Pour vivre au rythme de l'Eglise universelle.
FlashPress - Infocatho
du 19 au 22 novembre 2009 (semaine 47)
 

-
2009-11-22 -
LA THÉOLOGIE DE LA LIBÉRATION RESTE BIEN VIVANTE

" Bien qu'elle ait déjà plus de quarante ans, la théologie de la libération reste une source d´inspiration pour ceux qui souhaitent créer un monde plus juste, et ce, malgré les critiques qui affirment que cette théologie est dépassée."

Telle est le point de vue du pasteur Walter Altmann, président du Comité central du COE, le Conseil oecuménique des Églises. Il l'avait évoqué en août dernier et il vient de le reprendre sur le site web du COE.

" Après la chute du mur de Berlin, il y a vingt ans, de nombreux observateurs se sont empressés de signer l'arrêt de mort de la théologie de la libération. La plupart d'entre eux l'ont fait car ils la voyaient comme une apologie du socialisme soviétique d'autrefois. Il semble cependant que ces observateurs soient allés un peu vite en besogne.

" Il est vrai que les théologiens de la libération - certains plus que d'autres - ont utilisé les catégories marxistes pour faire l'analyse socio-économique et pour critiquer les méfaits du capitalisme. Cependant, la base de la théologie de la libération n'a jamais été le marxisme.

" C'est plutôt la compassion avec les pauvres et leur lutte pour la justice, inspirée par la vie et les enseignements de Jésus lui-même, qui se trouve en son coeur. A la place de l'analyse sociale, qui était considérée comme un outil méthodologique, la théologie de la libération a mis dès le début l'accent sur le rôle fondamental de la praxis engagée du peuple de Dieu, c'est-à-dire l'action des communautés chrétiennes inspirée par la foi et fondée sur la réflexion théologique.

" La théologie de la libération puise son inspiration - et sa motivation - dans la rencontre avec le Christ en tant que libérateur, et avec nos voisins dans le besoin, une rencontre qui change la vie. Leur souffrance n'est pas due au destin, mais aux injustices et à l'oppression systémiques, qui peuvent être surmontées grâce à l'action transformatrice.

" La réalité actuelle nous rappelle que la pauvreté n'a encore aucunement été anéantie dans le monde. Au contraire, la récente crise financière internationale - provoquée par des forces capitalistes décomplexées portées par la cupidité et les intérêts d'individus et d'entreprises - a entraîné une augmentation du nombre de pauvres, ou plus précisément, d'appauvris, de l'ordre de centaines de millions dans le monde.

" La théologie de la libération est née à la fin des années 1960 en Amérique latine. Le terrain avait été préparé dans les années 1950 par des mouvements de communautés chrétiennes de base cherchant à obtenir des réformes sociales, politiques et économiques dans la société, et la participation active des laïcs à des activités pastorales au sein de l'Eglise.

" L'Amérique latine étant un continent principalement "catholique", la nouvelle approche théologique était essentiellement liée aux évolutions pastorales et théologiques au sein de l'Eglise catholique romaine, même s'il s'agissait dès le début d'un effort oecuménique. Le terme même de "théologie de la libération" a été proposé presque simultanément par le prêtre catholique romain du Pérou Gustavo Gutiérrez et le théologien presbytérien du Brésil Rubem Alves.

" Il n'est donc pas surprenant que, dans les années 1970 et 1980, la théologie de la libération ait eu une forte influence sur le mouvement oecuménique, y compris sur le Conseil oecuménique des Eglises (COE). L'importance de ses actions visant à soutenir les combats en faveur des droits de la personne dans les dictatures militaires d'Amérique latine, à élaborer des méthodes efficaces de lutte contre l'analphabétisme (comme l'a fait le pédagogue brésilien et conseiller en matière d'éducation auprès du COE Paulo Freire), et à s'attaquer au problème du racisme, en particulier en Afrique du Sud, a été largement reconnue.

" En tant qu'approche contextuelle permettant de porter un regard critique sur la praxis du peuple de Dieu, la théologie de la libération n'a jamais été vouée à devenir une construction théorique statique et dogmatique. Son objectif n'était pas de mettre en lumière un thème théologique négligé, mais plutôt de proposer une nouvelle façon de faire de la théologie. Elle a naturellement connu quelques changements au cours des décennies. Au début, elle mettait l'accent sur les conditions de vie des pauvres, puis elle a incorporé d'autres questions, comme les peuples autochtones, le racisme, les inégalités hommes-femmes et l'écologie.

" De nos jours, la théologie de la libération s'intéresse également à l'interprétation des cultures et aux questions anthropologiques, comme la tentation du pouvoir. L'objectif d'une société plus juste où il y a "de la place pour tous" demeure, néanmoins la responsabilité de sa réalisation s'est déplacée vers l'action de la société civile.

" L'influence de la théologie de la libération va bien au-delà du domaine des Eglises. On a déjà évoqué sa contribution au renversement des dictatures militaires en Amérique du Sud et à la fin de l'apartheid en Afrique australe. Aujourd'hui, elle contribue à façonner les efforts politiques de l'Amérique latine pour établir un modèle de démocratie réduisant à néant la pauvreté et les injustices sociales. Plusieurs présidents latino-américains - Luis Inácio Lula da Silva au Brésil, Evo Morales en Bolivie, Rafael Correa en Equateur, Daniel Ortega au Nicaragua et Fernando Lugo au Paraguay - ont tous eu de diverses façons des contacts étroits avec des communautés de base chrétiennes et des théologiens et théologiennes de la libération.

" Mais par-dessus tout, la théologie de la libération reste bien en vie et bien intégrée aux mouvements de la société civile et aux communautés chrétiennes de base." (source : ENI)


Retour aux dépêches