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du 27 au 30 mai 2009 (semaine 22)
 

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2009-05-30 - Centrafrique
UNE CRISE RÉVÉLATRICE D'UN PROFOND MALAISE

Des prêtres diocésains, déstabilisés par une récente enquête du Vatican et par deux démissions épiscopales, ont décidé de se mettre en grève, puis y ont renoncé, révélant ainsi un malaise à la veille du synode des évêques sur l'Afrique.

Depuis des années, entre les rives de l’Oubangui et du Chari, le feu couvait sous la cendre. Notamment depuis la nomination de deux évêques européens, le spiritain allemand Peter Marzinkowski à Alindao en 2004 et le salésien belge Albert Vanbuel à Kaga-Bandoro en 2005. À chaque fois, le clergé diocésain de la République centrafricaine (RCA), en pleine expansion, avait manifesté un ressentiment certain.

Car cette Église, au rôle essentiel face au délabrement de ce pays d’Afrique centrale, vit un tournant de son histoire : en 1990, elle comptait 175 prêtres européens pour 83 prêtres centrafricains. En 2003, les premiers étaient 139, les seconds 138 et aujourd’hui, le rapport est de deux à trois.

Dans un « message au peuple chrétien » publié dans la presse locale le 26 mai, un groupe se nommant « les prêtres diocésains » réuni en assemblée extraordinaire, déclare : "Religieux, religieuses, évêques européens se sont lancés dans la médisance, la calomnie et les délations en tous genres contre le clergé autochtone...Nous déplorons la main basse de certains missionnaires pour récupérer toutes les instances de responsabilité. N’est-ce pas du néocolonialisme ecclésiastique ?" et ils concluent : "Nous ne sommes pas ce qu’on dit de nous."

En effet à la suite d'une visite apostolique effectuée à Bangui en 2008 par Mgr Robert Sarah, secrétaire de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples, ancien archevêque de Conakry, le cardinal Ivan Dias, préfet de la Congrégation, avait adressé le 18 mai une lettre aux prêtres : "Votre conduite morale n’est pas toujours conforme à vos engagements à la suite du Christ chaste, pauvre et obéissant... On ne peut plus nier ce que tout le monde connaît en profondeur".

Et cette lettre semble mettre également en cause deux évêques qui sont conduits à démissionner selon les normes canoniques de l’article 401 du Code de droit canon qui précise ainsi que "l’évêque diocésain qui, pour une raison de santé ou pour toute autre cause grave, ne pourrait plus remplir convenablement son office, est instamment prié de présenter la renonciation à cet office".

Les conditions étaient réunies pour qu’éclate l’orage, quand le lendemain 25 mai, Benoît XVI accepte la démission de Mgr Paulin Pomodimo, archevêque de Bangui, âgé de 54 ans et président de la Conférence épiscopale centrafricaine. Une démission survenue après celle de Mgr François-Xavier Yombadje, évêque de Bossangoa, âgé de 52 ans, acceptée le 16 mai. Or Mgr Yomadje est président de l'Association des Conférences Episcopales de la Région de l’Afrique Centrale, l'ACERAC.

Le 27 mai, ce groupement de prêtres lancent un mot d’ordre de grève avec "arrêt des messes en public et arrêt des sacrements dans les paroisses", consigne annulée le lendemain jeudi 28 mai.

Ces prêtres estiment que l'enquête n'était pas dépourvue de parti pris. Ils ont publié leur prise de position sur les ondes de la radio catholique "Notre Dame". Mais l'unanimité n'existe pas parmi le clergé de la République centrafricaine, étant donné que, sur les ondes de Radio Ndeke Luka, le vicaire général du diocèse de Bambari a demandé à ses confrères de renoncer à leur mouvement de grève. Ce qu'ils ont fait

L'administrateur apostolique, le P. Dieudonné Nzapalainga, nommé en attendant le remplacement de Mgr Pomodimo, est certes un centreafricain, non pas du clergé diocésain mais un religieux spiritain, formé chez les jésuites à Paris et qui a vécu dans les quartiers nord de Marseille. Rentré au pays en 2007, il y préside la Conférence des religieux et religieuses centrafricains.

Plus que sa personne, c’est l’origine romaine de sa nomination, et son appartenance à une congrégation missionnaire, qui semblent contestées. Dans ce contexte tendu, un espoir de sortie de crise pourrait être la nomination d’un médiateur. L’axe de la crise se déplacerait, ne donnant plus prise à l’accusation de "néo-colonialisme."

La presse centrafricaine évoque à ce propos "la question cruciale du célibat des prêtres". "Dans pratiquement tous les diocèses et la plupart des paroisses, des séculiers et des réguliers entretiennent des foyers avec femmes et enfants. Si les enfants ne portent pas le nom du père, par pudeur, des frères et des sœurs de l’abbé ou du prêtre sont là pour s’en occuper. La République Centrafricaine n’est pas le seul pays dans ce cas, mais la contagion a atteint tous les autres Etats africains", écrit ainsi le quotidien indépendant "Le Confident" à Bangui. (source : Apic et Africanews)

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