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du 2 au 5 décembre 2008 (semaine 50)
 

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2008-12-05 - USA
UNE DÉCISION QUI AMPLIFIE UN MALAISE

L'interdiction vaticane à l'égard du
P. Roger Haight, jésuite américain, a réveillé le malaise existant chez les théologiens américains qui estiment que les notes de la Congrégation romaine brouillent la frontière entre la théologie et la catéchèse,

Le jésuite américain avait déjà été sanctionné en 2000, par la Congrégation pour la Doctrine de la foi qui avait ordonné sa suspension de l'enseignement alors qu'une enquête sur son livre "Jésus, Symbole de Dieu", était en cours.

L'ouvrage du P. Roger Haight explore les thèmes de la divinité du Christ, la résurrection, la Trinité et le salut des non chrétiens, "le mystère du salut des nations", selon l'expression chère au P. de Lubac. Dans son livre, le P. Haight se penche notamment sur le problème du dialogue interreligieux, et souligne que "la révélation de Jésus enseigne que la grâce de Dieu est opérante dans les autres religions". Point de vue qui rejoint certaines orientations, plus nuancées, de Benoit XVI.

En décembre 2004, interdiction est faite à l'auteur d'enseigner la théologie catholique tant qu'il ne rectifiera pas ses positions, afin d'être en pleine conformité avec la doctrine de l'Eglise".

Des points controversés de cet ouvrage avaient d'ailleurs été déjà débattus lors du congrès de la Société Théologique Catholique d'Amérique (CTSA) en 2002. A cette époque, le P. Roberto S. Goizueta, président de la CTSA et professeur de théologie au "Boston College", estimait que la note de la Congrégation romaine, parue en 2000, brouillait la frontière entre la théologie et la catéchèse, "alors que la théologie concerne l'exploration créative de la Révélation et de la doctrine de l'Eglise". A ses yeux, le livre contesté est "une exploration, et le P. Haight ne prétend pas autre chose".

Or son livre avait reçu en l'an 2000 un prix de l'Association de la Presse Catholique aux Etats-Unis, le qualifiant de "meilleur livre de théologie de l'année", tandis que la Société Théologique Catholique d'Amérique s'était déclarée en 2004 "profondément peinée" par les mesures prises par la Congrégation romaine.

Le P. Haight, membre de la Province jésuite de New York, enseigne actuellement dans des centres de formation non catholiques comme l'"Union Theological Seminary", institution protestante interdénominationnelle de New York depuis sa retraite forcée comme professeur au "Weston Jesuit School of Theology" de Cambridge/Massachusetts.

Affirmer la validité des autres religions, estime le Père Haight, "ne diminue pas la normativité de Jésus-Christ. Et affirmer la normativité du Christ, non seulement pour les chrétiens mais pour tous les êtres humains, ne diminue point la validité des autres religions".

Depuis 1965, la Congrégation pour la doctrine de la foi a publié une bonne dizaine de "notifications" contre les oeuvres de théologiens non conformes au magistère de l'Eglise, en particulier des religieux jésuites américains. Elle est ainsi intervenue contre Hans Küng en 1975 et en 1980, Jacques Pohier en 1979, Edward Schillebeeckx en 1980, 1984 et 1985, Leonardo Boff en 1985, Charles Curran en 1986, Tissa Balasuriya en 1997, le jésuite Anthony de Mello en 1998, Reinhard Messner en 2000, le jésuite Jacques Dupuis et le théologien moraliste espagnol Marciano Vidal en 2001, le jésuite Roger Haight en 2004, et finalement contre le théologien de la libération espagnol Jon Sobrino.

Ces dernières années en effet , plusieurs jésuites ont été mis en cause pour leur engagement dans la théologie de la libération. Le dernier en date, en mars 2007, le P. Jon Sobrino, est l'une des dernières grandes figures latino-américaines de la théologie de la libération. Suite à l'affaire Sobrino, 88 professeurs de théologie d'Allemagne et d'Autriche ont plaidépour une réforme de la Congrégation pour la doctrine de la foi au Vatican. Ils soutenaient une interpellation de leur confrère Peter Hünermann. dogmaticien et professeur émérite de l'Université de Tübingen.

Début décembre le général des jésuites, le Père Adolfo Nicolas, a demandé plus de temps pour la théologie de la libération afin qu'elle puisse mûrir. Dans une récente interview accordée au quotidien "El Periodico", édité à Barcelone, il qualifie la théologie de la libération - parfois critiquée par certains secteurs conservateurs de l'Eglise catholique - de "réponse courageuse et créative" face à une situation d'injustice insupportable en Amérique latine.

Benoît XVI vient de déclarer ce 5 décembre : "Se soumettre à la vérité ne signifie pas renoncer à la recherche, ni à la capacité de penser. L'inquiétude de la pensée, qui ne sera jamais tout à fait écartée de la vie des croyants puisqu'ils cherchent à approfondir la vérité, sera féconde si elle les stimule dans leur pèlerinage intellectuel vers Dieu" (source : KNA, Apic et VIS)

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