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03.06.02 - Suisse : La loi dépénalise l'avortement.

A une majorité de 72,2%, les Suisses ont accepté dimanche 2 juin une modification du Code pénal autorisant l'avortement durant les 12 premières semaines de grossesse.

La participation a été de 40,5%. La modification du Code pénal entrera en vigueur le 1er octobre prochain, a annoncé dimanche la ministre de la justice Ruth Metzler, se montrant ravie de l'issue du scrutin. Le libre choix de la femme enceinte et la dépénalisation de l'interruption volontaire de grossesse dans les 12 premières semaines font l'objet d'un large consensus au sein de la société, a-t-il relevé.

Il y a 25 ans, 51,7% des votants et 15 cantons avaient refusé de libéraliser l'avortement. Depuis, les mentalités ont changé puisque seuls, aujourd'hui, les cantons d'Appenzell Rhodes-Intérieures (60,1% de non) et du Valais (54,1%) ont refusé le régime dit "du délai", qui dépénalise l'interruption de grossesse pendant les 12 premières semaines. Les plus fortes majorités acceptantes, au-dessus de 80%, ont été enregistrées dans les cantons de Genève (87,8%), Vaud (85,7%), Neuchâtel (85,4%), et Bâle-Ville (81,8%). Même la très catholique Fribourg a dit oui à 71,1%, le Jura à 68,3% et le Tessin à 63,2%.

L'approbation du régime du délai met fin à un décalage entre la pratique en vigueur et une loi, datant de 1942, qui n'était plus appliquée depuis des années. Le système des indications n'était en effet plus respecté dans de nombreux cantons. Légalement, une interruption volontaire de grossesse (IVG) pouvait être punie de peines allant jusqu'à plusieurs années de prison, sauf si un danger menaçait gravement la santé de la femme. Cependant, aucune condamnation n'a été prononcée depuis 1988 alors que 12.000 à 13.000 IVG sont pratiquées chaque année.

Ce oui net ne doit pas être interprété comme le signe d'une banalisation de l'avortement, mais comme le point de départ d'une politique axée sur la prévention et le soutien des femmes en détresse. En effet, durant la même votation, les citoyens se sont aussi prononcés sur l'initiative "pour la mère et l'enfant" qui entendait interdire l'interruption de grossesse dans la plupart des cas. Elle n'aurait été autorisée que lorsqu'un danger imminent et de nature physique, impossible à écarter d'une autre manière, menace la vie de la femme enceinte. A une majorité de 81,7% le peuple a balayé cette initiative qui constituait un net recul par rapport à la situation actuelle. Aucun canton ne l'a acceptée.

Pour sa part, la Conférence des évêques suisses (CES), dans un communiqué diffusé le 2 juin, "déplore profondément l'approbation par les citoyennes et citoyens du régime du délai". "Le fait de pouvoir désormais supprimer impunément la vie humaine à naître pendant les douze premières semaines de grossesse ouvre la porte à de nouvelles atteintes au respect de la vie, tant à son début (avortement jusqu'à la naissance, élimination des fœtus porteurs de handicaps, etc.) qu'à sa fin (euthanasie)", estiment les évêques suisses.

"Tout ce qui est permis par la loi n'est pas forcément moralement admissible", souligne la CES, qui rappelle que "pour l'Eglise catholique l'avortement représente une atteinte fondamentale au commandement de Dieu: Tu ne tueras pas!" : "Il ne s'agit pas de culpabiliser les chrétiens, femmes et hommes", affirment les évêques, "mais de les placer face à leurs responsabilités".

Et de rappeler que "les valeurs fondamentales telles que le respect de la vie humaine - valeurs qui sont présentes dans toutes les religions -, ne peuvent varier selon l'air du temps". "L'Eglise continuera à s'engager, à temps et à contretemps, pour la promotion et la protection de ces valeurs."

Mais, pour les évêques, prôner simplement une interdiction de l'interruption de grossesse ne suffit pas: "Il faut que notre société, qui clame haut et fort qu'elle souhaite - malgré le signal contraire du régime du délai - réduire au maximum le nombre d'avortements (!), se dote d'urgence des moyens permettant la réalisation de ce vœu pieux. De nouveaux chemins doivent être trouvés afin d'apporter l'aide nécessaire aux femmes en situation difficile et de soutenir effectivement les familles".

"De la part de l'Etat, poursuit le communiqué, résoudre la détresse morale ou financière des femmes enceintes et des mères en supprimant purement et simplement l'origine du 'problème', c'est-à- dire l'enfant à naître, est irresponsable. En revanche, prendre des mesures courageuses visant à apporter le soutien de la société envers les personnes dans le besoin, est la bonne manière d'aborder la question".

Pour sa part, le Conseil de la Fédération des Eglises Protestantes de Suisse (FEPS), qui soutient le régime des délais "salue le fait que l'acceptation de la révision du Code pénal sur la question de l'interruption de grossesse permette la mise en vigueur de dispositions légales réellement applicables". Le Conseil de la FEPS estime dans un communiqué que "la nouvelle réglementation respecte et protège la décision, prise en conscience, de la femme qui a fait valoir une situation de détresse".

Le Conseil insiste cependant sur le fait que "les conditions générales de politique de la famille doivent être encore améliorées pour exclure les interruptions de grossesse pour raisons sociales ou financières". Il en appelle également à ce que "les soignants et des médecins qui refusent pour raisons personnelles et éthiques de procéder à des interruptions de grossesse" ne subissent "aucun préjudice professionnel".

Pour plus d'informations : Conseil des Eglises chrétiennes de Suisse

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