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du 1 au 4 février 2006 (semaine 05)
 

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2006-02-04 -
REGARDS PROTESTANTS SUR LA RÉCENTE ENCYCLIQUE.

La Fédération Protestante de France vient de publier sur son site internet un "Regard protestant" sur l’encyclique de Benoît XVI, salué comme "un texte théologique exigeant, rigoureux, d'une grande érudition, mais aussi plein de saveur évangélique".

Ce regard est "heureux et dubitatif", pour Fritz Lienhard, professeur de théologie pratique à l’Institut Protestant de Théologie de Montpellier. Sur le site, il vient à la suite de l’analyse de l’encyclique faite par Jean-Daniel Causse, professeur de théologie systématique et d’éthique au même Institut. Auteur d’un livre où est abordé la question de l’eros et de l’agapè, dans La haine et l’amour de Dieu (éd. Labor et Fides), Jean Daniel Causse se situe à la fois à proximité et à distance de cette encyclique.

Pour le professeur Lienhard, "la lecture de la première encyclique de Benoît XVI conduit d’abord un protestant à saluer un texte théologique exigeant, rigoureux, montrant une grande érudition, mais aussi plein de saveur évangélique. Mis à part ce style général, il y a également deux thèmes sur lesquels Benoît XVI se dissocie de son prédécesseur. Il passe sous silence le thème classique de la souffrance rédemptrice, pour dire que sa place dans le plan de Dieu demeure incompréhensible. Les passages au sujet de Marie insistent sur son humilité et son service, avec forces citations bibliques. On peut se demander si ces propos ne corrigent pas la mariolâtrie de Jean-Paul II."

Fritz Lienhard poursuit son analyse : "De même, il faut bien dire que les mentions de Dieu dans l’actualité se font souvent dans un contexte de violence et de guerre. Par le thème de sa première encyclique, l’amour, Benoît XVI renvoie au centre du message de la foi chrétienne. Le lecteur protestant se sent également en profonde communion avec l’évêque de Rome, lorsque celui-ci définit la foi chrétienne non par une morale ou une idée, mais par « la rencontre avec un événement, avec une Personne ». Dans cette logique, tout doctrinarisme devrait être congédié."

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En ce qui concerne le thème de l’encyclique lui-même, il est frappant de voir que, pour Benoît XVI, les formes de l’amour que sont l’éros et de l’agapè – terme traduit généralement par « charité » – ne sauraient être complètement séparés. Dans ce propos, il questionne avec raison, me semble-t-il, une certaine tradition protestante qui oppose radicalement les deux aspects, en désincarnant l’amour du prochain, et en méprisant l’amour charnel."

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Ce qui me laisse plus dubitatif, c’est la compréhension de l’amour comme une manière de s’élever par degrés vers Dieu. L’amour est déifié, quand le Pape dit qu’il «vise à l’éternité ». L’objectif de la vie chrétienne semble être la fusion avec Dieu, et non l’humanité en relation avec Lui. Il me semble essentiel de dire que l’agapè sauve éros, non pas en le faisant passer à une sorte de degré supérieur, mais en le rendant à sa chair, à l’humanité dans sa faiblesse. Cette démarche signifie renoncer à toute divinisation, pour rendre l’amour à ce qu’il est. À cette condition seulement, les aléas de la vie peuvent être pleinement pris en compte, y compris l’échec de l’amour. Mais de la sorte, on fait également place à deux éléments essentiels de la vie amoureuse : l’humour et la tendresse."

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Si nous en venons à présent à la deuxième partie de l’encyclique, consacrée aux activités charitables de l’Église, nous relevons aussi de nombreux propos recueillant l’adhésion du protestant. En particulier, Benoît XVI affirme que le service du prochain est un aspect constitutif de l’être de l’Église. Il s’ensuit que les organisation caritatives de l’Église relèvent de son œuvre propre, dont elle est directement responsable. L’Église, à ses différents niveaux, est le véritable sujet de l’action diaconale."

"Je suis également heureux de lire que, selon Benoît XVI, la charité n’est pas au service du prosélytisme. En même temps, pour lui, servir autrui signifie le considérer comme une personne entière, et donc l’aide ne saurait faire abstraction de Dieu et du Christ. Il en ressort que le choix de se taire ou de parler ne relève pas de principes généraux, mais de la décision concrète du chrétien, qui est affaire de tact."

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Il est intéressant enfin de voir comment le Pape tord le cou à toute condescendance dans l’aide. S’il semble d’abord partir de l’exemple de l’humilité du Christ, c’est finalement le fait d’être à son bénéfice qui rend capable d’humilité. Se savoir aidé par le Christ signifie que « cette tâche est une grâce » et l’action se fait en fonction d’un don du Seigneur. Si elle garde de l’orgueil, la conviction de n’être qu’un instrument préserve également du découragement. Ainsi Benoît XVI rappelle l’importance de la spiritualité, et en particulier de la prière, pour la tâche diaconale."

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Concluons en disant que cette encyclique est tout-à-fait utile, et peut rendre service tant dans l’univers catholique que protestant. On pourrait évidemment poser la question de la compatibilité de ce texte avec un certain nombre de pratiques et de dogmes de l’Église catholique, de manière générale, mais ceci est une autre histoire. (source : FPF)

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