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du 14 au 17 septembre 2006 (semaine 37)
 

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2006-09-17 -
CE QUE LE PAPE A DIT DE L'ISLAM AUX UNIVERSITAIRES DE RATISBONNE.

Les débats et la "tempête" qui suivent ce qu'a dit Benoît XVI le mardi 12 septembre, méconnaissent souvent le texte exact de sa conférence de Ratisbonne sur la foi et la raison. Nous vous donnons ici les passages exacts sur l'Islam et la violence.

«J’ai lu récemment, dit le pape aux universitaires, le dialogue, publié par le professeur Theodore Khoury (de Münster), entre l’empereur byzantin lettré Manuel II Paléologue et un savant persan dans le camp d’hiver d’Ankara en 1391, sur le christianisme, l’islam et leur vérité respective. (…) Évoquant le thème du « Djihad » et la sourate 2, 256 (« Pas de contrainte en matière de foi »), [l’empereur déclare] : « Dieu ne prend pas plaisir au sang, et ne pas agir de manière raisonnable est en contradiction avec la nature de Dieu. La foi est un fruit de l’âme, non du corps. (…) Pour convaincre une âme raisonnable, on n’a pas besoin de son bras, pas d’instrument pour frapper, ni d’aucun autre moyen avec lequel on puisse menacer quelqu’un de mort. »

La principale phrase dans cette argumentation contre la conversion par contrainte s’énonce donc ainsi : Ne pas agir selon la raison contredit la nature de Dieu. Le professeur Khoury commente ainsi : pour l’empereur, un Byzantin éduqué dans la philosophie grecque, la phrase est évidente.

Pour la doctrine musulmane en revanche, Dieu est absolument transcendant ; sa volonté ne dépend d’aucune de nos catégories, même pas celles de la raison. Khoury cite à l’appui une étude du célèbre islamologue français R. Arnaldez, qui affirme qu’Ibn Hasn va jusqu’à dire que Dieu n’est même pas lié par sa propre parole et que rien ne lui fait obligation de nous révéler la vérité. Si tel était son vouloir, l’homme devrait même se livrer à l’idolâtrie.

Ici s’effectue une bifurcation dans la compréhension de Dieu et dans la réalisation de la religion, qui nous interpelle directement aujourd’hui. Est-ce seulement grec de penser qu’agir contre la raison est en contradiction avec la nature de Dieu, ou bien est-ce une vérité de toujours et en soi ?

Je pense qu’en cet endroit devient visible l’accord profond entre ce qui est grec, au meilleur sens du terme, et la foi en Dieu fondée sur la Bible. En référence au premier verset de la Genèse, Jean a ouvert le prologue de son Évangile avec la parole : « Au commencement était le Logos. » C’est exactement le terme qu’emploie l’empereur : Dieu agit avec logos. « Logos » désigne à la fois la raison et la Parole – une raison qui est créatrice et peut se donner en participation, mais précisément comme raison.

Jean nous a ainsi fait don de la parole ultime du concept biblique de Dieu, parole dans laquelle aboutissent et trouvent leur synthèse tous les chemins, souvent difficiles et tortueux, de la foi biblique. "Au commencement était le Logos, et le Logos est Dieu", ainsi nous parle l’Évangile. La rencontre de l’annonce biblique et de la pensée grecque ne fut pas un hasard. (…)

Cette rencontre était depuis longtemps en marche [cf. le nom de Dieu donné à Moïse (« Je suis »), et la traduction des Septante]. Dans le Moyen Âge tardif s’est également développée une tendance à l’intellectualisme augustiniste et thomiste de Duns Scot, qui a fait éclater la synthèse entre ce qui est grec et ce qui est chrétien. Dieu devient tellement transcendant et arbitraire que la vérité et le bien ne sont plus des miroirs de Dieu. (…)

À l’encontre de cela, la foi chrétienne a toujours affirmé fermement qu’entre Dieu et nous, qu’entre son esprit créateur éternel et notre raison créée, il existe une réelle analogie, dans laquelle les dissimilitudes sont infiniment plus grandes que les similitudes, mais cela ne supprime pas l’analogie et son langage.

Dieu ne devient pas plus divin si nous l’éloignons dans un volontarisme pur et incompréhensible, mais le véritable Dieu est le Dieu qui s’est manifesté dans le Logos et qui a agi et qui agit par amour envers nous.

... L’Occident est menacé depuis longtemps par le rejet des questions fondamentales de la raison, et ne peut en cela que courir un grand danger.

Le courage pour élargir la raison, non la dénégation de sa grandeur : tel est le programme qu’une théologie responsable de la foi biblique doit assumer dans le débat actuel.

« Ne pas agir selon la raison (selon le Logos) s’oppose à l’être de Dieu », répliqua Manuel II, depuis sa vision chrétienne de l’image de Dieu, à son interlocuteur perse. C’est dans ce grand Logos, dans cette large raison que nous invitons nos partenaires au dialogue des cultures. La trouver toujours à nouveau, telle est la grande tâche de l’université. » demandent une connaissance exacte et le sens authentique de ce qu'il a dit de la foi et de la raison à propos de l'Islam. (Texte : VIS - traduit de l'allemand par Marcel Neusch. - source : La Croix)

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