme un mouvement dialogique dans lequel Dieu s’adresse à sa créature, par "des gestes et des paroles intrinsèquement connexes" (DV 2), et l’engage, en la conduisant à la plénitude du salut.

C’est dans cette perspective qu’à plusieurs reprises, dans l’aula synodale, fut évoquée l’observation de Benoît XVI à l’effet que la Parole de Dieu "n’est pas seulement informative mais aussi performative", puisqu’elle se réalise dans l’histoire au moment même où elle se dit (cf. Gn 1, 3.6.9.11.20.24). À ce propos, un intervenant a affirmé ceci: "Dieu a inauguré un dialogue vivant avec l’humanité et sa Parole ouvre à toutes générations des horizons inattendus de vérité et de vérification”.

En ce sens, on peut comprendre pourquoi le christianisme est une religion de la ‘parole’ et non du ‘livre’; elle est religion de la Parole qui dialogue et rencontre tout homme en l’appelant à la communion.

1-5. Analogia Verbi – symphonie à plusieurs voix

De cette manière, on trouve ici, en plus de la Parole de Dieu dans la Sainte Écriture et dans la Tradition vivante de l’Église, d’autres éléments de cette symphonie à plusieurs voix. Dans l’aula synodale, plusieurs interventions n’ont pas manqué de souligner les divers modes de la présence de la Parole de Dieu. À partir de la Parole définitive, Jésus Christ, s’ouvre devant nous un vaste champ qui mérite d’être approfondi en lien avec d’autres manifestations de la Parole.

De la Création jusqu’aux événements de l’histoire et même à l’art inspiré par la foi, tout cela, à des degrés divers, peut être compris comme des formes analogiques de la Parole qui ne se comprennent, en dernière analyse, qu’en référence à l’événement du Christ lui-même. Dans cette perspective, la création elle-même est lue à la lumière de l’accomplissement de l’histoire du salut qui s’est réalisée dans l’incarnation, la mort et la résurrection du Verbe et dans le don définitif du Saint Esprit. Cela ne supprime pas mais rehausse la signification de la création elle-même en tant que livre de la nature.

Un intervenant a synthétisé de la manière suivante cette idée de la Parole de Dieu qui se vérifie dans l’Écriture en relation avec d’autres expressions de la Parole de Dieu: "À travers l’Écriture, l’Église nous offre une grammaire et nous éduque à l’écoute, de telle manière que nous apprenions à discerner les diverses paroles de Dieu au milieu des voix de la nature, de l’histoire et des cultures, aussi bien que dans notre propre existence".

Comment approfondir cette dimension dialogique de la révélation, tant dans la théologie que dans la praxis pastorale de l’Église ? Comment aider les fidèles à regarder toute la réalité à la lumière du Christ, capable de créer en nous une nouvelle mentalité ? Comment apprendre à voir en toutes choses un signe de la Parole de Dieu qui nous interpelle et nous appelle à la conversion ?
2. Le Christ, l'Esprit et l'Église

2-6. Le Christ, plénitude et accomplissement de la révélation trinitaire

La notion d’Alliance qui, dans le dessein de Dieu, précède la création elle-même, exprime bien l’actualisation présente et efficace de la Parole de Dieu, qui s’est accomplie parfaitement dans l’incarnation, la mort et la résurrection du Christ et à laquelle nous participons au moyen de la vie de l’Église. Là, les diverses étapes, mises en évidence par la théologie paulinienne regardant la trajectoire du mystère, trouvent leur unité intrinsèque: mystère caché depuis les siècles en Dieu et maintenant révélé pleinement dans le Christ, dans l’Esprit Saint, et donné à connaître aux Gentils par le moyen de l’Évangile (Rm 12, 25-26; Col 1, 26-27; Ep 3, 3-12). Dans cette perspective, apparaît l’unité intime entre le mystère révélé par Dieu et la Parole de Dieu. Une telle relation apparaît chargée de multiples implications, tant théologiques que pastorales.

La clef dynamique et dialogale de la révélation et de la Parole de Dieu nous fait regarder toute l’histoire du salut en y reconnaissant une concentration christologique – comme l’a fait Dei Verbum – par laquelle nous reconnaissons et nous confessons le Christ comme le médiateur et la plénitude de la révélation (DV 2.4.7.15.16.17).

2-7. Le Christ, unique médiateur, et le dialogue

Le Christ apparaît dans l’histoire du salut comme la Parole de Dieu incarnée qui accomplit et porte à son achèvement la révélation de Dieu (cf. He 1, 1-2). Ce que nous savons du Dieu Trine, c’est Jésus qui nous l’a fait connaître. Le Fils incarné est le Révélateur du Père (Jn 1, 18). Mais l’Esprit nous conduit à la pleine connaissance de la révélation de Dieu apportée par Jésus (Jn 16, 13).

L’histoire du salut, en tant qu’histoire du mystérieux dialogue entre Dieu et sa créature, trouve ici son accomplissement indépassable. Dans la Parole incarnée, crucifiée et ressuscitée, nous avons le don de l’Alliance nouvelle et éternelle. Le Christ se révèle ainsi pour nous comme l’unique médiateur entre Dieu et les hommes qui accomplit en lui-même notre salut éternel.

Toutefois, comme on l’a souligné dans l’aula, cela ne fait pas cesser le dialogue avec l’homme, avec les diverses cultures et les diverses expériences religieuses; au contraire, cela rend ce dialogue encore plus intense, puisque le salut réalisé par Dieu dans le Christ est continuellement offert à tous les hommes par l’action du Saint Esprit dans les cœurs. La parole définitive de Dieu devient ainsi, précisément par l’effet de l’unique médiateur, source de dialogue avec tous, sans pour autant diminuer la vérité salvifique communiquée d’une manière définitive par le sacrifice du Christ, mort et ressuscité.

Souvent, au niveau culturel, l’affirmation que Christ est l’Unique (cf. Ac 4, 12) et qu’il est Parole ultime et définitive du Père, semble saper à la base toute idée du dialogue: comment aider à comprendre que, justement, la plénitude de la révélation porte elle-même l’exigence la plus profonde d’un dialogue avec toute réalité en quête authentique de la vérité salvifique ? Cela conduit sans doute à considérer aussi la valeur des autres traditions religieuses face à l’unicité du Verbe de Dieu.

2-8. Le mystère de l’Église, l’action du Saint Esprit et l’interprétation des Écritures

Il ressort de diverses interventions que l’Église est la réalité fondamentale dans le dialogue entre Dieu et sa créature, en tant qu’épouse qui accueille le don du Christ; c’est lui qui la rend féconde en elle-même pour toute l’humanité et pour tout le cosmos. La Parole de Dieu a dans l’Église son authentique sujet de réception. De la sorte, l’Église est déjà originairement impliquée dans l’autocommunication de la Trinité dans le Christ et dans le Saint Esprit. L’unicité de la médiation du Christ comporte aussi la médiation originaire de l’Église.

Par conséquent, les Écritures aussi ont pour lieu herméneutique le mystère de l’Église, elles sont le don de l’Esprit à l’Église; épouse du Christ. Ce mystère est mis en lumière dans la figure de Marie; le Verbe de Dieu se fait chair en elle par l’œuvre de l’Esprit Saint. De la même manière, les Saintes Écritures sont don de l’Esprit à l’Église; elles sont écrites au sein de l’Église grâce à l’inspiration de l’Esprit, qui guide aussi son acte interprétatif. De cette manière, l’Église est le lieu où la Parole résonne, est accueillie, proclamée et interprétée dans son contexte le plus approprié.

En ce sens, quelques interventions ont suggéré l’idée que, si, d’une part la révélation s’est close avec la mort du dernier Apôtre, d’autre part, il faut dire que la Parole de Dieu est aujourd’hui encore vivante plus que jamais et à l’œuvre dans le cœur des croyants (cf. Jr 55, 10-11). Cette Parole, pourtant, n’est pas une parole du passé, mais elle demeure toujours contemporaine, pour nous, pour tout homme et toute époque.

Tout cela met en lumière combien la Parole même de Dieu, dans sa structure trinitaire, peut être réellement comprise et accueillie seulement dans son horizon pneumatologique. En effet, l’action de l’Esprit Saint est présente dans toute l’histoire du salut, de diverses manières. Cette dimension pneumatologique mériterait d’être soulignée, dans la réflexion synodale, de manière significative.

Une fois comprise la centralité de l’Église par rapport à la Parole de Dieu, on comprend pourquoi le sens vrai des Écritures – comme on l’a affirmé – se situe dans la fides Ecclesiae. Ainsi, on a rappelé de manière suggestive que l’importante affirmation "ignorantia scripturarum ignorantia Christi est" comporte aussi cette autre proposition : "Ignoscere Ecclesiam ignoscere Christum est". Dans la foi, on ne peut d’aucune manière séparer le Christ de l’Église dans l’accueil et dans l’interprétation de l’Écriture : "La juste interprétation faite par l’Église est absolument nécessaire dès l’instant de la première rencontre avec la Parole de Dieu".

Comment aider théologiquement et pastoralement à comprendre le lien profond entre la Parole de Dieu et le mystère de l’Église, en répondant aux objections fausses ou étranges ?

3. Parole de Dieu, liturgie et écoute

3-9. Parole de Dieu et convocation

Le caractère historique, salvifique, de la Parole de Dieu nous aide à comprendre que celle-ci n'est pas réductible au livre des Saintes Écritures et que, toutefois, ces Écritures sont effectivement l'attestation normative et imprescriptible de cette Parole qui, comme telle - en tant que symphonie à plusieurs voix -, culmine dans la personne du Christ, qui est le Verbe incarné (Jn 1,14). Dans cette perspective, on doit mettre en relief un grand nombre d'interventions des Pères qui ont souligné l'importance de relier la parole de Dieu à la liturgie et, en particulier, à la liturgie eucharistique.

Dans la ligne de l'histoire du salut, la parole de Dieu trouve son lieu originaire dans la convocatio liturgique, comme lieu de la rencontre. Comme cela a été souligné plusieurs fois dans les interventions, toute la réalité liturgique, de la prière des psaumes aux lectures et jusqu'à la célébration du mystère eucharistique, est imprégnée de la Parole de Dieu, laquelle ici et maintenant s'adresse aux fidèles et les fait participer, afin qu'ils se laissent chaque jour davantage transformer par son efficacité durable.

Le contexte liturgique, et en particulier la célébration eucharistique, invite à bien faire comprendre la dimension sacramentelle inhérente à la Parole de Dieu. Cela implique l'importance de la liturgie pour l'herméneutique même des Saintes Écritures. L'approche de la Parole de Dieu, à l'intérieur du contexte liturgique de la célébration, met en œuvre un critère herméneutique approprié en ce qu'il permet de s'approcher des Écritures pour ce qu'elles sont réellement : Parole de Dieu qui s'adresse à l'homme, afin que celui-ci l'accueille dans la foi.

Plus exactement, comme l'ont rappelé quelques interventions, le contexte de la vie ecclésiale, qui s'exprime de manière paradigmatique dans la liturgie, est l'unique lieu approprié pour une vraie compréhension de la Parole de Dieu qui est attestée dans les Saintes Écritures. En effet, la Parole de Dieu est «l'âme de toute liturgie» et dans la liturgie «la narration biblique devient évènement actuel de salut».

En ce sens, on doit dire que l'Église, avant tout dans son cycle liturgique, est le lieu vital où la «parole de Dieu est religieusement écoutée, fidèlement proclamée et interprétée» (DV 1). On a aussi affirmé que «la célébration de la Parole de Dieu devient un des lieux privilégiés de la rencontre avec Jésus Christ, centre et plénitude de toute l'Écriture et de toute célébration liturgique».

Comment aider tout le peuple de Dieu à découvrir l'importance de la Parole de Dieu dans la richesse de la vie liturgique de l'Église? Quelles conséquences pour la théologie et pour la spiritualité implique le fait de considérer la liturgie comme le lieu originaire de la rencontre avec la Parole de Dieu? Quelles conséquences en tirer pour l'exégèse et l'herméneutique? Quelle relation y a-t-il entre parole de Dieu et liturgie en tant qu'actuation sacramentelle de «l'oeconomia salutis»?

3-10. L'homme, un être appelé à l'écoute de la Parole

En ce sens, la reconnaissance de la Parole de Dieu comme parole vivante que l'on rencontre dans la convocatio liturgique rappelle de manière inévitable, à celui auquel cette parole s'adresse, pourquoi elle est écoutée, accueillie, générant en nous, dans la foi, une authentique obéissance. Si, d'une part, le Christ, dans la Parole (et dans l'Eucharistie), nous dit: Je suis à toi, d'autre part, nous sommes appelés à Lui répondre: Je suis à Toi (Benoît XVI).

La Parole demande à être authentiquement écoutée, accueillie, non d'une manière superficielle. Ceci met au premier plan, comme l'ont fait plusieurs intervenants, la dimension anthropologique de la révélation de Dieu dans sa Parole. L'homme apparaît ici comme convoqué par la Parole, appelé intimement à en être un auditeur loyal. Mais cela ne peut pas se produire si l'homme n'ouvre pas la porte à Dieu qui frappe pour entrer chez lui (cf. Lc 24; Ap 3, 20) et s'il reste attaché à l'étroitesse de ses limites.

Cette dimension anthropologique particulière selon laquelle l'homme est appelé à l'écoute, à l'accueil et à la réponse à la parole de Dieu, s'oppose certainement aux codes culturels de notre temps marqué par la distraction et par un manque fondamental d'éducation à l'écoute de l'autre.

3-11. L'Église, mère et maîtresse de l'écoute de la Parole de Dieu

Indispensable et incontournable est la tâche de l'Église d'éduquer à l'écoute de la Parole de Dieu; l'Église est, au plus profond d'elle-même, l'épouse qui écoute, accueille et rend féconde la Parole donnée par son époux. En conséquence, l'Église peut répondre aux défis de notre temps qui, au contraire, tend à distraire l'homme, en le rendant incapable d'accueillir l'invitation du Seigneur à la liberté.

À notre époque, plus que jamais, l'Église doit être maîtresse d'écoute. On doit, comme cela s'est fait dans l'aula, exprimer notre disponibilité ecclésiale à l'écoute: «Parle, Seigneur, que ton Église t'écoute». Même si l'homme peut être distrait et vivre dans une culture qui fait obstacle à la soif de transcendance, l'Église sait pourtant que l'homme a été créé par Dieu pour écouter et accueillir Sa Parole. Sa disposition à l'écoute n'est pas, pour l'homme, une option facultative, mais elle est l'une de ses constituantes ontologiques.

L'Église, quand elle invite l'homme à l'écoute de la Parole de Dieu, lui rappelle du même coup l'une de ses caractéristiques constitutives en tant qu'homme. L'homme est tiré du néant par la puissance de la Parole créatrice de Dieu et ne peut se réaliser que comme auditeur qui accueille la Parole, en lui obéissant.

Ces considérations sont lourdes de conséquences pastorales. Mettre au centre la Parole de Dieu signifie éduquer l'homme à l'écoute, à se redécouvrir lui-même comme ayant besoin de l'écoute de la Parole de Dieu, aider l'homme à se redécouvrir comme un affamé de la Parole. Comment expliquer cette mission ecclésiale d'être mère et maîtresse de l'écoute?

3-12. Parole et vocation

Une considération découle de cette réflexion: la Parole de Dieu comme telle se manifeste en interpellant l'homme et en l'appelant, par vocation, à se réaliser lui-même en sortant de lui-même précisément pour faire sien le projet de Dieu sur lui. En ce sens, on doit mettre en évidence le caractère éminemment vocationnel qu'implique une juste conception de la Parole de Dieu. La Parole de Dieu qui appelle, a-t-on dit, constitue l'homme en une «identité responsoriale». La Parole de Dieu nous invite à une réponse.

La rareté et la crise des vocations sont souvent une crise de la capacité d'écoute. De cela découle naturellement la nécessité pour l'Église de jeter les bases d'une action spirituelle et pastorale apte à mettre en lumière la structure anthropologique de chaque homme en relation à l'appel de Dieu.

3-13. Dieu qui parle et écoute l'homme dans le besoin

Mais, au cours de notre assemblée synodale, on a fait ressortir plus d'une fois, ce qui peut paraître étonnant, le fait qu'en Dieu Lui-même nous trouvons aussi l'écoute et que Lui-même nous éduque à l'écoute. En effet, la Parole de Dieu est une parole qui donne voix à ceux qui n'en ont pas; le Seigneur écoute le cri de l'homme qui recherche la paix, la justice et la vérité. Donc, à l'école de la Parole de Dieu, nous pouvons aussi apprendre l'écoute. Plusieurs Pères nous ont rappelé, dans l'aula synodale, combien l'Écriture nous parle non seulement d'un Dieu qui parle, mais aussi d'un Dieu qui écoute.

À ce sujet, diverses interventions nous ont remémoré la nécessité de cultiver dans le cœur de l'homme cette attitude d'écoute, de réceptivité face à la Parole de Dieu. L'Église également doit apprendre à écouter: écouter Dieu pour porter la Parole de Dieu à l'homme; écouter l'homme de la manière dont Dieu l'écoute, pour porter à Dieu, à travers cette médiation, la parole de l'homme adressée à Dieu. Le Seigneur s'adresse à notre cœur, à l'intimité profonde de notre existence, attentif à nos demandes et à nos besoins, surtout au besoin décisif de salut et de rédemption.

La prédication et l'annonce de l'Église requièrent, des humains, qu'ils soient des gens qui parlent extérieurement et écoutent intérieurement.

Comment approfondir, dans l'Église, cette dimension d'écoute des sans-voix, et comment nous éduquer à l'écoute

3-14. La Parole et les pauvres

Ici, comme on l'a rappelé, la figure des pauvres, des enfants et des simples de cœur a été puissamment mise en évidence. Les pauvres apparaissent ici comme une figure décisive pour nous enseigner la manière juste d'accueillir et de répondre promptement et loyalement à l'invitation qui nous vient du Seigneur à travers Sa Parole. «Les pauvres ont une ouverture profonde envers la Parole de Dieu et pour cela l'Église doit les fréquenter tous les jours».

Les pauvres constituent certainement un grand défi pour le monde mais aussi pour l'Église. Ceux-ci manifestent une faim particulière de la Parole.

L'Église a la responsabilité de répondre à ce besoin en mettant à profit toutes les ressources à sa disposition afin que la faim des pauvres puisse trouver une réponse adéquate dans la pastorale ecclésiale. Comment être toujours plus une Église qui vit de la Parole de Dieu et qui, pour cela, donne voix à ceux qui sont sans voix?

3-15. Parole, silence et prière

Dans l'assemblée synodale est ressortie plus d'une fois, en lien avec l'écoute, la nécessité du silence, de faire place en nous-mêmes à la Parole vivante de Dieu. Comme le rappelle l'Imitation du Christ: «Verbo crescente, verba deficiunt». Dans l'aula, les rappels significatifs n'ont pas manqué à l'effet qu'il ne peut y avoir de véritable accueil de la Parole de Dieu si on ne l'aborde pas avec un cœur qui prie et contemple.

Il ne saurait y avoir d'approche neutre de la Parole de Dieu; aussi dans le concret de l'approche des Saintes Écritures, l'unique attitude adéquate s'avère celle de la prière. Dans cette perspective, quelques Pères synodaux ont rappelé la nécessité, pour les fidèles, de demeurer longuement penchés sur les Écritures pour qu'elles puissent s'enraciner dans leur cœur. À l'exemple de Marie qui contemplait et méditait les paroles du Fils et les événements, ainsi nous sommes appelés à nous attarder aux paroles des Saintes Écritures, en valorisant aussi la mémorisation de quelques versets particulièrement expressifs de la Vérité révélée.

Aussi la prière comme le Rosaire (ou l'Angelus, où nous faisons mémoire de l'Incarnation de la Parole de Dieu, ou bien le chemin de Croix où nous méditons la Parole qui se fait silence ou devient muette dans la mort par amour pour nous), doit être valorisée, ainsi que la rumination de la Parole en fixant des versets significatifs. On a affirmé que Marie, de cette manière, a fait de son cœur une «bibliothèque de la Parole». Voilà ce qu'il faut désirer pour nous-mêmes et pour tous fidèles. Marie se présente à nous comme l'authentique clef d'accès aux trésors de l'Écriture.

Dans l'aula, il n'a pas manqué d'émouvants témoignages illustrant comment, en temps de persécution et de manque de prêtres, la communauté ecclésiale est demeurée fidèle à la Parole à travers la prière du Rosaire.

Quelles propositions pouvons-nous faire concrètement afin que le Peuple de Dieu demeure dans la Parole et grandisse en elle? Comment penser à une formation concrète pour les fidèles?

3-16. La Parole de Dieu et la foi

Somme toute, notre écoute de la Parole, comme la lecture de l'Écriture, doit être une écoute et une lecture de croyant. L'annonce de la Parole de Dieu ne réalise pas le but pour lequel elle a été prononcée si elle n'est pas écoutée et rendue féconde par la foi. Il ne faut jamais oublier - comme cela a été dit - que la prédication de la Parole doit inciter à la foi. Il faut toujours chercher la Parole de Dieu à travers les paroles.

Si nous nous arrêtons aux paroles, nous risquons de ne pas trouver la vraie Parole de Dieu et de ne pas reconnaître leur vrai auteur: l'Esprit Saint. En entrant dans la Parole, nous sortons vraiment de nous-mêmes, de nos limites, et nous entrons dans une dimension universelle.

Seule la foi sait vraiment correspondre à la convocation que la Parole de Dieu adresse à notre existence. L'écoute croyante sait trouver la Parole à travers les paroles; à travers l'humanité de Jésus, la foi sait reconnaître le Fils de Dieu; ainsi dans la foi, dans les paroles humaines et les limites, nous recueillons la Parole éternelle de Dieu qui change notre vie.

La Parole de Dieu, et toute annonce, ont comme fin l'attitude de la foi en nous, parce que seule la foi sait accueillir la présence du Christ opérant dans l'aujourd'hui de notre vie qui, dans le temps, nous conforme à Lui.

Dans la perspective de la Parole de Dieu, il faut reprendre une vraie pédagogie de la foi qui implique le développement d'une écoute et d'une lecture croyantes de la Parole. Comment approfondir une authentique vie de foi qui se configure dans l'obéissance à la Parole? Cette perspective peut-elle aider à dépasser certaines dichotomies à l'intérieur de la vie chrétienne, entre lecture spirituelle et scientifique des Saintes Écritures? Peut-elle aider à développer une nouvelle relation entre exégèse et théologie?

3-17. Parole de Dieu et sainteté

Donc la foi ne s'ajoute pas de l'extérieur à l'approche donnée à la Parole de Dieu. La foi est essentielle pour comprendre l'autocommunication de Dieu attestée dans les Écritures et dans la Tradition (cf. DV 5). Dans ce contexte, il semble important de rappeler, comme l'ont fait quelques intervenants, que l'exégèse la plus authentique de la Parole de Dieu se trouve en ceux qui, dans la foi, ont écouté cette Parole.

Dans cette perspective, dans l'aula, sont ressortis de nombreux témoignages émouvants de Parole de Dieu vécue. On reconnaît toujours plus la sainteté dans l'Église comme une interprétation vivante de la Parole de Dieu, parce qu'elle en est un véritable témoignage.

On a souligné aussi l'importance des charismes, en tant que dons de l'Esprit Saint à l'Église, qui permettent de vivre la Parole même de Dieu d'une manière créative dans le temps et les diverses cultures. Que l'on pense en particulier, comme on y a fait allusion, aux diverses formes de vie consacrée dans l'Église, lesquelles sont «des exégèses vécues de la Parole» (Benoît XVI).

En ce sens, il est important de souligner, comme l'ont fait quelques intervenants, que la Parole de Dieu continue à s'incarner dans la vie des croyants, en particulier dans leur témoignage de charité. Chacun est appelé à être un Évangile vivant, qui se fait «chair et sang».

En définitive, le vrai auditeur est celui qui vit une rencontre personnelle avec le Christ, qui l'amène à «se conformer totalement au Christ, se laisser transformer par lui et adhérer à lui, inconditionnellement, dans la foi, développant ainsi une véritable attitude de disciple, une fidèle sequela Christi, partout où le Christ le conduit».

Comment renouer de façon efficace l'exégèse de l'Écriture et la sainteté? Comment développer dans le Peuple de Dieu une sainteté enracinée toujours plus dans l'écoute et la célébration de la Parole de Dieu?


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