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2006-05-11 - Chine
UN GESTE QUI CHANGE PEU LA SITUATION.

L'ordination le dimanche 7 mai d'un évêque auxiliaire en Chine, apparemment avec le consentement du pape, ne permettra pas de réchauffer les relations entre Pékin et le Vatican, selon certains analystes alors que d'autres en font une lecture différente.

Pei Junmin, directeur adjoint du séminaire de Shenyang, prêtre chinois formé dans un séminaire aux Etats-Unis, a été ordonné dimanche évêque auxiliaire dans un diocèse de la province du Liaoning, dans le nord-est de la Chine, apparemment avec l'approbation du Vatican. Le geste de dimanche, s'il peut apparaître comme de bonne volonté, ne changera pas grand-chose à la situation actuelle, disent certains experts.

"Le Vatican cherchait un arrangement avec la Chine pour que chaque ordination d'évêque soit approuvée par lui. La Chine peut très bien simplement vouloir imposer sa décision sur qui a le dernier mot sur cette question", estime Richard Madsen, expert des relations entre le Vatican et la Chine à l'Université de Californie à San Diego. "Les deux parties veulent le dernier mot sur la nomination des évêques. La Chine semble vouloir montrer qu'elle l'a", poursuit-il.

Pour le président du groupe de défense des droits des catholiques Cardinal Kung Foundation, basé aux Etats-Unis, "les relations futures entre la Chine et le Vatican dépendent de l'ordination des évêques". La Chine doit également avoir "une véritable liberté de culte. Ils doivent aussi libérer les prêtres, les évêques et les catholiques actuellement en prison, ils doivent les laisser aller librement", dit-il. "Je ne suis pas optimiste", ajoute-t-il cependant.

Liu Bainian, vice-président de l'Association catholique chinoise patriotique, nuance : "Tant que le Vatican n'aura pas de relations diplomatiques avec nous, nous devons continuer à nommer nous-mêmes des évêques", a-t-il déclaré.

L
a Chine pourrait suivre l'exemple du Vietnam qui nomme des évêques après avoir soumis préalablement une liste de candidats au Saint-Siège. Les deux parties négocient ensuite jusqu'à trouver un consensus. "On peut y arriver si la Chine a vraiment envie de trouver une solution", estime la Fondation Kung. Mais les autorités craignent de ne plus avoir le contrôle sur l'Eglise, estime M. Madsen : "C'est ce que redoute vraiment le gouvernement, des organisations qu'il ne contrôle pas, surtout celles ayant des liens avec l'étranger".

Mais sur le terrain, la situation est moins figée qu'il n'y paraît. Si "l'Église clandestine" connaît une réelle persécution qui varie en intentisté selon les régions, les moments et les responsables locaux, elle n'en est pas moins totalement connue du pouvoir.

Le P. Henri Madelin, jésuite de l'OCIPE, apporte ainsi des réflexions sur lesquelles s'accordent bien de observateurs. Les chrétiens n'ont plus besoin de se cacher; quand ils vivent leur foi dans le cadre de l'Église officielle qui n'a rien rien renier de la foi catholique. Ces communautés chrétiennes "officielles" occupent l'espace public grâce aux lieux de culte qui lui ont été confiés. La bureaucratie qui le surveille est pesante et tatillonne; elle a tous les défauts des corps ossifiés et dépourvus d'imagination.

Dans le même temps u
ne nouvelle génération de prêtres et d'évêques "officiels" s'effraye moins des oukases du parti et porte une estime à l'Église clandestine" qui peut relier les deux branches du catholicisme.

Nul ne remet en cause sur place la figure du pape. Dans les mémentos des messes célébrées en Chine, le nom du pape est dit comme dans toutes les églises du monde.

Au moment du décès de Jean Paul II, la Conférence des évêques "officiels" a envoyé au Collège des cardinaux romains un télégramme à la teneur significative: «Le décès du pape Jean-Paul II est une nouvelle très triste. C'est une grande perte pour les efforts d'évangélisation de l'Église universelle. Au nom des millions de catholiques de Chine, nous exprimons nos profondes condoléances. »

Si l
es politiques se réservent toujours le droit de choisir et de nommer les évêques «officiels», de plus en plus fréquemment, ceux-ci, dès qu'ils sont pressentis, s'empressent de demander à Rome une autorisation papale. Un bon nombre de pasteurs peuvent donc se réclamer d'une double investiture. Le secret dans ces matières est de rigueur, mais dans le climat d'hyper-contrôle chinois, tout événement tenu secret parvient à plus ou moins brève échéance aux oreilles des dirigeants politiques, qui réagissent ou non selon des critère bien difficiles à définir.

Et pui, ajoute le P. Henri Madelin, combien de temps Pékin pourra-t-il se permettre d'ignorer les demandes des fidèles chinois et les requêtes internationales? Il faut reconnaître que les brimades à l'égard des chrétiens sont moins fréquentes depuis que le secteur économique est composé pour les deux tiers d'entreprises privées. La Chine veut réussir les Jeux olyinpiques qui se tiendront chez elle en 2008.

Cela pourrait débloquer les négociations entre le Saint-Siège et la Chine, car cette année-là, Pékin devra répondre aux demandes politiques et culturelles de milliers de personnes qui viendront sur place pour cet événement. La Chine nous a toujours appris le sens du temps.
(source : La Croix - information : Eglises d'Asie-EDA)

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