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30.04.03 - Sénégal: Une islamisation rampante.

L'islamisation rampante et la confrérisation du pouvoir sénégalais inquiètent les intellectuels du pays, qui ont décidé le week-end dernier de lutter contre ces menaces à la laïcité de l'Etat et défendre ainsi l'indépendance du pouvoir politique et administratif à l'égard des marabouts.

Un certain nombre de faits ne sont pas sans inquiéter une grande partie de l'opinion sénégalaise. Le président sénégalais Abdoulaye Wade a offert à son marabout un ranch de près de 90.000 ha en cadeau. Les éleveurs Peuls du Sénégal refusent de se faire déposséder de leur zone de pâturage en faveur de khalife général des mourides et d'un industriel agro-alimentaire.

Le président Wade a gracieusement offert au khalife général des mourides, une confrérie musulmane du pays à laquelle il appartient ce ranch qui peut accueillir 15.000 têtes de bétail. Il est utilisé depuis 33 ans, par les éleveurs de plusieurs régions du Sénégal et de la Mauritanie voisine. Il est situé dans la zone la plus pastorale du Sénégal.

Entre autres signes d'inquiétude, ce groupe d'intellectuels a cité la tentative de suppression de la référence à la laïcité dans le projet de constitution de janvier 2001, le rapprochement accéléré entre le pouvoir du président Abdoulaye Wade et la confrérie des mourides à laquelle il appartient, le projet de nouveau code de la famille islamiste, ainsi que l'envahissement des émissions islamiques dans les programmes des radios.

Amatah Dansokho, député de l'opposition, accuse le président Abdoulaye Wade "d'avoir ouvert la boîte de Pandore" en favorisant l'ingérence du religieux dans les affaires de l'Etat.

Le vicaire général et représentant de l'Eglise catholique, l'abbé Adolphe Faye, a dénoncé la tentation actuelle de "tout mouler dans une culture unique dominée par l'islam", en se basant sur la majorité numérique. Selon lui, la promotion de la laïcité passe par le respect des identités religieuses et par le respect de l'autre.

Paul Ngom, un autre catholique, enseignant à l'université de Dakar a fustigé les "accointances particulières et particularisantes, inquiétantes et dangereuses" entre l'Etat et l es chefs religieux. "Cette laïcité est une réalité qu'il faut défendre jalousement, car il y a une tentation vers une culture unique islamisée" et confrérique, ont-ils fait remarquer.

"Nous nous cachons, écrit le cheikh Mb Guisse, derrière l'argument de l'existence d'une pluralité de confessions et d'ethnies au Sénégal pour récuser l'adoption d'un code du statut personnel propre aux musulmans. Certes, la laïcité est un meilleur garant des droits des minorités que le multiconfessionnalisme."

..." Faut-il rappeler que dans un pays musulman, la Tunisie, le président Ben Ali a imposé un Code de la famille moderne (avec notamment l'interdiction de la polygamie, dès 1958) ? Faut-il rappeler que les femmes marocaines, non moins musulmanes, avec l'appui (certes, timoré) du souverain Mohammed VI, se battent résolument pour l'abrogation du code du statut personnel qui les régit ?

"Les musulmans, disent les partisans d'un code musulman de la famille, ont le droit de s'imposer un code conforme à leurs croyances. Nous ne pouvons pas l'imposer aux autres, mais nous pouvons l'imposer à nous-mêmes".

Outre que le Code de la famille actuel permet déjà de choisir le droit applicable en matière familiale, qui est dans ce "nous" dont parlent les islamistes ? Le choix ne sera pas possible et un musulman qui voudrait ne pas être gouverné par la charia serait considéré comme un apostat et dûment lapidé ?

" Ce n'est pas en sapant nos institutions laïques et républicaines, dit encore Mb. Guisse, et en donnant le peu de pouvoir qui reste encore à l'État à une kyrielle de marabouts, walis et autres cadis aux horizons limités, aux convictions féodales et à la formation intellectuelle dogmatique que nous allons bâtir un État fort, capable de mettre en oeuvre des politiques de développement et d'attirer les investisseurs dont on parle tant."

..." Une des caractéristiques fondamentales des pouvoirs théocratiques est leur extraordinaire capacité à confisquer les pouvoirs qui leur ont été gracieusement dévolus par le peuple. Quand bien même le peuple, assagi par quelques années de dictature religieuse, réclamerait de reprendre ce qu'il leur avait confié, les ulémas, qui ne croient pas au peuple souverain, clameront qu'ils détiennent leurs prérogatives de Dieu. C'est ce dont les Iraniens font l'amère expérience aujourd'hui." (source : wal faradji)

Pour plus d'informations : Agence Allafrica

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