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14.04.03 - Sénégal : Les musulmans soumis à la charia.

Un Etat laïc devrait pouvoir accorder à ses citoyens musulmans un code du statut personnel islamique. C'est ce qu'estiment les initiateurs d'un tel projet au Sénégal. Ce n'est pas tout à fait le point de vue de l'évêque de Mgr Sarr, l'archevêque de Dakar.

Ils rappellent qu'à l'époque coloniale même, les Français avaient permis l'instauration de tribunaux musulmans pour juger les affaires familiales. Actuellement si une famille musulmane veut nouer un mariage ou régler un problème de succession, elle a le choix entre les lois du Code de la famille en vigueur depuis 1972 et celles du droit islamique. Une telle liberté devrait persister avec l'adoption du projet du Code de statut personnel islamique.

"Nous ne pouvons pas imposer ce code à tout le monde, mais nous pouvons nous l'imposer à nous-mêmes", explique l'imam Elimane Ndiaye, un des initiateurs du projet du Code de statut personnel qui s'exprimait hier au cours de la conférence de presse organisée autour de ce projet. L'ensemble des foyers islamiques du Sénégal ont envoyé des représentants à cette rencontre avec la presse organisée par le Comité islamique pour la réforme du Code de la famille (Circofs), présidé par Me Babacar Niang.

Ce projet embrasse les divers domaines concernés par le droit de la famille : les dispositions générales, les fiançailles, le mariage (célébration, preuve, conditions de validité, obligations du mari, obligations de l'épouse, dissolution), la filiation (durée de la conception, lien entre l'enfant, ses père et mère et les parents de ceux-ci, la garde des enfants, l'obligation d'entretien et d'éducation, la reconnaissance, le désaveu, la filiation "naturelle", l'exclusion de l'adoption), la tutelle, le testament, les successions, les donations, le waqf.

Si ce projet du Code de statut personnel islamique est adopté - par le gouvernement et l'Assemblée nationale - les juridictions de cadis (tribunaux musulmans) devraient être restaurées à travers le Sénégal pour assister les fidèles musulmans désireux de se conformer aux règles islamiques.

Ces juridictions religieuses avaient été mises par les autorités coloniales françaises, mais elles sont tombées en désuétude après l'indépendance du Sénégal. Aujourd'hui, la fonction de cadi existe dans certaines villes (Ziguinchor, Rufisque, Saint-Louis, etc.), mais n'a pas la même importance qu'autrefois. Ces tribunaux musulmans sont compétents en matière de droit de la famille et, en cela, ils peuvent être comparées au Tribunal ecclésiastique de la communauté catholique du Sénégal basé à Thiès.

Ce projet de Code du statut personnel (Csp) est appelé à se substituer à l'actuel Code de la famille, mais seulement à l'égard des musulmans et musulmanes sénégalais, les chrétiens et autres demeurant régis par l'actuel Code de la famille. "A chacun sa religion, à chacun son droit de famille", estiment les concepteurs du projet.

Pour l'élaboration de ce texte, le Circofs s'est inspiré principalement du document qui avait été élaboré en 1971 par d'éminents dirigeants des grandes familles religieuses musulmanes. Il a eu aussi à prendre connaissance du Code marocain du statut personnel, du Code algérien du 9 juin 1984 et des codes en vigueur dans les pays du Golfe.

Pour les initiateurs du Csp, le Code de la famille en vigueur depuis plus de trente ans a échoué, puisque, à titre illustratif, les mariages sont célébrés quotidiennement à travers tout le pays sans que les intéressés se préoccupent le moins du monde de ce qu'en dit le Code de la famille ; il en est de même en ce qui concerne la filiation, la tutelle, etc. "A chacun sa religion, à chacun son droit de famille", estiment les concepteurs du projet. "Sinon, on violerait la liberté de conscience qui nous est garantie par la Constitution".

"Il est permis de parler de la famille comme d'une réalité sociologique unique, mais on ne peut pas en parler, du point de vue juridique, comme d'une seule et même réalité dans notre pays. En effet, du point de vue juridique, la famille musulmane sénégalaise obéit à une conception et des règles différentes de celles qui régissent la famille sénégalaise chrétienne et autres. Au sens juridique, il n'y a pas au Sénégal un seul et même type de famille, mais plusieurs types de famille selon que les époux sont musulmans ou non musulmans".

Mgr Théodore Adrien Sarr, archevêque de Dakar, a appelé dimanche les jeunes catholiques du Sénégal à défendre la laïcité du pays, remise en question par ce remplacement de l'actuel code de la famille. Il a en outre plaidé pour l'égalité des droits et devoirs de tous les citoyens.

Le Comité Islamique pour la réforme du Code de la Famille du Sénégal (Cercofs), estime qu'il fait la part trop belle aux femmes. Pour eux, le code de la famille doit être basé sur l'islam.

Amsatou Sow Sidibé, l'une des figures emblématiques du militantisme des droits de la femme au Sénégal, est d'accord avec Mgr Sarr et il dénonce le projet de nouveau code élaboré et soumis au président Wade par le Comité Islamique pour la réforme du Code de la Famille du Sénégal (Cercofs). (source : Wal Fadjri)

Pour plus d'informations : Agence Allafrica

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