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26.01.04 - Au diapason du monde contemporain.

Lors des Journées nationales de la Presse catholique en France, la parole a été donnée à un auteur belge qui n'a pas hésité à parler des illusions de l'Eglise en ce qui concerne ses capacités dans le domaine des communications sociales.

Pour lui en effet, l'Eglise a largement perdu le contact avec la culture contemporaine et le monde des médias, alors que la religion chrétienne n'a jamais été autant médiatique et médiatisée qu'aujourd'hui. Cette communication serait-elle en passe d'atteindre le niveau zéro, "celui de la rupture définitive" ?

" Certes, a déclaré Frédéric Antoine, fondateur et animateur de l'Observatoire du récit médiatique de l'UCL, les Eglises ont en général l'impression que tout baigne dans l'huile et que le courant ne passe pas trop mal entre elles et les médias. En effet, depuis une bonne trentaine d'années, les Eglises ont appris à communiquer; elles ont mis sur pied des institutions ad hoc et nommé des responsables de presse. Elles n'ont jamais aussi bien maîtrisé les technologies de la communication et disposent de leurs propres médias, parfois aussi sophistiqués que la tv par satellite, sans parler d'internet ou des réseaux de radios FM. "

Et pourtant l'Eglise doit reconnaître que "Ce qui parlait aux gens jadis par inculturation a désormais perdu une grande partie de son sens. Le décalage tend à la fracture". "Sans vouloir choquer quiconque, je pense que la vision optimiste des choses se baigne d'illusion"..." Elle est sur le point de perdre la culture et les médias. Et le drame est, je pense, qu'elle n'en a pas conscience ou du moins pas assez!" Elle serait même plutôt convaincue du contraire, estimant être parfaitement "dans la culture" et "au cœur de la communication".

..."L'impression est là que, quoiqu'on en dise, la religion constitue toujours le ferment de la culture contemporaine, le creuset d'un monde qui, sans elle, ne posséderait plus vraiment de bases." C'est dans la sphère du langage, du vocabulaire et des références signifiantes que le professeur belge voit un des grands lieux de fracture entre l'Eglise et le monde. Même passé du latin aux langues modernes, le vocabulaire religieux a perdu son sens. Qu'il s'agisse du vocabulaire de la chose religieuse, celui du rituel ou même celui des livres saints.

"La parole de Dieu a, en grande partie, perdu son sens parce qu'elle ne résonne plus aux oreilles actuelles. Le fait qu'elle ait été produite au sein d'une autre culture et d'un autre temps n'y est pas étranger. L'obsession de non-altération de cette parole, la préoccupation d'immuabilité qui l'entoure, ont aussi contribué à la rendre non signifiante."

Le chercheur catholique belge ne craint pas d'utiliser des métaphores cinglantes : "A plus d'un égard, l'Eglise se dessèche du monde", alors qu'elle croit être au diapason de la culture parce que l'humus du monde occidental est parsemé de chrétienté, plus exactement de judéo-chrétienté... La culture actuelle, celle qui fait vivre les êtres de ce XXIème siècle, n'a plus aucun rapport avec la culture du monde chrétien. Les références, les valeurs, ce qui fait et construit l'être au monde actuel sont totalement différentes."

Le monde de l'Eglise "appartient au passé, c'est un temps ancien qui ne reviendra plus." C'est dans la sphère du langage, du vocabulaire et des références signifiantes que le professeur belge voit un des grands lieux de fracture entre l'Eglise et le monde. Si ce que l'Eglise transmet aux médias ne répond pas à leurs règles de fonctionnement, à ce qui est valorisé dans la culture d'aujourd'hui, à ce qui correspond à l'horizon d'attente des lecteurs, les médias n'en auront cure.

Car pour lui, "les médias ne sont pas des 'instruments de communication', et cela, l'Eglise ne l'a pas compris." Et le professeur de l'UCL de rappeler qu'utiliser les outils de la communication ne signifie pas que l'on produit de la communication, et encore moins que l'on participe à un processus communicationnel: "Avec les outils de la communication, à mon sens, l'Eglise ne fait pas de la communication. Elle continue à professer, énoncer, proclamer, sans trop se soucier de son destinataire…"

Dans le processus de communication, l'usager du message est aussi important que son producteur. Saint Thomas d'Aquin le disait déjà : "Quidquid recipitur ad modum recipientis recipitur." (Ce qui est reçu l'est selon la capacité de celui qui reçoit."... "Il faut recréer le dialogue avec la modernité, c'est pour l'Eglise le chantier de ce siècle." Un texte de conférence et un livre à réfléchir même si l'on ne peut être d'accord avec certaines de ces affirmations. "Le grand malentendu - L'Eglise a-t-elle perdu la culture et les médias ?", Frédéric Antoine. Editions Desclée de Brouwer 2003 (source : ffpc/apic)

Pour plus d'informations s'adresser à : FFPC

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