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du 16 au 18 mars 2009 (semaine 12)
 

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2009-03-18 -
UNE RÉFLEXION QUI NOUS DONNE À RÉFLÉCHIR.

Le Vatican précise les propos du pape sur le sida

Sous ce titre, le quotidien catholique "La Croix" nous transmet la réflexion de ses deux correspondants à Yaoundé, Isabelle de Gaulmyn et Fredéric Mounier. Seul un media quotidien peut nous tenir de l'actualité immédiate. "La Croix" est mieux placée que tout autre. Nous vous en donnons le texte intégral, vous invitant à suivre au plus près de l'actualité cette visite pastorale dans ce quotidien.

" Les propos du pape sur l’utilisation du préservatif, soutenu par des évêques africains, ont déclenché une importante vague d’indignation en France tant dans les milieux politiques que chez les scientifiques et les associations

" Benoît XVI lors de la conférence de presse organisée durant son vol pour Yaoundé, au Cameroun, mardi 17 mars (Photo Giuliani/CPP/Ciric).

" Mercredi midi, depuis Yaoundé, le P. Federico Lombardi, directeur du bureau de presse du Saint-Siège, est venu devant les journalistes pour expliquer la position du pape sur le Sida : « Le pape s’est exprimé dans l’avion d’une manière très brève, qu’il faut replacer dans son contexte. On ne peut attendre, durant ce voyage, de changement de la position du pape sur les questions de sexualité et du préservatif. Il se situe dans la continuité de son prédécesseur » a-t-il affirmé.

" Le P. Lombardi a d’abord rappelé que la question posée au pape était celle de l’efficacité de l’action de l’Église contre le sida. Or, l’Église au contraire, est très présente sur ce front, et justement, a-t-il précisé, « mercredi matin, Benoît XVI s’est entretenu avec une soixantaine de jeunes laïcs africains, engagés avec la communauté Sant'Egidio, dans un programme de lutte contre le Sida basé sur l’éducation et les soins ».

" En réalité, a expliqué le jésuite, Benoît XVI voulait signifier que, « en pointant uniquement le préservatif comme moyen de lutter contre l’épidémie, on risquait d’oublier les autres aspects, qui sont essentiels ». L’Église fait confiance « dans la responsabilité des Africains, la possibilité de faire un travail d’éducation du comportement, l’affirmation des valeurs du mariage, de la fidélité, et de la famille ».

" Pour le pape, a-t-il poursuivi, l’essentiel passe par cette éducation. Le P. Lombardi a critiqué cette forme « d’idéologie de la confiance absolue dans le préservatif », qui dispenserait de s’attaquer aux causes plus profondes : “L’Église, elle, met l’accent sur la responsabilité et le comportement des personnes ».
"Il est totalement faux de dire que le pape est indifférent"

" Le P. Lombardi a ajouté que ce qui est ressorti de la discussion du pape avec les membres de Sant'Egidio en Afrique, c’est qu'« il est aujourd’hui possible de soigner le sida », que les Africains, sont, « contrairement à ce que l’on dit en Europe, tout à fait capables d’assurer une bonne pratique sanitaire garantissant le succès des soins », mais que « le problème numéro un restait le coût de ces soins ». C’est pourquoi le pape a dit, dès son discours d’arrivée, qu’il fallait parvenir à diminuer ce coût pour le continent, et parvenir à la gratuité des médicaments.

" Mais, a conclu le P. Lombardi, « il est totalement faux de dire que le pape est indifférent à la souffrance des malades du sida. Au contraire, il a lui-même souligné toute la tradition de l’Église, depuis des années, dans la lutte contre le sida ». Simplement, « si on ne donne comme unique réponse que la distribution du préservatif, on ne fait que diminuer le sens des responsabilités des personnes ».
Une vague de protestations aux proportions inédites

" De fait, la vague de protestation, mercredi matin, a pris des proportions inédites. Fait inhabituel, le ministère des affaires étrangères a exprimé la "très vive inquiétude" de la France devant des propos qui mettent en danger "les politiques de santé publique et les impératifs de protection de la vie humaine". La France estime "qu’avec l’information, l’éducation et le dépistage, le préservatif est un élément fondamental des actions de prévention de la transmission du virus du sida".

" Pour sa part, le directeur exécutif du Fonds mondial de lutte contre le sida, Michel Kazatchkine, a exprimé sa "profonde indignation" et a demandé au pape de "retirer ses propos, et clairement", les jugeant "inacceptables".

" Rompant avec sa réserve habituelle, l’ancien premier ministre Alain Juppé (UMP) a affirmé, tout en se déclarant catholique et "attaché aux valeurs chrétiennes" : "Ce pape commence à poser un vrai problème".

" Pour lui, ces propos - une "contre-vérité" – donnent l’impression que le pape vit "dans une situation d’autisme total". Sur RTL, Christine Boutin, ministre du logement, a affirmé : "En matière de préservatif, chacun fait comme il peut et comme il veut. N’attendez pas du pape qu’il dise qu’il faut mettre le préservatif".

" Des déclarations qualifiées d'"irresponsables" et de "criminelles"

" À l’autre bout de l’échiquier politique, la secrétaire nationale du PCF Marie-George Buffet a qualifié ces déclarations d’"irresponsables" et de "criminelles". Daniel Cohn-Bendit, député européen des Verts, a estimé que les propos du pape constituaient "presque un meurtre prémédité". "Il y en a assez maintenant de ce pape", a-t-il lancé. Le président de l’association Élus locaux contre le sida, Jean-Luc Romero, "totalement scandalisé et sidéré" a évoqué "un message de mort adressé aux Africains".

" Pour sa part, le directeur de l’Agence nationale de recherches sur le sida, Jean-François Delfraissy, s’est dit "catastrophé par ce type de message extrêmement contre-productif alors même que le pape arrive dans le continent africain, le continent le plus touché par l’épidémie". Pour l’ONG Médecins du monde, il s’agit de "paroles gravissimes quand on voit l’impact que ce type de message peut avoir en Afrique. Ce sont des années de travail qui sont remises en cause, et surtout ce sont des millions de gens qui vont être contaminés à cause de ces déclarations".

" Face à cette vague, l’évêque de Gap, Mgr Jean-Michel Di Falco, a répété sur RTL que si l’on ne parvient pas à vivre "l’idéal" de la fidélité, "on ne doit être ni criminel, ni suicidaire et on doit utiliser le préservatif". Tout en affirmant que le pape n’avait fait qu’exprimer "l’idéal" catholique de fidélité et d’abstinence et qu’il n’entrait pas là "dans les situations concrètes". À la même heure sur Europe 1, le P. Guy Gilbert expliquait que, depuis longtemps, il donnait des préservatifs à ses "loubards", et qu’il avait ainsi "sauvé plusieurs vies".

"Sur 100 catholiques, 99 utilisent aujourd’hui le préservatif"

" Au Cameroun, les réactions sont également vives. "Le Pape vit-il au XXI° siècle ?", s’interroge Alain Fogué, du Mouvement camerounais pour le plaidoyer à l’accès aux traitements (Mocpat). Il poursuit : "Qu’il le veuille ou non, sur 100 catholiques, 99 utilisent aujourd’hui le préservatif".

" À l’extrême Nord du pays, à Tokombéré, le P. Christian Aurenche, médecin, terminait mercredi 18 mars sa consultation dans l’un des plus importants centres de soins de la région, qui dispose d’un pavillon d’accueil des sidéens. Il constate : "Évidemment, nous défendons la famille avant le caoutchouc. Depuis 40 ans, nous menons des actions d’éducation et de responsabilisation auprès des jeunes en faveur de la fidélité, de la chasteté, de relations affectives stables. Mais pour autant, parfois, il faut utiliser l’instrument des pompiers pour éteindre le feu. Pour sauver des vies, il faut utiliser ce qu’on a. Il faut savoir qu’au Cameroun, c’est presque 10 % de la population qui est affectée".
Des évêques africains appuient les propos de Benoît XVI

" Interrogé par la chaîne KTO et l’agence I.Média, le cardinal archevêque de Dakar, Mgr Théodore-Adrien Sarr, a martelé : « Je demande aux Occidentaux de ne pas nous imposer leur unique et seule façon de voir. Dans des pays comme les nôtres, l’abstinence et la fidélité sont des valeurs qui sont encore vécues. Avec leur promotion, nous contribuons à la prévention contre le sida ». « Nous ne pouvons pas promouvoir l’utilisation du préservatif, a-t-il poursuivi, mais prêcher les valeurs morales qui, pour nous, demeurent valables, afin d’aider nos populations à se prémunir du sida : l’abstinence et la fidélité ».

" Dans le même sens, Mgr Simon Ntamwana, archevêque de Gitega au Burundi, a dénoncé « le glissement de pensée » de l’Occident et son « hédonisme sexuel devenu comme un chemin incontournable ». « Ce n’est pas le préservatif, a-t-il soutenu, qui va diminuer le nombre d’infections du sida, mais certainement une discipline que chacun doit s’imposer pour pouvoir changer d’attitude, une attitude qui va l’aider à échapper à un hédonisme qu’il ne peut plus contrôler ».

" Pour sa part, l’archevêque de Kinshasa (RDC), Mgr Laurent Monsengwo, a expliqué que le préservatif « aggrave le problème car il donne une fausse sécurité, une sécurité qui n’en est pas toujours une ».

Isabelle DE GAULMYN, à Yaoundé, et Frédéric MOUNIER
(source : La Croix)

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