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du 7 au 10 septembre 2006 (semaine 36)
 

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2006-09-10-
RESPECTONS LA MÉMOIRE DE FRÈRE ROGER.

Selon le quotidien Le Monde Frère Roger, le fondateur de Taizé, s'était "converti" au catholicisme en 1972. Ce raccourci vient de l'ignorance médiatique de son parcours original et riche d'ouverture sur ce qu'est la communion des Églises.

La communauté de Taizé, l'évêque de Nanterre Mgr Gérard Daucourt, membre du Conseil pontifical pour la promotion de l'unité des chrétiens, et le pasteur Gill Daudé, responsable des relations oecuméniques à la Fédération protestante de France (FPF), ont rappelé l'originalité de la démarche de Frère Roger, assurant qu'il n'avait rien caché.

"Pourrait-on respecter sa démarche et ne pas vouloir récupérer sans nuance et dans une totale méconnaissance des démarches de la foi, ce qu’il voulait dépasser" et qu'il avait dépassé ? demande ces responsables d'Église.

L'ancien évêque d'Autun, Mgr Raymond Séguy, évêque du diocèse où est situé Taizé, a précisé que Frère Roger n'avait pas abjuré le protestantisme mais que, dans le même temps, il avait "manifesté qu'il adhérait pleinement à la foi catholique".

"D'origine protestante, Frère Roger a accompli une démarche qui n'a pas de précédent depuis la Réforme au XVIe siècle : entrer progressivement dans une pleine communion avec la foi dans l'Eglise catholique sans une conversion impliquant une rupture avec ses origines", explique la communauté de Taizé.

"Ceux qui veulent à tout prix que les confessions chrétiennes trouvent chacune son identité en s'opposant à l'autre ne peuvent bien sûr pas saisir le cheminement de Frère Roger", poursuit la communauté, rappelant qu'il disait en 1980 avoir trouvé son identité de chrétien "en réconciliant en (lui-même) la foi de (ses) origines avec le mystère de la foi catholique, sans rupture de communion avec quiconque".

Frère Roger, assassiné le 16 août 2005 par une déséquilibrée, a eu des obsèques catholiques. Il avait reçu pour la première fois l'Eucharistie catholique en 1972 des mains de l'évêque d'Autun d'alors, Mgr Armand Le Bourgeois, qui ne lui a demandé "d'autre profession de foi que le Credo" commun à tous les chrétiens.

Sa communion publique, des mains du futur Benoît XVI, aux funérailles de Jean Paul II avait troublé des Eglises protestantes car l'Eglise catholique refuse généralement l'intercommunion aux protestants.

Toute admission à la pleine communion dans l'Eglise catholique - pour un baptisé, on ne parle pas de conversion - suppose un document écrit et signé. "Aucun document de ce genre n'existe concernant Frère Roger", explique Mgr Daucourt, mais "le droit de l'Eglise catholique confère à chaque évêque la responsabilité d'accueillir à l'Eucharistie, régulièrement ou exceptionnellement, un nouveau baptisé ou un baptisé venant d'une autre Eglise".

"Comment peut-on laisser entendre que Frère Roger aurait triché en cachant une conversion au catholicisme au sens où on l'entend habituellement?", s'indigne Mgr Daucourt.

"Pourrait-on respecter sa démarche et ne pas vouloir récupérer confessionnellement ce qu'il voulait dépasser?", lance Gill Daudé, "notre paysage chrétien et nos mentalités limitées sont tels que nous avons du mal à penser la réconciliation des deux (...) C'est la réalité institutionnelle et formelle de nos Eglises. C'est aussi leur péché"

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Frère Roger a plusieurs fois déclaré, et encore écrit dans son dernier livre, qu’il avait réconcilié en lui-même sans rupture sa foi réformée et la tradition catholique," fait remarquer Gilles Daudé. " Pourrait-on respecter sa démarche et ne pas vouloir récupérer confessionnellement ce qu’il voulait dépasser ?"

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Des protestants veulent souvent le catholiciser ; des catholiques veulent y voir une conversion (en forme de cocorico)  là où lui voyait une réconciliation, une communion sans rupture.

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En catégorisant ce qu’il ne voulait pas catégoriser, cela nous évite, à bon marché, de nous laisser interpeller par une démarche de réconciliation qui nous dérange parce qu’elle nous appelle au déplacement.  Nous ferions mieux, pour être évangélique, d’essayer d’entrer dans une telle démarche de guérison des exclusives confessionnelles.

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Frère Roger, déclare encore le responsable des relations oecuméniques de la Fédération Protestante de France, était entré dans une démarche post-confessionnelle ou pour le dire autrement, de dépassement de ces clivages confessionnels. Cela nous paraît insolite, cela semble aller au-delà de ce que nous pouvons imaginer, mais telle était sa démarche.

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Même si on ne la partage pas, la moindre des choses serait de la respecter." (Gilles Daudé) (source : FPF - CEF)

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