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du 25 au 27 février 2009 (semaine 09)
 

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2009-02-27 -
HANS KÜNG ANALYSE LES DÉCISIONS DU PAPE


Dans une vision européenne et occidentale,
le théologien suisse Hans Küng voit le risque que, dans les décisions de Benoît XVI, l'Église s'enferme dans une sorte de secte réunissant un petit nombre de "vrais catholiques".

Dans un entretien rapporté par le quotidien français, le Monde,
Hans Küng estime que le Pape "défend l'idée du 'petit troupeau' (...) même si l'Église perd beaucoup de ses fidèles, il y aura au final une Église élitiste formée de 'vrais' catholiques".

Pour lui, "c'est une illusion de penser que l'on peut continuer comme cela, sans prêtres, sans vocations". L'Asie comme l'Afrique lui apportent leur démenti (ndlr). Et d'avancer ce conseil: le Pape devrait "d'abord reconnaître que l'Église traverse une crise profonde". Ce que d'ailleurs demandent également les évêques de la Fraternité Saint Pie X.

Mais Hans Küng propose une autre vision de l'avenir. Le Pape pourrait ensuite "faire un geste pour les divorcés et dire qu'à certaines conditions ils peuvent être admis à la communion (...); corriger l'encyclique Humanae Vitae en disant que dans certains cas la pilule est possible", moderniser sa théologie et abolir le célibat des prêtres.

..." Benoît XVI a toujours vécu dans un milieu ecclésiastique. Il a très peu voyagé. Il est resté enfermé au Vatican - qui est comme le Kremlin d'autrefois -, où il est préservé des critiques. Du coup, il n'a pas été capable de réaliser l'impact d'une telle décision dans le monde. Le secrétaire d'Etat, Tarcisio Bertone, qui pourrait être un contre-pouvoir, était son subordonné à la Congrégation pour la doctrine de la foi ; c'est un homme de doctrine, absolument soumis à Benoît XVI. On est face à un problème de structure. Il n'y aucun élément démocratique dans ce système, aucune correction. Le pape a été élu par des conservateurs, et aujourd'hui c'est lui qui nomme les conservateurs."

Selon le théologien allemand, le Pape a "une position ambiguë sur les textes du concile Vatican II car il n'est pas à l'aise avec la modernité et la réforme"... " Il a pensé qu'il pourrait trouver une formule pour réintégrer les schismatiques, qui, tout en conservant leurs convictions, pourraient donner l'apparence qu'ils sont en accord avec le concile Vatican II. Il s'est bien trompé."

... "Il est fidèle au concile, à sa manière. Il insiste toujours, comme Jean Paul II, sur la continuité avec la "tradition". Pour lui, cette tradition remonte à la période médiévale et hellénistique. Il ne veut surtout pas admettre que Vatican II a provoqué une rupture, par exemple, sur la reconnaissance de la liberté religieuse, combattue par tous les papes antérieurs au concile."

"
La conception profonde de Benoît XVI est qu'il faut accueillir le concile, mais qu'il convient de l'interpréter ; peut-être pas à la manière des lefebvristes, mais en tout cas dans le respect de la tradition et de manière restrictive. Il a par exemple toujours été critique sur la liturgie de Vatican II."

..." Je pense que le choc des mouvements de protestation de 1968 a ressuscité son passé. Ratzinger était conservateur. Durant le concile, il s'est ouvert, même s'il était déjà sceptique. Avec 68, il est revenu à des positions très conservatrices, qu'il a gardées jusqu'à aujourd'hui."

..." Aujourd'hui, je me demande s'il est capable de faire quelque chose de courageux. Déjà, il faudrait qu'il reconnaisse que l'Eglise catholique traverse une crise profonde. Ensuite, il pourrait très facilement faire un geste pour les divorcés et dire qu'à certaines conditions ils peuvent être admis à la communion. Il pourrait corriger l'encyclique Humanae Vitae (qui a condamné toutes formes de contraception en 1968) en disant que dans certains cas la pilule est possible."

..." Il pourrait corriger sa théologie, qui date du concile de Nicée (en 325). Il pourrait dire demain : "J'abolis la loi du célibat pour les prêtres." Il est beaucoup plus puissant que le président des Etats-Unis ! Il n'a pas à rendre compte à une Cour suprême ! Il pourrait aussi convoquer un nouveau concile.


Enfin Hans Küng juge "scandaleux" que pour marquer le 50ème anniversaire du lancement de Vatican II par Jean XXIII, en plus des déclarations qu'il a fait à cette date, "le Pape n'ait pas fait l'éloge de son prédécesseur mais ait choisi de lever l'excommunication de personnes opposées à ce concile".

Et il conclut cet entretien : " Benoît XVI se sent plus proche des intégristes que des gens comme moi, qui ont travaillé et accepté le concile." (source : Le Monde)

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