08.05.04
- Nigeria : La réalité
des faits.
L'Eglise catholique du Nigeria a fermement
critiqué les nouvelles rapportées dans la presse locale au sujet des
'milices chrétiennes' qui auraient organisé des attaques contre la communauté
musulmane dans la petite ville de Yelwa, Etat du Plateau.
L'agence "Catholic information service for Africa" (CISA),
tempère les affirmations catégoriques et simplifiées
de certains medias. En fait'il n'y avait jamais eu d'attaque coordonnée
par des chrétiens: "les nouvelles de l'existence présumée de milices
chrétiennes et de génocide au Nigeria circulent mais d'après ce que
nous savons, l'existence de tels groupes n'est pas du tout évidente",
dit son correspondant dans la région.
La Croix Rouge locale avait fourni un bilan de 630 morts, dont les cadavres
ont été trouvés dans des fosses communes, mais les journaux nigérians
ne peuvent encore fournir aujourd'hui de chiffres précis sur le massacre
perpétré dimanche dernier, quand des groupes armés de la communauté
Tarok (chrétiens et essentiellement agriculteurs) ont attaqué des Fulani
(musulmans et essentiellement éleveurs).
En effet, dans
ces régions, les morts ne sont traditionnellement pas ensevelis dans
des fosses communes. " Je ne voudrais pas que nous ayons à faire
à des exagérations que les guerres entraînent généralement", déclare
l'évêque de cette région, Mgr Kaigama, évêque
de Jos. "D'après
les informations en ma possession, 60 à 70 personnes ont été tuées à
Yelwa. Je pense plutôt que
beaucoup de personnes données pour mortes sont plutôt portées disparues,
elles ont peut-être trouvé refuge dans les environs."
... "Je demande aux journalistes de se rendre sur place et de vérifier
ces informations. Parce que diffuser des chiffres de telles proportions
sans vérifier risque de devenir très dangereux et déstabilisant. Le
danger est que ce genre de nouvelles fomente de nouvelles tensions et
de la haine, de nouvelles envies de vengeance entre des groupes qui
ont déjà beaucoup de comptes à régler."
..." Malheureusement les nouvelles diffusées par la BBC ou autres
radios et agences internationales sont considérées plus fiables que
celles qui sont données par des sources locales. Comment réagiront,
selon vous, devant de tels chiffres, les millions de musulmans nigérians
qui cohabitent avec les chrétiens dans d'autres zones du pays, dans
un équilibre parfois précaire?" s'interroge l'évêque.
... "Ces choses-là ne font que stimuler des réactions négatives, et
je suis sûr que personne n'est allé sur place. Et il est temps d'arrêter
de parler de milices chrétiennes, ou de milices musulmanes. La question
n'est pas religieuse, ou du moins pas seulement. Ces groupes armés ne
sont pas composés que de chrétiens ou de musulmans. Cette façon de simplifier
le contexte nigérian, déjà compliqué, est erronée et peut
avoir des effets négatifs. Il y a des différences ethniques et culturelles
entre deux groupes qui vivent sur la même terre. Elles deviennent un
mélange explosif quand on entre dans les conflits entre ces groupes."
..." Ce qui s'est passé la semaine dernière est la folle riposte
à une attaque perpétrée par les Fulani contre les Tarok il y a quelques
mois, des violences qui avaient poussé les Tarok à quitter Yelwa. Donner
des informations erronées n'aide personne: ni les étrangers qui cherchent
à comprendre, ni les Nigerians à affronter leurs problèmes" conclut
Mgr Kaigama.
Selon les dernières nouvelles en provenance de Yelwa, des milliers de
musulmans seraient en train d'abandonner la ville. Le porte-parole de
la présidence nigériane a déclaré que le bilan de 630 victimes était
excessif. En réalité, l'attaque de Yelwa n'est que le dernier d'une
longue succession de conflits entre divers groupes ethniques, qui se
heurtent pour motifs ethniques et sociaux, plus que pour des motifs
religieux. Chez
les sédentaires agriculteurs (comme les Tarok), les franges extrémistes
considèrent les nomades Fulani comme des " colonisateurs" et les deux
groupes se disputent la terre de longue date.
Au cours de ces trois derniers mois, les affrontements entre les deux
groupes dans la zone de Yelwa ont fait plus de 400 victimes. Depuis
1999, année d'arrivée au pouvoir du président Olusegun Obasanjo après
15 ans de gouvernement militaire, plus de 10.000 personnes ont été tuées
dans des affrontements ethniques, politiques et religieux. Ces
conflits ont créé une spirale de violence et des vengeances en série,
qui avaient déjà fait, en février, au moins une centaine de victimes
chez les Tarok.
Au centre
des violences, il y a les ethnies des Fulanis, principalement musulmans
qui se consacrent à l'élevage et luttent pour le contrôle des meilleures
terres contre les Taroks, agriculteurs, principalement chrétiens et
qui voient leurs terres détruites par les troupeaux. Le 26 février
de cette année, 48 personnes, des femmes et des enfants, de l'ethnie
Tarok, ont été tuées dans l'église de la communauté protestante COCIN
(Church of Christ in Nigeria), par un groupe d'hommes armés qui a fait
irruption dans le sanctuaire, en tuant sans discrimination les assistants.
En mars, les évêques du Nigeria avaient déploré les violences de "certains
religieux fanatiques perpétrées contre des citoyens innocents" dans
l'Etat du Plateau. Les prélats avaient réaffirmé leur volonté de "condamner
les actes de violence commis au nom de Dieu".
Plus d'un millier de personnes ont été tuées en 2001 dans des incidents
entre chrétiens et musulmans. En 2002, les affrontements ont fait des
centaines de victimes. (source : fides)
Pour plus d'informations : Agence Fides
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