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09.04.03 - Nigéria : La religion, un enjeu électoral.

Dans un pays, divisé entre chrétiens et musulmans, plusieurs observateurs craignent que la religion devienne un enjeu électoral, en particulier à cause des Etats qui ont rétabli la loi islamique de la Charia.

Les graves violences survenues en novembre 2002, plusieurs centaines de morts, sont dans toutes les mémoires. A quoi s'ajoute les conséquences de l'invasion de l'Irak pour les Etats à dominante musulmane qui se sentent agressés par les "chrétiens" occidentaux d'Amérique.

Le Nigeria, pays africain le plus peuplé avec plus de 120 millions d'habitants, répartis équitablement entre musulmans et chrétiens, est appelé aux urnes dans un long procédé électoral, dans le cadre d'élections générales qui commenceront samedi 12 avril pour s'achever le 3 mai. Il s'agit des premières élections au Nigeria depuis le retour à un régime civil en 1999.

Une douzaine d'Etat du nord du Nigeria, région à majorité musulmane, ont en effet réintroduit la charia depuis 1999, malgré l'opposition du gouvernement fédéral, des chrétiens et d'organisations des droits de l'Homme. L'élection de "Miss monde", préalablement prévue l'an dernier au Nigeria, avait été déplacée à Londres, en raison de graves affrontements, près de 250 morts, et de sérieuses menaces qui planaient sur cette manifestation, refusées par les fondamentalistes musulmans

Jusqu'à présent, charia oblige, trois femmes et deux hommes ont été condamnées à mort par lapidation pour adultère, provoquant l'indignation de la communauté internationale. Aucune de ces sentences n'a encore été exécutée.

Il est à noter que malgré ces tensions, les principaux candidats à la présidentielle au Nigeria se sont jusqu'à présent gardés de parler religion. L'agence Apic rapporte de propos : "La charia n'est pas un sujet électoral pour la plupart des gens", estime Abubakar Sadiq, professeur de sciences politiques à l'université Ahmadu Bello à Zaria, dans l'Etat de Kaduna (nord), pourtant périodiquement secoué par de graves affrontements entre communautés religieuses.

Les deux grands adversaires à la présidentielle des 19 et 26 avril, le président sortant Olusegun Obasanjo, ouvertement opposé à la charia, et Muhammadu Buhari, sont pourtant de religion différente: le premier est chrétien, le second musulman. Olusegun Obasanjo a déclaré la charia "anticonstitutionnelle", mais n'a pas pour autant pris de mesure pour y mettre fin. Les deux candidats ont cependant choisi des colistiers appartenant à une autre religion que la leur.

Mais la charia adoptée par 12 des 36 Etats qui forment la Fédération nigériane, alors même que la Constitution nigériane consacre la laïcité du pays, n'est pas faite pour arranger les choses. L'épiscopat nigérian lutte d'ailleurs contre cette mesure: "Nous, évêques du Nigeria, avons protesté il y a trois ans déjà contre le gouvernement à cause de l'introduction de la charia. Permettre son entrée en vigueur signifie encourager un fanatisme et un extrémisme islamique duquel notre pays n'a rien à gagner".

Ils mettent à ce propos en évidence la tendance au radicalisme d'une partie de la communauté islamique: "en vue des élections, certains tentent de tirer un avantage des situations de crise et de désordre. On ne comprend pas bien de qui il s'agit parce que ces personnes ne se font pas voir au grand jour et pour l'instant, elles se limitent à utiliser le langage religieux".

Malgré la volonté des politiques et des instances religieuses de minimiser l'impact du religieux dans ces élections, la religion et les tensions entre communautés, principalement à cette époque de guerre contre l'Irak, perçue par certains milieux musulmans comme une guerre contre l'islam, pourraient bien donner tort à ceux qui en minimise la portée. (source : apic/misna)

Pour plus d'informations : Agence APIC

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