08.01.03 - Côte d'Ivoire : L'appel
des responsables religieux.
Nous
vous donnons ici le texte intégral de l'appel des Confessions
religieuses présentes en Côte d'Ivoire pour la paix soit
l'oeuvre de tous.
" Frères et soeurs.
Depuis plus de trois mois, notre pays, la Côte d'Ivoire, est en guerre
contre elle même, avec des implications, extérieures. Elle brûle, elle
saigne. Les morts, les blessés, les disparus ne se comptent plus. Les
survivants sont en fuite, cachés en brousse, dans les campements, entassés
dans des maisons, affamés, malades, manquant de tout, exposés à tout.
Un grand malheur s'est abattu sur notre pays.
Voilà pourquoi, nous tous, responsables des différentes confessions
religieuses présentes en Côte d'Ivoire, prenons la parole, pour vous
appeler, tous ensemble, dans une démarche de repentance, de conversion,
pour le salut de notre pays. Personne ne sauvera ce pays à notre place.
Dieu a mis son sort et son avenir entre nos mains.
Les négociations entreprises dès les premiers jours se poursuivent sur
plusieurs fronts. Et la situation perdure, dangereuse. Car, chaque jour
qui passe nous mène vers une catastrophe humanitaire, économique, nationale,
sous-régionale. Et, cette tragédie, ces vies détruites, ces cris de
douleur, de détresse nous interpellent et nous appellent à la raison.
Voulons nous, frères et soeurs, devant Dieu et devant l'histoire, prendre
la responsabilité de détruire la Côte d'Ivoìre? de la faire mourir?
Devant Dieu et devant notre conscience, voulons nous détruire ou construire
la Côte d'Ivoire ? Voulons nous le bonheur ou le malheur de ce pays
? Pourquoi nous battre entre nous ? Pourquoi tirer sur nos propres frères
et soeurs, parents, amis et alliés ? Pourquoi détruire nos propres biens,
notre propre avenir ? Pourquoi nous engager de la sorte sur le chemin
de notre propre suicide collectif ? Pourquoi ?
Dans cette guerre, personne n'est gagnant. Nous sommes tous perdants.
Frères et soeurs, l'heure est grave. Nous le savons, personne d'entre
nous, de part et d'autre, ne veut détruire la Côte d'Ivoire; personne
ne cherche le malheur de ce pays. Nous voulons, et nous voulons tous,
son bonheur. Cette escalade de violence, de guerre ne nous mène à rien,
sinon à notre propre ruine.
Alors, il nous faut nous ressaisir et humblement, chercher ensemble
les vraies voies pour aboutir à la paix durable. Cette paix viendra,
elle reviendra en Côte d'Ivoire a la bonne volonté, à la détermination
de chacun à son niveau, de travailier, de contribuer à sa restauration.
Dans ce sens nous Chefs des différentes confessions religieuses, d'une
voix unie et commune, d'un seul coeur, nous voulons affirmer, devant
Dieu et à la face du monde, qu'il n'existe pas en Côte d'Ivoire une
guerre entre confessions religieuses, et plus précisément entre chrétiens
et musulmans.
Depuis des décennìes, nous vivons une heureuse convivialité. Il y a,
sans doute et nous le dénonçons et le condamnons ensemble et publiquement,
une utilisation malhonnête et dangeurese de la religion à des fins politiciennes.
Dans le sens de la recherche de la paix, qui doit commencer par nous
mêmes d'abord, nous, les chefs des différentes confessions religieuses
présentes en Côte d'Ivoire, vous appelons tous, chrétiens, musulmans,
fidèles des religions traditionnelles, bouddhistes, adeptes de la Foi
Baha'i, etc..., hommes et femmes de bonne volonté, à nous remettre en
cause, a faire notre examen de conscience, devant Dieu, humblement et
en toute vérité.
Nous vous invitons à reconnaître, chacun à sa place, nos erreurs, notre
part de responsabilité dans ce qui nous arrive et à prendre des dispositions
pour y mettre fin définitivement et sans tarder. Dieu nous regarde.
En effet, ce qui nous arrive n'est pas le fruit du hasard. C'est en
partie la conséquence de nos légèretés, de nos complicités, de la culture
du laisser aller, du mensonge, de la corruption, de l'impunité, du favoritisme,
du tribalisme, du désordre, de l'irresponsabilité, du culte de l'argent,
de la réussite facile, des honneurs, du pouvoir coûte que coûte, des
calculs pervers et de l'opportunisme que nous avons entretenus des décennies
durant, et que nous entretenons encore.
Il nous faut le reconnaître humblement. Il nous faut ensemble, le regretter,
nous repentir et prendre la ferme résolution de ne plus commettre ces
erreurs, ces fautes et nous engager à changer positivement. Ne prenons
pas ces paroles à la légère. Ne prenons pas ces paroles à la légère,
car le retour à la paix en Cóte d'Ivoire en dépend.
Les grands hommes et les peuples nobles sont, non pas ceux qui par orgueil,
par vanìté, s'entêtent dans leurs erreurs et égarements et so détruisent
eux mémes, mais plutôt ceux qui, humblement, savent reconnaître leurs
erreurs, les corrigent à temps et sont toujours prêts à des compromis
justes, intelligents, dignes.
Ce sursaut d'intelligence et de sagesse est la marque des grands peuples
et la garantie de leur avenir. Pour favoriser et soutenir cette démarche,
nous vous invitons à vivre ensemble, sur toute l'étendue du territoire,
trois jours, consécutifs de jeûne et de prière dans les églises, les
mosquées, et autres lìeux de culte (lundì 6, mardi 7 et mercredi 8 janvier
2003), le tout culminant, le quatrième jour jeudi 9 janvier 2003), par
une célébration commune pour la réconciliation et la paix en Côte d'Ivoire
au Palais des Sports.
Au point où nous en sommes, c'est Dieu seul qui est et demeure notre
unique secours et notre ultime recours. Il nous faut nous retrouver
autour de Lui. Il est le Dieu d'Abraham, le Dieu de la paix., le Dieu
de l'impossible.
C'est Lui qui nous permettra de parler franchement, courageusement de
ce qui ne marche pas, entre nous et qui nous a conduits à cette tragédie
nationale. C'est Lui qui nous rendra capables de reconnaître les injustices,
les torts causés, les fautes individuelles et collectives, de prendre
l'engagement de réparer ces fautes, de corriger nos erreurs, de changer
notre manière de penser, d'agir les uns vis à vis des autres. C'est
Lui qui nous permettra de nous tourner davantage vers les valeurs morales,
spirituelles, et de donner ainsi à la Côte d!'Ivoire une nouvelle chance,
un nouveau depart pour un avenir sûr, fondé sur la culture de la vérité,
de la justice, de la responsabilité, de l'amour du prochain, l'amour
de la patrie.
C'est lui Dieu qui, par son Esprit d'unité, guérira nos coeurs blessés,
et nous rendra capables de nous tendre la main, de nous refaire confiance,
de nous remobiliser du nord au sud, de l'est à l'ouest, pour bâtir ensemble
une Côte d'Ivoire plus unie, plus solide, plus vigilante, plus fidèle
à sa mission de terre d'accueil, de prospérité partagée et d'espérance.
Ce beau pays est le nôtre. Dieu nous l'a donné en héritage. Nous portons
la responsabilité de son destin et celle du devenir de tous ceux qui
l'habitent. Il nous faut le sauver. C'est grâce à l'effort, au sacrifice,
au bon sens, à la sagesse, à la bonne volonté de chacun de nous que
nous éviterons l'abîme vers lequel nous glissons et que cette terre
d'ivoire sera bénie pour tous.
Que Dieu nous y aide et qu'il bénisse la Côte d'Ivoire dans l'unité,
la paix et la vraie fraternité. A toutes et à tous Bonne, sainte et
heureuse année.
Abidjan le 2 janvier 2003
Texte transmis par l'agence Fides
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