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2006-10-01 -
LE DIALOGUE CATHOLIQUE ORTHODOXE PROGRESSE.
Pour la première fois depuis six ans, un sommet théologique s’est tenu entre l’Église catholique et l’ensemble des Églises orthodoxes, dans un climat nouveau, un premier résultat qui est implicite, mais loin d’être négligeable.
Que la Commission mixte internationale pour le dialogue théologique catholique-orthodoxe se soit réunie à Belgrade du 18 au 24 septembre, qu’elle ait pu donner lieu à des discussions « courtoises et en même temps profondes », selon les termes de l’un des participants, Mgr Roland Minnerath, est déjà en soi un « grand progrès », Ce qu'ont souligné le cardinal Walter Kasper, coprésident de la commission et le métropolite Jean (Zizioulas) de Pergame.
Le patriarche œcuménique Bartholomée Ier de Constantinople s’est réjoui, que les discussions théologiques entre catholiques et orthodoxes se placent sur le terrain de l’ecclésiologie, de la définition même de l’Église.
"L’essence même de l’existence de l’Église sur la terre, sa raison d’être comme son but : tout est là, a-t-il expliqué lors d'une conférence de presse à une délégation de l’Association des journalistes d’information religieuse (Ajir) en visite sur place. Tout le reste est secondaire."
Le patriarche, qui bénéficie d’une primauté d’honneur dans l’orthodoxie mondiale, espère que ce thème central permettra un jour d’aborder les questions épineuses entre catholiques et orthodoxes, dont la primauté du pape de Rome : « Nous sommes tout à fait prêts à reconnaître à l’évêque de Rome la primauté qu’il avait avant la séparation".
Il s'est déclaré
« surpris » que Benoît XVI ait renoncé au titre de patriarche d’Occident : "Cela nous donne l’impression que l’évêque de Rome veut accentuer son rôle de pontife universel avec une juridiction sur toute l’Église, et plus seulement sur le territoire canonique du patriarcat d’Occident", ce qu'il regretterait si c'est l'intention du pape.
Aux yeux du patriarche de Constantinople, le retour à la communion entre catholiques et orthodoxes passe par un retour au "terrain commun de l’Église indivise du premier millénaire" : "Tout ce qui a été ajouté après la séparation des Églises peut et doit être reconsidéré», affirme ainsi Bartholomée Ier. Il ainsi en ligne de mire, les dogmes ajoutés par Rome aux XIXe et XXe siècles, comme l’Immaculée Conception, l’infaillibilité pontificale ou l’Assomption.
"Si l’Église d’Occident peut convaincre des orthodoxes de la justification de ce qui a été ajouté, tant mieux, explique-t-il. Sinon, tant pis : il faudra l’effacer." Ou, à tout le moins, le conserver pour la seule Église d’Occident.
Pour le patriarche de Constantinople, évoquer les sujets ecclésiologiques ne signifie pas renoncer aux questions qui fâchent. Y compris l’uniatisme – ces Églises orientales, notamment en Europe centrale (particulièrement en Ukraine), unies à Rome à partir du XVIe siècle et qui demeurent une blessure pour l’orthodoxie. "Les catholiques ont reconnu que l’uniatisme n’était pas une méthode pour l’unité, se réjouit Bartholomée Ier. Nous insistons maintenant pour que Rome apporte une solution qui satisfasse les orthodoxes." Et de mettre en garde, avec des mots durs – plus habituels de la part de Moscou que de Constantinople –, contre « le prosélytisme uniate à l’encontre des orthodoxes ».
"Cette fois, le dialogue a pu retourner à son agenda théologique", se réjouit Mgr Johan Bonny, du Conseil pontifical pour l’unité. C’est ainsi que les participants ont repris un document, préparé en 1990, sur "les conséquences ecclésiologiques et canoniques de la nature sacramentelle de l’Église". Il s’agit en fait de la question de l’équilibre entre les deux principes qui gouvernent l’Église : celui de l’autorité et celui de la conciliarité.
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Depuis Vatican II, l’Église catholique accepte en théorie cette notion de conciliarité, affirme Mgr Minnerath. Mais nous avons beaucoup à apprendre de l’Orient sur ce sujet." En réalité, constate encore l’archevêque de Dijon, "ce qui nous distingue, catholiques et orthodoxes, c’est surtout l’application concrète de ce principe". Justement, l’intérêt du document de 1990, fait observer Mgr Bonny, c’est qu’il se place concrètement à trois niveaux : local, régional et universel : « Au plan régional, l’Église catholique n’a pasl’équivalent des synodes orthodoxes, mais dispose des conférences épiscopales. Et au plan universel, il n’existe pas de synode pour l’ensemble des Églises orthodoxes, alors que nous avons une structure synodale qui, même imparfaite, a le mérite d’exister."
S'il y eût affrontement lors de la discussion de cette question,
l’affrontement n’est pas venu de discussions entre catholiques et orthodoxes, mais entre les orthodoxes eux-mêmes. Les intervenants confient même avoir été surpris de la brutalité du différend entre le patriarcat de Moscou et celui de Constantinople.
Le problème ? Le rôle du siège de Constantinople dans le fonctionnement de l’ensemble des Églises orthodoxes, au sein desquelles lui est reconnue une primauté d’honneur : pour Moscou, la communion avec le Patriarcat œcuménique ne saurait être une condition indispensable à la « catholicité » de l’Église orthodoxe, contrairement à ce qui se passe avec le siège de Rome pour l’Église latine.
"L’évêque de Constantinople n’a jamais eu de rôle comparable à celui du pape, et le critère de catholicité dans l’Église orthodoxe est la communion eucharistique et canonique des Églises locales entre elles, et non pas exclusivement avec la chaire de Constantinople," rappelle l’évêque Hilarion de Vienne, représentant de Moscou. Question controversée, mais stratégique pour l’orthodoxie, que le cardinal Kasper a promis de réexaminer à la réunion suivante en octobre 2007. (information : VIS- Orthodoxie)
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