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du 4 au 9 juillet 2006 (semaine 27)
 

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2006-07-09 - Turquie
EST-ELLE MÛRE POUR ENTRER DANS L'UE ?

En Turquie il manque un « vrai Etat laïc qui garantisse la liberté religieuse » fondamentale et typique de la culture de l’Europe, estime le cardinal Kasper pour qui la Turquie n’est donc pas « mûre » pour l’entrée dans l’Union européenne.

La Turquie a entamé le 12 juin la phase concrète des négociations en vue de l’adhésion à l'Union européenne. Mais le concret de la réalité actuelle ne semble pas correspondre à cette démarche d'ouverture sur ce qui est l'une de caractéristiques de l'Europe, la liberté religieuse.

Un prêtre français, le P. Pierre Brunissen, a été frappé dimanche dernier, 2 juillet, à l’arme blanche dans une rue de Samsun. En février, un prêtre italien, don Andrea Santoro, a été abattu alors qu’il priait dans son église, à Trabzon sur la mer Noire. Cinq jours après, un prêtre catholique slovène en poste à Izmir, dans l’Ouest du pays, a été agressé par un groupe de jeunes en l'église Sainte-Hélène.

"Je pense que ces actes ne sont possibles que dans un contexte de soupçon, de xénophobie. Ce n'est pas seulement le problème de celui qui commet l'acte. A Istanbul aussi grandit le fondamentalisme islamique, (appelé) le « patriotisme » : un climat hostile aux étrangers est en train de se créer", affirme le cardinal Kasper, président du conseil pontifical pour la Promotion de l’Unité des chrétiens, qui réagit, dans les colonnes du « Corriere della Sera » du mardi 11 juillet.

Depuis quelques temps, un sentiment antichrétien se répand dans le pays à 99% musulman et laïque. La petite communauté chrétienne turque, composée de catholiques, de protestants et d'orthodoxes, compte quelque 80 000 fidèles. Les milieux d'extrême gauche et d'extrême droite l'accusent d'être à la solde de l'Occident.

Mgr L'évêque Luigi Padovese s'inquiète de ce climat délétère: «Une partie des médias répand une image très négative du christianisme, insistant sur les missionnaires en particulier les évangéliques protestants qui paieraient des musulmans pour les convertir. A les écouter, les chrétiens s'apprêtent à reconquérir la Turquie.»

Or u
n rapport de la fondation Tesev, publié en mars, sur les atteintes aux droits de l'homme a répertorié les atteintes contre les citoyens non musulmans. Et soulignait que seules 350 conversions au christianisme avaient été enregistrées en 7 ans (sur une population de 70 millions d'habitants). Un résultat très limité. Mais l'an dernier, au cours d'un prêche du vendredi, l'Etat turc avait lancé une diatribe dans toutes les mosquées contre les missionnaires et leurs «croisades modernes» en terre turque.

Aussi le cardinal Kasper estime-t-il prématuré d’envisager l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne : « A dire vrai, je ne crois pas qu’une intégration de la Turquie à l’Union européenne soit possible pour le moment. Ce qui manque encore c’est un vrai Etat laïc, qui garantisse la liberté religieuse. Et du reste il faut du temps : un climat aussi hostile requiert un long processus de purification de la mémoire ».

Et d’expliquer : « Chaque peuple peut avoir une mémoire particulière de ce que les autres lui ont fait. Ainsi la question de l’éducation est centrale : pour regarder le présent avec des yeux neufs. C’est difficile mais pas impossible. C’est une responsabilité de la politique, des écoles, des familles. Dans les universités il y tant de jeunes qui s’intéressent à la recherche de Dieu : on peut s’occuper d’eux non pas avec l’intention de les faire devenir catholiques, mais de les rendre respectueux de l’autre, et même meilleurs comme musulmans ».

A propos de la liberté religieuse, le cardinal précise par exemple qu’en Turquie « l’Eglise n’a pas même le droit d’avoir des propriétés. Il y a une certaine tolérance, mais pas de liberté authentique. L’Etat administre la religion, et cela ne va pas. La Turquie doit changer beaucoup de choses et ce n’est pas seulement une question de lois mais de mentalité, et la mentalité ne change pas d’un jour à l’autre. Ce sont de longs processus, ce n’est pas comme appuyer sur un bouton ».

« Je crois, ajoute-t-il que le gouvernement et les militaires ont intérêt à maintenir un Etat plus ou moins sécularisé. On peut avoir avec la Turquie une relation spéciale, certainement. Mais la situation ne me paraît pas encore mûre. Le pays doit se préparer à la culture européenne ».

Rappelons que le pape doit se rendre en Turquie, fin novembre, dans le cadre de la fête de Saint-André, frère de saint Pierre, et saint patron de l’Eglise de Constantinople, à l’invitation des autorités turques, du patriarcat œcuménique, et de la communauté catholique du pays. (source : Corriere / Apic)

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