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du 22 au 25 juin 2007 (semaine 25)
 

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2007-06-25 -
UN AUTRE REGARD SUR L'ISLAM


Le métropolite du Mont-Liban, Georges Khodr, est l’un des meilleurs connaisseurs de l’Islam. En recevant son diplôme de docteur "honoris causa", à l'Institut orthodoxe St Serge de Paris, il a consacré son allocution à "la nature de l’islam".

L'institut de théologie orthodoxe Saint-Serge de Paris reconnaissait ainsi la connaissance acquise sur le terrain par cet évêque orthodoxe libanais de 84 ans, ancien professeur de civilisation arabe à l’Université libanaise et métropolite du Mont-Liban depuis 1970.

Il a traité avec une grande précision, une grande lucidité et une haute théologie ce sujet délicat, mais que cet Oriental policé, héritier de siècles de cohabitation entre chrétiens et musulmans, connaît sur le bout des doigts. Évitant les pièges de la polémique, il propose en effet une nouvelle approche de l’Islam, en rupture avec celle des orientalistes qui l’envisagent aux côtés du christianisme et du judaïsme dans les religions abrahamiques.  « Abraham n’a pas du tout la même place chez les juifs, les chrétiens et les musulmans »,  explique-t-il, appelant donc à  « un autre regard sur l’islam ».

Nous ne donnons ici que quelques citations, mais c'est in-extenso qu'il faut lire cette conférence. Nous vous y invitons à rejoindre le site de l'institut saint Serge.

Le métropolite aborde ce thème et le traite substantiellement dans une perspective ecclésiale. Il rappela la polémique de saint Jean Damascène, quelques décennies aprèss l'apparition de l'Islam. " Et cette confrontation première continue plusieurs siècles dans l'Empire byzantin et au Moyen Age à cause de l'influence qu'exerça Averroes sur la pensée de saint Thomas d'Aquin et elle n'a pas cessé jusqu'à nos jours. Et l'éxégèse coranique se réfere constamment à la doctrine chrétienne pour lui opposer une attitude négative."

..."Nous sommes confrontés par une pensée religieuse qui devient de plus en plus salafi c'est à dire mue par une fidélité farouche au Coran et à la Tradition du Prophète. Cela n'implique pas que les rapports des chrétiens et des musulmans soient vécus avec la même tension dans toutes les contrées du monde. Souvent comme au Proche-orient et, jusqu'à ces dernières années, en Indonésie ils sont plutôt pacifiques."

..."Cependant, qui compare avec un oeil critique sans une foi à la révélation coranique, constate manifestement des parallèles avec le texte biblique et les apocryphes chrétiens. L'emprunt aux apocryphes est tellement évident que vous pouvez dresser d'une manière synoptique des textes coraniques et des textes apocryphes chrétiens. Le contenu coranique est beaucoup plus qu'une ressemblance."

..."C'était un prophétisme arabe porté par un homme non hébreu. Il se qualifie lui-même de oummi qui a été faussement traduit comme analphabète, le sens existe en arabe. Si vous lisez tous les versets où ce mot est employé il signifie indubitablement celui qui appartient à une nation qui n'a pas reçu l'Ecriture c'est à dire un goï."

... "Il a une fois reçu une delégation de jacobites du Yémen mais le Coran qui rapporte la chose ne fait pas mention d'une discussion sur la Trinité. Je prétends donc qu'il n'a jamais reçu un enseignement plus ou moins relatif à la Trinité."

..."Je ne traiterai pas extensivement de la christologie coranique. Je n'insisterai que sur la mort et l'Ascension du Seigneur. On lit à ce propos dans la sourate IV, 156 ce qui suit :
Les Juifs ne l'ont ni tué, ni crucifié mais cela leur est apparu ainsi. (eux-mêmes sont dans le doute à ce sujet)."

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Cette affirmation semble être un écho de l'enseignement des Docètes qui réduisaient la chair du Christ à une apparence, à un phantasme et avaient tendance, aux 2ème et 3ème siècles, à nier que Jésus ait été réellement mort, ou à croire à une substitution de personne. Une grande littérature musulmane aussi bien médiévale qu'actuelle parle d'un sosie ou d'un double qui aurait éte substitué à Jésus."

... "Le paradoxe coranique est qu'il y a une ascension ou une assomption de Jésus ou que Jésus reviendrait du ciel pour mourir."

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"Il reste que plus d'un milliard d'hommes crient que Jésus a pu être maltraité par les Romains mais qu'il n'a pas été crucifié. La différence fondamentale entre nous et eux reste le scandale de la croix et rend donc les musulmans etrangers à l'essentiel du message évangélique."

..."Il me reste à vous parler d'une partie de la dogmatique qui est l'eschatologie parce qu'elle complète notre connaissance de la nature de l'Islam. Je veux parler de l'eschatologie seulement en ce qu 'elle a de spécifique c'est-à-dire la croyance au jugement dernier et la rétribution finale qui le suit selon ce que dit la sourate 80."

..."Il y a un plaisir des sens et, pour l'immense majorité des exégètes, cela n'est point symbolique. Nulle part il n'est question de voir la Face de Dieu ou de participer aux énergies incrées. Il n'y a pas de différence substantielle entre la nature de l'homme ici-bas et sa nature dans l'éternité. Car l'Islam ignore la notion du corps glorieux. C'est la différence essentielle, je crois, entre le paradis musulman et le ciel chrétien.

L'Islam consacre le mot ciel à la demeure de Dieu seul. Dieu ne partage pas sa propre gloire avec l'être créé. Dieu n'habite jamais l'être humain. Un théologien musulman me disait que l'incamation du Verbe est impossible par ce qu'elle est panthéisme.

..."Je laisse de côté la morale islamique qui, sur divers points comme la justice, la miséricorde divine, l'interdiction du meurtre et de l'adultère est semblable grosso modo à nos valeurs, sauf l'essentiel c'est à dire le devoir de l'amour inconditionnel du prochain."

..."Peut-être vous êtes-vous demandé pourquoi le choix d'un tel sujet qui, s'il ne relève pas directement de la théologie s'inscrit tout de même dans l'histoire de l'Eglise. Il est plus qu'évident qu'on ne peut rien comprendre à l'Islam si l'on ne connait pas les divisions qui ont séparé les chrétiens à partir de Nicée. Je pense que la déficience fondamentale des exégètes musulmans est qu'ils ne se réfèrent jamais à la réflexion des chrétiens orthodoxes ou hétérodoxes qui ont précédé la révélation coranique. Cet effort d'intelligence reste encore impossible à cause de l'absence de l'humain dans la parole de Dieu."

..."Mais si le dialogue intellectuel n'a pas pris les dimensions que nous espérions, par contre le message chrétien passe par beaucoup de canaux dont la presse quotidienne. Nous pouvons au moins parler d'un pré-dialogue qui consiste pour chaque partie à exposer ses croyances et à interroger l'autre partie sur les siennes. Il s'établit ainsi une intelligence réciproque des doctrines. Cela constitue un phénomene qui était inexistant il y a cinq ou six ans les musulmans ayant compris qu'il fallait puiser non seulement dans le Coran leur connaissance du christianisme mais dans les écrits chrétiens. Il faut comprendre l'autre comme il se comprend." (source : institut saint Serge)


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