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19.08.03 - Ouganda : Sans foi ni loi.

Parce qu'on l'avait vu discuter en 1968 avec Mgr Asili qui venait d'être ordonné évêque de Lira, certaine presse a parlé de l'attitude ambigüe de l'Eglise à son égard. Le P. Ricotti qui l'a connu personnement met les choses au point.

Idi Amin Dada, qui fut le président-patron de l'Ouganda, est décédé le samedi 16 août au "King Faisal Specialist Hospital" de Gedda, en Arabie Saoudite, où il était accueilli pae les dirigeants de ce royaume. Le P. Giuseppe Zeno Ricotti, un missionnaire combonien de 77 ans, qui a personnellement connu le dictateur ougandais Idi Amin Dada avant que celui-ci accède au pouvoir en 1971, en dresse un portrait qui est à la mesure de la réputation, de cet admirateur des procédés hitlériens.

Arrivé au pouvoir suite à un coup d'Etat en 1971, il renversa le gouvernement de Milton Obote et acheva sa carrière politique par sa fuite en 1979 - d'abord en Libye puis en Arabie Saoudite - après l'entrée à Kampala des troupes envoyées par l'ex-président tanzanien Julius Nyerere. "Amin était originaire de la tribu Kakwa, son père avait été soldat au Soudan et il retourna au pays après avoir adhéré à l'Islam; ainsi, Amin se fit musulman, même si il ne s'est jamais révélé au cours de sa vie un vrai fidèle de Mahomet. Ce qui est sûr, c'est que l'ex-dictateur ne fut jamais baptisé, précise le Père Ricotti.

"Amin ne parlait pas anglais et moi j'étais le seul à connaître la langue qu'il utilisait, le logbara", explique le religieux. Il était né en 1925 au sein d'une famille paysanne de la petite communauté musulmane Kakwa. Son lieu de naissance, Arua, est situé dans la région ougandaise du Nil-Occidental. "Le jeune Amin, ajoute le Père combonien, fut envoyé à l'école catholique élémentaire de Koboko, mais il n'y resta que les deux premières années car durant la troisième année, il fut expulsé pour violences contre ses camarades. Il paraît qu'il frappait fort. Il a d'ailleurs été plus tard champion africain des poids lourds de boxe, rappelle le Combonien.

"En 1967, continue Père Picotti, j'appris qu'Amin voulait prendre comme épouse officielle (il en avait déjà d'autres) une jeune femme de la tribu Logbara, Myriam, qui travaillait à la télévision. Myriam était fille de Silas, pasteur protestant dans la région de Maracha, où j'étais curé. Je demandai à Silas de ne pas donner son consentement à ce mariage, mais la grosse somme d'argent qui lui était offerte l'attira et il accepta.

"Peu avant de prendre la fuite, continue le missionnaire combonien, Amin a tué sa femme Myriam. Je suis allé présenter mes condoléances au pasteur Silas. Ce dernier me dit que les anciens du clan ayant le droit de vérifier la mort de la victime, selon la coutume logbara, ils ouvrirent son cercueil et trouvèrent le corps de Myriam mutilé".

Son régime fut caractérisé par un mélange d'excentricité et de purges violentes. Accusé par la Commission internationale des juristes en 1977 d'avoir violé tous les droits de l'homme au cours d'un "règne de terreur", il ne cachait pas son admiration pour Adolf Hitler. Des exilés l'accusaient de conserver des têtes coupées dans un réfrigérateur, de livrer des cadavres aux crocodiles. Certains le disaient même adepte du cannibalisme. Il est responsable de la mort d'au moins 100.000 personnes entre son arrivée au pouvoir en 1971 et son éviction en 1979.

Le révérend Alfred Ucur, un prêtre anglican de la ville de Lira -située dans une région brimée par Amin Dada parce terre d'origine de son prédécesseur Milton Obote- a regretté que le dictateur soit mort sans avoir exprimé de regrets. "Il aurait fallu qu'il vive plus longtemps afin qu'il puisse se repentir. A présent, il est parti. Il est mort et se trouve hors de portée des hommes. Mais il devra affronter le jugement divin".

Shaban Muhajje, chef de la communauté musulmane ougandaise, a déclaré à la radio privée CBS qu'Amin Dada avait "fait des erreurs, mais n'était pas un mauvais homme". Il a appelé tous les Musulmans à prier dans les mosquées pour l'âme de celui qui se réclamait d'Adolf Hitler. Dalal Murtaza, le président de l'Association indienne d'Ouganda, forte de 15.000 membres, a déclaré ne pas avoir de "rancune à l'encontre d'Amin Dada maintenant que son ère est terminée". L'expulsion des Indo-pakistanais il y a trente ans fut un événement "très triste (...) Le pays a été ruiné et beaucoup de vies ont été perdues. A présent, ça fait partie de l'histoire puisqu'il est mort et il n'y a pas de raison d'avoir de la rancune envers un mort".

Reed Broody de l'association "Human Rights Watch" a estimé pour sa part que c'est "une honte que la mort ait rattrapé Idi Amin avant la justice. Idi Amin était un tyran brutal, mais il est mort de la mort paisible qu'il a refusée à tant d'Ougandais". (source : misna)

Pour plus d'informations : Agence Misna

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