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du 14 au 17 décembre 2007 (semaine 50)
 

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2007-12-17 -
AVEC L'ISLAM, UN DIALOGUE PRUDENT ET RÉSERVÉ

Face à l'ardeur de plusieurs organismes et Églises chrétiennes, au reçu de la lettre des 138 musulmans, Benoît XVI et les responsables du Saint-Siège paraissent plus prudents et réservés, pour un dialogue et une réponse plus approfondis.

Dès qu’il a reçu, le Saint-Siège en a aimablement accusé réception. Le premier commentaire à la lettre des 138 a été assuré par un organisme rattaché au Saint-Siège – l’Institut pontifical d’études arabes et d’islamologie (PISAI), un commentaire discrètement publié, bien qu’il mette en évidence les éléments nouveaux et positifs de l’initiative musulmane.

Sandro Magister, dans Chiesa, fait remarquer que l’unique référence à la lettre des 138 qui ait figuré jusqu’à présent dans "l'Osservatore romano" se trouve dans la note qui annonçait et commentait la rencontre du 6 novembre entre le roi Abdallah d’Arabie Saoudite et Benoît XVI. "L'Osservatore romano " n’a même pas parlé des commentaires consacrés à la lettre des 138 par deux jésuites islamologues que le Pape apprécie beaucoup, l’Egyptien Samir Khalil Samir et l’Allemand Christian W. Troll, dans "La Civilta cattolica" du 1 novembre.

Il faudra attendre le 19 novembre pour que le cardinal Bertone transmette au Prince de Jordanie Ghazi bin Muhammad bin Talal la lettre qui exprime la pensée du Pape et déjà clarifie la position de l'Église

C’est justement en lisant ces commentaires, dont celui de Troll, que l’on comprend pourquoi l’Eglise de Rome est si prudente. Troll relève que la lettre des 138 musulmans, en insistant sur les commandements de l’amour de Dieu et de son prochain comme "parole commune" au Coran et à la Bible, semble vouloir porter le dialogue uniquement sur le terrain doctrinal et théologique.

Troll remarque qu'il y a une différence abyssale entre le Dieu unique des musulmans et le Dieu trinitaire des chrétiens, avec le Fils qui s’est fait homme. La vraie "parole commune" doit être cherchée ailleurs: "en appliquant ces commandements à la réalité concrète des sociétés pluralistes, ici et maintenant". Elle doit être cherchée dans la protection des droits de l’homme, de la liberté religieuse, de la parité entre l’homme et la femme, de la distinction entre le pouvoir religieux et le pouvoir politique. Or la lettre des 138 est évasive ou muette sur tous ces sujets.

Ce qui donne toute sa valeur objective à cette initiative, est le fait que sur les 138 signataires figurent d'éminentes personnalités représentant des milieux islamiques les plus divers et composites, "Il ne fait aucun doute – écrit encore Père Troll – que cette lettre des chefs et intellectuels religieux musulmans mérite d'être prise en grande considération, surtout par le monde chrétien. Pour les personnes qui, tout comme ceux qui écrivent, sont engagées depuis des décennies dans le dialogue religieux entre chrétiens et musulmans, le seul fait de vouloir trouver un ample consensus entre les personnalités qui ont la tâche de guider le monde musulman est déjà intéressant".

Mais vouloir porter le dialogue sur le terrain doctrinal et théologique,
est un choix délibéré. L’un des principaux auteurs de la lettre, le théologien libyen Aref Ali Nayed, professeur à l’université de Cambridge, s’explique ainsi dans une interview accordée à "Catholic News Service", l’agence de la conférence des évêques des Etats-Unis:

"Le dialogue éthico-social est utile et l’on en a grand besoin. Mais ce type de dialogue se produit déjà chaque jour, par le biais d’institutions tout à fait séculières comme les Nations Unies et ses organismes. Si des communautés fondées sur la révélation religieuse veulent vraiment apporter leur contribution à l’humanité, leur dialogue doit être fondé théologiquement et spirituellement. De nombreux théologiens musulmans ne sont pas du tout intéressés par un dialogue purement éthique entre culture et civilisation". (source : Civilta cattolica et CNS)

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